La magie de Patrizia Ciofi

En temps normal, le rôle de Maria Stuarda est chanté par une soprano plus claire que sa rivale Elisabeth. Mais depuis quelques années, Joyce DiDonato chante la reine déchue régulièrement et du coup on se retrouve avec une sorte d’inversion dans les timbres. Face à Carmen Giannattasio, le confrontation semblait impressionnante. Mais l’annulation de la mezzo-soprano américaine a changé la donne, puisque c’est finalement Patrizia Ciofi qui chante le rôle sur la scène du Theâtre des Champs-Élysées. Nous sommes donc passé d’un mezzo-soprano claire mais puissant à une soprano assez légère qui est plus connue pour ses demi-teintes que pour sa puissance vocale. Déjà impressionnante dans Maria Stuarda à Avignon il y a quelques années, c’était un vrai plaisir de la retrouver, mais aussi une petite question… les années ont passé et si l’art de la chanteuse est sûrement toujours aussi beau, on pouvait craindre une petite érosion des moyens. Mais malgré tout, avec Patrizia Ciofi nous sommes certains d’être touchés et émus par son interprétation. Et puis nous avons aussi la présence d’une habituée du rôle d’Elisabeth et un ténor qui possède toujours une forte présence. Continuer…

Un autre grand Rossini à Marseille : une Donna del Lago splendide!

En fin de saison 2009/2010, l’Opéra National de Paris donnait une nouvelle production de La Donna del Lago au palais Garnier, offrant au public l’occasion de découvrir une partition majeure de Rossini dans deux distributions de haute volée… Dans un premier temps, Joyce DiDonato et Juan Diego Florez partageaient la tête d’affiche avec Daniela Barcelona et Colin Lee… puis les deux rôles principaux étaient remplacés par Karine Deshayes et Javier Camarena. Dans tous les cas, le spectacle musical était au rendez-vous, que ce soit pour les grandes stars ou les jeunes voix en promesse… Voici qu’en 2018, l’Opéra de Marseille redonne l’ouvrage… et l’on retrouve justement Karine Deshayes dans le rôle principal pour quatre représentations en version de concert. Autour d’elle, de jeunes chanteurs qui ont déjà fait leur preuves dans ce répertoire : Varduhi Abrahamyan qui chanta Arsace dans Semiramide ici même il y a quelques saisons, Edgardo Rocha qui a été adoubé par Cecilia Bartoli dans des rôles de Rodrigo et Iago dans Otello et bien sûr Enea Scala dans le spectaculaire Ermione qui réunissait Michael Spyres, Dmitry Korchak et Angela Meade sous la direction d’Alberto Zedda. Une superbe distribution donc pour ce concert de Marseille ! Continuer…

Encore une trouvaille chez Saint-Saëns : Ascanio

Si Camille Saint-Saëns est principalement connu comme compositeur d’opéra pour Samson et Dalila, il ne faudrait pas que ce grand succès cache les douze autres ouvrages. Surtout que la structure et le format de ce triomphe lorgne entre opéra et oratorio. Mais si on a vraiment l’impression de l’omniprésence de Samson, l’on se rend compte en regardant la liste que finalement… il n’y a bien que cinq opéras qui sont encore inédits au disque ! Les cinq datent plutôt de la fin de la carrière (mise à par Étienne Marcel de 1879) de Camille Saint-Saëns… mais les titres font rêver : Phryné (1893), Frédégonde (1895, fin de la composition suite à la mort de son auteur Ernest Guiraud), L’Ancêtre (1906) et enfin Déjanire (1911). Mais aujourd’hui, c’est un ouvrage juste antérieur à ces quatre là puisque nous avons enfin la possibilité d’écouter Ascanio qui fut créé en 1890. L’histoire de la création est assez trouble puisque Saint-Saëns devra subir non seulement des coupures… mais aussi la transposition d’un des rôles principaux du fait de l’absence d’une alto à l’Opéra de Paris. Et le pire est qu’il n’a appris ces changements qu’après la création étant donné qu’il était absent de Paris pour cause de maladie. Mais Guillaume Tourniaire (à qui nous devons déjà Hélène et un disque d’extraits orchestraux des Barbares, de Henry VIII, d’Étienne Marcel et justement d’Ascanio) a effectué un immense travail pour restituer la partition dans son état original afin que le public d’aujourd’hui puisse entendre l’opéra comme Camille Saint-Saëns l’avait rêvé… sans jamais pouvoir l’entendre lui-même malgré les quelques reprises. Grande passion pour un ouvrage passionnant ! Continuer…

Orphée à l’Opéra-Comique, version Berlioz!

Le mythe d’Orphée est très important dans l’histoire de l’opéra, comme le rappelle Agnès Terrier dans sa présentation du spectacle. Bien sûr, il y a eu Monteverdi, mais aussi Caccini, Peri, Rossi, Charpentier, Haydn… et plus proche de nous Offenbach. Gluck va prendre ce sujet pour révolutionner l’opéra, passer du baroque seria au classique. Il faut dire que mettant en avant l’artiste, cette histoire ne peut que passionner les compositeurs et favoriser la réception du public. Monté il y a peu dans sa version première en italien au Théâtre des Champs-Élysées, la partition de Gluck est ici montée dans sa version remaniée par Hector Berlioz. Du contre-ténor Philippe Jaroussky nous passons à Marianne Crébassa pour le rôle principal. De part son histoire et son orientation artistique, l’Opéra-Comique ne pouvait faire autrement que monter une version française… le choix entre la version revue par Hector Berlioz permet de donner le rôle à une mezzo-soprano et ainsi retrouver la tessiture originale de l’ouvrage. Continuer…

Enfin le grand retour des Huguenots à l’Opéra de Paris!

Voilà quatre-vingt-deux ans que Les Huguenots n’avait pas été monté sur les planches de l’Opéra de Paris… et trente-trois ans avant qu’une Å“uvre de Giacomo Meyerbeer ne retrouve le faste de cette même scène, après le mythique Robert le Diable de 1985 où triomphait Samuel Ramey. Pourtant, le compositeur était célébré durant tout le XIXème siècle et il n’y a qu’à noter que cette représentation des Huguenots est la 1121ème depuis sa création dans cette maison… nous avions donc sur les cents premières années une moyenne de onze représentations par ans de l’ouvrage ! Sachant qu’au fil du siècle, Meyerbeer a été peu à peu remplacé par Verdi et Wagner. Cette partition était donc l’un des plus grands succès de la scène parisienne. Mais les goûts ont changé, le compositeur a été repoussé parfois pour des raisons peu avouables… et la médisance est venue s’installer sur ce qui n’était soit disant que de la musique de spectacle, sans inspiration ni génie. La province continuera à l’entendre mais de moins en moins souvent. Puis voici que depuis le début des années 2010, Meyerbeer semble revenir sur le devant de la scène avec entre autre la fameuse production des Huguenots à Bruxelles par Olivier Py et Marc Minkowski en 2011, reprise l’année suivante à Strasbourg. Depuis, l’Allemagne se montre très attachée à son enfant et donne Dinorah, Le Prophète, Les Huguenots… et même Vasco de Gama, version princeps de L’Africaine. Enfin, l’Opéra de Paris se montre digne de son histoire et replonge dans son arbre généalogique. Continuer…

Fin de Ring mémorable pour Valery Gergiev

En mars de cette année, Valery Gergiev avait offert au public parisien la première partie de sa tétralogie : Das Rheingold et Die Walküre. Ces deux ouvrages étaient déjà documentés par les parutions sous le label du Mariinsky. Même si les choix étaient parfois différents dans les chanteurs comme les tempi, on retrouvait des inspirations. Mais voici les deux journées qui manquent encore et toujours aux enregistrements officiels. Siegfried et Götterdämmerung nous sont rendus avec des chanteurs entendus pour la plupart au printemps, mais il restait des questions. Comment la magnifique Sieglinde d’Elena Stikhina allait-elle se mesurer à la Brünnhilde de la deuxième journée ? Comment Mikhail Vekua, qui avait déjà enchaîné Loge et Siegmund, pouvait-il réussir à chanter les deux Siegfried en deux jours ? Et bien tous les défis ont été relevés avec brio ! Continuer…

Hamlet et sa discographie… en attendant la production de l’Opéra-Comique!

Ambroise Thomas est connu pour deux ouvrages : Mignon et Hamlet. Longtemps ces deux opéras sont restés des piliers des opéras français avec bien sûr le premier à l’Opéra-Comique et le second à l’Opéra de Paris, qu’il soit au Palais Garnier ou à la Salle Le Pelletier. Mais depuis le début du vingtième siècle, il y a eu une perte de vitesse en particulier pour Hamlet. Était-ce le traitement infligé à la pièce de Shakespeare qui a fait se détourner le public ? Ou alors la mauvaise image de la musique d’Ambroise Thomas ? Toujours est-il qu’il faudra attendre la fin des années soixante-dix pour que l’ouvrage retrouve les grandes scènes, porté souvent par un baryton qui voulait se mesurer à un rôle en or. Ainsi Sherril Milnes, Thomas Allen, Thomas Hampson… malheureusement jamais de français (alors que l’on peut rêver d’un Ernest Blanc ou plus proche de nous Ludovic Tézier!). Il y eut aussi quelques Ophélie comme bien sûr Natalie Dessay. Et plus proche de nous, nous avons Stéphane Degout qui est l’interprète actuel le plus marquant… et l’on attend avec impatience la prise de rôle de Sabine Devieilhe. Aussi, un petit retour sur cet ouvrage et particulièrement sa discographie qui reste assez pauvre même si l’on a la chance d’avoir plusieurs enregistrements complets de bonne qualité ! Continuer…

Callas en direct – 4/5, 1955-1957 : Andrea Chénier, La Sonnambula, Lucia di Lammermoor, Anna Bolena et Ifigenia in Tauride

Dans cette partie du coffret, nous avons une belle diversité de répertoire. De la tragédie lyrique au vérisme en passant par le bel-canto, Maria Callas se montre sous toutes ses facettes possibles. Bien sûr il y a le grand rôle de Lucia di Lammermoor qui est un des grands succès de la chanteuse, mais sinon, nous avons tout de même trois rôles qu’elle chantera très peu, voir même pour une seule série de représentation comme Andrea Chénier. Mais nous découvrons une chanteuse très investie, où la voix commence à trahir quelques signes de faiblesse, mais où la chanteuse reste royale et particulièrement magnétique. Continuer…

Trio gagnant pour Samson et Dalila!

Créé en 1877 à Weimar, puis plus de dix ans plus tard à Paris, Samson et Dalila restera un ouvrage difficile à monter à cause de cet aspect assez proche de l’oratorio. Après une série de représentations la saison dernière à l’Opéra de Bastille, voici que la partition est de retour sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées mais cette fois dans le format d’un opéra en version de concert. Si la distribution de l’Opéra de Paris était internationale pour les rôles titres avec par contre des seconds rôles francophones, voici que se trouvent ici réunis trois chanteurs francophones à la diction exemplaire pour deux concerts d’exception. Après avoir chantés chacun de leur côté les rôles titres dans des productions scéniques il y a peu, voici que Marie-Nicole Lemieux et Roberto Alagna se retrouvent sur scène pour incarner ces deux personnages mythiques : elle avec la fougue emportée de la tragédienne qu’elle a démontré en Cassandre des Troyens et lui avec cette vaillance qui semble être sa marque de fabrique depuis quelques mois. Pour compléter le trio, Laurent Naouri était en Grand-Prêtre où toute sa noirceur peut se déployer. Restait la grande question du chef, qui venait en remplaçant de remplaçant… Continuer…

Gounod, le Faust nouveau est arrivé!

Avec Carmen, Faust est sans nul doute l’un des opéras français les plus connus. Tous deux ont été créés avec des dialogues parlés, puis ont été modifiés au cours des représentations ainsi que lors des reprises dans d’autres salles que celles de leurs créations. Ainsi, des récitatifs ont été composés, des passages coupés… ou des passages ajoutés pour Faust. Il est donc extrêmement difficile actuellement de retrouver la forme originale de l’ouvrage tel qu’il a été créé en 1859. Bien sûr l’on connaît quelques aspects comme les dialogues ou des scènes qui furent coupées par la suite, mais il nous manque tout de même de la matière pour être sûr de retrouver l’état d’origine. C’est donc plutôt un autre Faust qui a été présenté au Théâtre des Champs-Élysées avec une partition et un style sans doute plus proche de l’original mais sans être certain de sa totale authenticité. Il serait encore plus difficile de réussir à retrouver l’œuvre telle que Charles Gounod l’avait pensée tant les coupures ont été nombreuses avant même la première… et nombre de ces passages ont été perdus depuis, comme la scène de folie de Marguerite qui ouvrait le dernier acte. Mais nous avons ici un ouvrage nouveau, ou du moins différent et il est particulièrement intéressant de voir des musicologues se pencher enfin sur les partitions connues de Gounod. Continuer…