Après le grand succès de Manon, Jules Massenet est toujours plus reconnu par les directeurs d’opéras et il se lance dans un grand opéra pensé pour l’Opéra Garnier. Avec Le Cid, il nous emmène dans l’Espagne du onzième siècle, avec serments, honneur et guerre. La partition connaîtra un beau succès mais étrangement à partir de la première guerre mondiale, elle disparaît des affiches et la discographie montre bien le peu de cas qui est fait de cet opéra de nos jours, jugés par certains comme un opéra mineur de Massenet (mais qui serait un très bon pour beaucoup d’autres compositeurs) de par son inspiration et le sujet traité. De nos jours, l’opéra semble avoir retrouvé un petit peu de lumière avec le soutien de chanteurs comme Placido Domingo pendant plus de vingt ans et Roberto Alagna plus récemment. Mais alors que quelques titres du compositeur stéphanois sont donnés un peu partout (Manon et Werther principalement bien sûr!), Le Cid reste parmi les mal-aimés. La plongée dans cette partition aura été passionnante pour moi… et l’écoute de toutes ces versions trouvées intéressantes même si ne révélant finalement pas de grosse surprise!
Alors que Manon n’est pas encore créé, Massenet est en négociations avec Vaucorbeil, le directeur de l’Opéra de Paris. Si ce dernier n’a toujours pas souhaité créer Hérodiade, il souhaite tout de même avoir un grand opéra de la main du jeune compositeur en vogue. Il lui offre alors un livret écrit par Adolphe d’Ennery et Louis Gallet : Montalte. Cet opéra en cinq actes doit être créé en janvier 1884 et Massenet reçoit le livret en août 1882. L’histoire raconte l’accession à la papauté de Felice Peretti sous le nom de Sixte Quint entre 1585 et 1590. Même si le sujet plaît bien au compositeur, un autre ouvrage lui trotte dans la tête : l’adaptation du roman de Victor Hugo Notre-Dame de Paris. Mais il est bien conscient qu’il lui sera difficile de tenir les délais et se lance donc dans la composition de Montalte jusqu’au début de l’année 1883. Mais pour de bien mystérieuses raisons (on parle du thème religieux qui lui déplaît, du fait de ne pas trouver un chanteur capable de jouer ce grand personnage ou encore le fait que le livret soit déjà trop figé pour que Massenet puisse en faire quelque chose), le sujet tombe à l’eau. En avril 1883, le projet est abandonné et le directeur de l’Opéra de Paris propose le sujet de L’Enlèvement des Sabines au compositeur qui accepte seulement si la mise en scène reproduit exactement la tenue des personnages du tableau de David. Autant de nudité sur scène n’est pas possible et Massenet le sait bien. Il relance alors un de ses anciens projets personnels : monter un opéra autour du Cid, s’inscrivant alors dans une grande tradition tant théâtrale que lyrique. C’est en 1872 qu’il commence à y penser, après avoir vu Rosélia Roussel interpréter Chimène dans la tragédie de Corneille. Mais à cette époque, un livret sur le sujet est déjà écrit pour Bizet. En 1878, de nouvelles rumeurs font état d’un Cid de Massenet en cours de composition. Finalement, c’est donc en 1883 que le projet prend vraiment vie et l’opéra tombe à point nommé pour célébrer le bicentenaire de la mort de Corneille en 1884. Louis Gallet, qui avait écrit le livret pour Bizet est dans l’obligation de s’associer avec d’Ennery et chacun se répartit les tâches : le scénario pour d’Ennery et l’adaptation des vers pour Gallet qui se voit dans l’obligation de repartir totalement de zéro. Mais les choses n’avancent pas et Massenet pense abandonner encore le sujet pour une Loreley avec Jules Barbier. Il recevra finalement le livret en avril 1884.
Mais voilà, le livret ne lui convient pas. C’est alors Edouard Blau qui arrive à la rescousse, modifiant sensiblement les équilibres et en particulier le rôle de Rodrigue. Ce dernier devient plus jeune, plus sensible. Mais Massenet n’est pas convaincu au premier abord par ce livret et la composition alterne moment de motivation et d’autres plus difficiles. Il est aussi très exigeant avec ses librettistes (Gallet et Blau, qui semble avoir pris la main sur le projet), allant jusqu’à refaire faire sept fois la scène de la vision! Finalement, le 24 octobre 1884, le travail de composition est terminé et Massenet se lance immédiatement dans l’orchestration entre le 5 novembre et le 13 avril 1885, alternant durant les premières semaines Le Cid et la composition d’un musique de scène pour Théodora de Victorien Sardou avec Sarah Bernhardt dans le rôle-titre. À l’Opéra de Paris, les choses ont changé car Vaucorbeil est décédé, remplacé par Eugène Ritt et Pedro Gailhard. Mais les échanges se passent bien. Depuis longtemps, Massenet avait souhaité retrouver Jean de Reszké dans le rôle-titre. Il avait créé Jean dans Hérodiade au Théâtre-Italien, provoque donc un changement de tessiture : le rôle était prévu pour un baryton et devient donc ténor. Les autres rôles masculins sont distribués au frère de Jean, la basse Edouard de Reské (Don Diègue), Léon Melchissédec créera le Roi et le jeune Paul Plançon sera Gormas. Pour Chimène, c’est finalement la soprano Fidès Devriès qui est choisie et elle sera très active dans des modifications de son rôle, entre autres pour son grand air du troisième acte. La danseuse espagnole Rosita Mauri sera aussi la cause d’une ré-écriture du ballet de l’acte II en mai 1885, en faisant un moment encore plus important qu’auparavant. Mais le doute est toujours là, se référant aussi à l’échec du Polyeucte de Gounod lui aussi inspiré d’une tragédie de Corneille. Son éditeur, présent tout au long de la composition, lui conseillera d’aller se reposer en Hongrie où part Massenet en août 1885. A son retour, il se mêle des décors et particulièrement des couleurs. Avec sa capacité de lier musique et couleur, il fera refaire notamment les décors du dernier tableau du troisième acte : “Je ne puis accepter cela. C’est trop rouge pour mon andante, ou trop bleu pour mon allegro.”. Enfin, le 30 novembre 1885, Le Cid est créé.
Si bien sûr le livret se base sur la pièce de Corneille, en empruntant d’ailleurs mêmes des alexandrins par moments, il s’inspire aussi d’une pièce de Guillén de Castro (source du premier livret de Gallet) et bien sûr du roman espagnol original, la Gesta de las mocedades de Rodrigo écrit en 1344, recueil de romances autour de Rodrigue Diaz de Vivar, inspiration du fameux Cid. Certaines scènes sont même ajoutées comme la découverte par Chimène du nom de l’assassin de son père au deuxième acte, emprunté à Montalte. Le personnage de Chimène justement doit beaucoup aux souvenirs de Massenet après avoir vu Rosélia Roussel dans ce rôle au théâtre et en fera presque le personnage principal de l’ouvrage.
Après la création, l’accueil de la presse est mitigé. Massenet, compositeur jugé “féminin” car très doué pour peindre les sentiments, aurait selon les commentateurs de l’époque “virilisé” son écriture pour répondre aux besoins de l’époque… On peut se demander quels sont les fondements de ce jugement. Toujours est-il que lors de la générale, Charles Gounod serait monté sur scène pour s’avancer vers Massenet et, lui tendant les bras, lui aurait dit : “Allons, je suis content, mon fils. Viens embrasser papa.”. Au lendemain de cette générale justement, les retours sont très positifs sur la qualité de la réalisation musicale et scénique. Mais la partition pose question, entre autres sur la légitimité pour reprendre le sujet de Corneille et d’avoir mélangé alexandrins et nouvelles paroles. Les autres critiques portent sur l’importance jugée trop forte de Chimène dans l’opéra et sur la trop grande tendresse de Rodrigue. On lui reproche de faire dans le “touchant” à défaut d’héroïsme. Pour la partition en elle-même, l’air de Chimène et la vision trouvent immédiatement leur public. Le reste est salué parfois pour l’inspiration mais on reproche surtout le moule “grand opéra”, maintenant rejeté par toute une partie de la critique comme Chabrier ou Reyer. C’est un certain Fourcaud qui sera le plus virulent :
“Le compositeur veut-il revenir à l’ancienne division des récitatifs et des airs, abandonnée à bon titre pour la mélodie récitante? Il y a des moments où l’on est tenté de le croire. […] Ce n’est pas un drame lyrique; c’est un opéra à la manière de Scribe. […] On rencontre çà et là beaucoup de tours mélodiques italiens et l’on voit s’épanouir, à chaque instant, les finales chères à M. Gounod. […] C’est à croire que nous assistons à la représentation d’un nouvel opéra de M. Verdi, écrit sous l’influence de l’auteur de Faust et de Meyerbeer.” (Le Gaulois, 1er décembre 1885).
Et de l’autre côté des critiques (les conservateurs), on salue justement le fait que Massenet se serait éloigné de Wagner et aurait plus lorgné du côté de Verdi justement! Mais finalement, selon certains critiques comme Johannès Weber, c’est ici plus un retour à un opéra qui regarde vers toute une tradition entre Gluck et Gounod, mettant en avant la tragédie lyrique et la déclamation.
La première est un succès mais Massenet sent qu’il a besoin de retoucher sa partition. Il va alors étoffer le rôle du Roi en octobre 1886 en lui ajoutant un air et en proposant une ligne pour basse, tout comme il propose une ligne de chant pour baryton pour le rôle de Don Diègue. Il modifie aussi le rôle de Rodrigue et coupe plusieurs moments du dernier acte. L’opéra reste au répertoire de l’Opéra de Paris jusqu’à la Première Guerre mondiale et s’exporte à l’étranger et en province : Vienne et Rome (1887), Anvers, Cologne et La Nouvelle-Orléans (1890). On notera entre autres la création au Metropolitan Opera de New-York en 1897 avec Félia Litvinne, les deux frères Reszke, Jean Lassalle et Pol Plançon. Mais à partir de 1919 l’opéra disparaît et ne renaîtra qu’en 1976 lors de concerts à Carnegie Hall réunissant Grace Bumbry et Placido Domingo (qui donnera lieu au seul enregistrement officiel existant encore à ce jour).
Musicalement, Jules Massenet opte pour une partition beaucoup moins délicate que Manon. Loin de la préciosité de son précédent opéra, il renoue avec le grand opéra dans tout ce qu’il a de plus impressionnant, beaucoup de scènes enchaînant serments, grands ensembles militaires ou patriotiques, chœurs et défilés… Une bonne partie de la partition est assez sombre à l’orchestre. Sinon, la partition est souvent assez martiale, parfois avec une touche légèrement ironique. On notera les quelques moments hispanisants, principalement dans le ballet bien sûr qui aligne sept numéros chacun dévolu à une région de l’Espagne. Musicalement, les passages les plus intéressants sont sans doute ceux réservés à Chimène, tant dans les grands ensembles que dans les moments plus intimes. Car au final, de tout l’opéra, c’est vraiment le personnage qui se détache tant dramatiquement que musicalement. Tout le monde connaît bien sûr le grand air de Chimène qui ouvre le troisième acte. Mais il y a aussi ce grand duo avec Rodrigue qui suit où elle se taille la part du lion en minutage mais aussi dramatiquement. Là où Rodrigue a une évolution assez linéaire, Chimène se débat, possède presque un air propre durant le duo. Et puis bien sûr ses interventions dans les ensembles où elle tranche toujours par le ton, par la ligne musicale nette et franche, presque déclamée. La partition n’est pas indigne sinon, mais on est loin de la plus grande inventivité que le compositeur trouvera ou même avait déjà trouvé dans d’autres ouvrages comme Le Roi de Lahore. On notera quelques thèmes présentés dans l’ouverture et qu’on retrouvera régulièrement dans l’opéra : celui de cet honneur qui est la base du drame ou alors celui de l’amour (enfin même deux thèmes…).
L’histoire nous plonge à Burgos au XIè siècle. La ville a été libérée des envahisseurs maures, et le Roi arme Rodrigue chevalier tout en proclamant son père Don Diègue gouverneur de l’Infant. On a appris auparavant que Chimène aime Rodrigue, tout comme l’Infante qui ne peut malheureusement pas s’abaisser à aimer un simple chevalier et donne donc sa bénédiction à Chimène. Mais la nomination comme gouverneur de Don Diègue ne plaît pas au Comte de Gormas (qui s’y voyait déjà), père de Chimène, qui cherche querelle à Don Diègue avant de l’insulter et de facilement le vaincre en raison de son âge avancé. Ne pouvant supporter un tel outrage, Don Diègue demande à Rodrigue de le venger, même si c’est du père de sa bien-aimée. Le deuxième acte débute donc par l’affrontement entre Rodrigue et le Comte : ce dernier tombe mort et Chimène découvre que l’assassin de son cher père n’est autre que son amant. Dans le tableau suivant, le Roi et l’Infante paradent sur la grande place de Burgos quand Chimène arrive pour demander justice au Roi. Don Diègue propose de payer le prix de ce duel à la place de son fils, mais un envoyé maure arrive, annonçant au roi que son maître Boabdil souhaite reprendre les hostilités. Voyant une occasion de sauver son fils et gagner en prestige, Don Diègue propose que Rodrigue mène la bataille, au grand désespoir de Chimène qui voit sa vengeance remise à plus tard. Le Roi accepte. Au troisième acte, Chimène se désespère chez elle quand entre Rodrigue, venu lui dire adieu. Ne pouvant rester de glace face à la résignation à la mort de son ancien amant, elle lui enjoint de revenir vainqueur, sous-entendant qu’elle pourrait alors pardonner avant de revenir sur ses mots. Rodrigue part en guerre avec espoir même si Chimène est revenue sur sa déclaration dans les derniers moments du duo. Le soir avant la bataille, le camp des soldats est en train de fêter une future bataille facile quand Rodrigue annonce que l’ennemi est beaucoup plus nombreux qu’eux. Une partie des soldats déserte et Rodrigue se tourne vers la prière, espérant une aide de son protecteur Saint-Jacques. Ce dernier lui annonce qu’il sera vainqueur et Rodrigue insuffle énergie et courage aux troupes au petit matin pour la bataille qui s’annonce. Le dernier acte nous transporte à Grenade où les déserteurs annoncent à Don Diègue la mort de son fils. Plein de mépris pour ces lâches, le vieil homme ne peut que se raccrocher à l’honneur d’avoir perdu son fils à la guerre quand Chimène et l’Infante arrivent, pleurant elles aussi la disparition de Rodrigue. Mais les fanfares retentissent et le Roi leur annonce que la bataille est gagnée et que Rodrigue est vivant, entrant à l’instant même dans la ville. Alors que le Roi offre une récompense au chevalier, celui-ci souhaite qu’elle vienne de Chimène. Prise dans un dilemme entre son amour et son serment, la jeune femme hésite mais quand Rodrigue propose de se tuer lui-même pour permettre au serment de s’exécuter, Chimène cède enfin. Les deux amants sont de nouveau réunis dans la liesse générale.
La discographie du Cid est très maigre… et se résume même à un seul enregistrement officiel, faisant suite au concert de Carnegie Hall de 1976. Quelques enregistrements radio ou pirates ont été par la suite aussi diffusés au disque mais sans vraie légalité : un concert à Paris en 1981 dirigé par Reynald Giovaninetti et un autre à San Francisco dirigé par Julius Rudel, un concert en 1987 à Vienne dirigé par Luis Antonio Garcia-Nabarro… et à côté de ces disques pirates, quelques enregistrements circulent de façon numériques comme un de Saint-Étienne en 1994 dirigé par Patrick Fournillier, une vidéo existe d’une version mise en scène à Washington dirigé par Emmanuel Villaume, un pirate a été capté à Zurich en 2008 avec Michel Plasson et enfin la vidéo de 2011 à Marseille est disponible elle aussi. Pour cet article, c’est donc huit versions que j’ai réussi à trouver… et malgré cela, la partition n’est pas complète même en mélangeant les enregistrements. Toutes les versions sont plus ou moins coupées. Il nous manque ainsi une partie de la Rapsodie Mauresque du troisième acte (seul Villaume en 1999 en donne la moitié quand les autres la coupe complètement), le défilé des captifs du quatrième acte est absent de toutes les versions, de même que la scène de dilemme de Chimène dans ce même acte (trois pages). Sinon, on notera que la version la plus complète est comme on pouvait s’y attendre celle de Patrick Fournillier en 1994 (2h49!) où il ne manque que peu de choses. Eve Queler en 1976 pratique déjà beaucoup plus de coupures dans le ballet, et dans beaucoup de numéros qui ne sont pas complets (2h26 sans applaudissements). Puis, toutes les autres versions coupent d’autres moments en plus (sauf exception avec parfois quelques lignes intégrées à un endroit mais d’autres coupées plus loin). Toutes ces versions tournent donc autour des 2h10, avec des applaudissements. Il est très étrange d’ailleurs de constater que Michel Plasson en 2008 donne parmi les partitions les plus coupées du lot, avec juste quelques réhabilitations au deuxième acte. Donc comme pour Le Roi de Lahore, on peut remercier Patrick Fournillier qui encore une fois offre une partition presque complète!

Acte III.2 et Acte III.4, Le camp de Rodrigue (décors d’Auguste Rubé, Philippe Chaperon et Marcel Jambon – 1885).
Pour la qualité des enregistrements, il y a bien sûr le studio dirigé par Eve Queler… et le reste. Malgré les sources diverses, aucun des enregistrements n’est vraiment affreux à écouter (sauf peut-être celui de Fournillier par moments). On peut bien sûr regretter parfois des prises de son un peu éloignées ou avec du souffle, mais on peut entendre les partitions sans trop de déformation. En 1976, Eve Queler peut profiter de deux ensembles de bon niveau avec l’Orchestre d’Opéra de New-York et le Diurne Camp Chorale. La cheffe dirige la partition peut-être avec un léger manque de flamme mais le rendu est loin de la légende voulant que cet enregistrement est très mauvais. Ce sont les forces de l’Orchestre national de Paris qui sont dirigées par Reynald Giovaninetti en 1981 et la qualité tant de la direction que des ensembles est sensiblement supérieure. Le chef insuffle plus de vie et de contraste et la prise de son (un pirate de bonne qualité a priori) permet d’entendre beaucoup de détails à l’orchestre. Julius Rudel peut se reposer sur les troupes de l’Opéra de San Francisco et dirige lui aussi avec énergie et sens du drame. Ensuite en 1987, c’est Luis Antonio Garcia-Nabarro qui dirige l’ORF Symphonie-Orchester et le Wiener Singakademie. Des ensembles de très bon niveau mais pour un chef pas forcément passionnant. Comme on pouvait s’y attendre, la version dirigée par Patrick Fournillier en 1994 est un modèle de direction avec une partition soignée et variée. Les tempi et les changements d’ambiance sont parfaitement rendus avec le Chœur de l’Opéra de Lyon et le Nouvel Orchestre de Saint-Étienne. Malgré une prise de son un petit peu plus difficile pour ce pirate, on peut entendre beaucoup de choses qui n’étaient pas aussi bien rendues par les autres chefs. Direction l’Opéra national de Washington en 1999 avec Emmanuel Villaume. Si chœur et orchestre sont de haut niveau, la direction reste assez plate et manque souvent de relief pour élever non seulement les grands moments martiaux mais aussi les moments d’intimité. Michel Plasson dirige les forces de l’Opéra de Zurich en 2008 et bien sûr montre toutes ses affinités avec ce répertoire, offrant peut-être la plus belle des directions entendues ici, encore un cran au-dessus de Fournillier. Enfin, l’Opéra de Marseille en 2011 ne peut pas rivaliser avec toutes ces phalanges, même Saint-Étienne. On entend régulièrement les limites d’un orchestre et d’un chœur fragiles et Jacques Lacombe dirige de façon assez peu variée. On le comprend rapidement, Plasson et Fournillier sont au dessus. Mais Rudel, Giovaninetti et Queler n’ont pas non plus à rougir.

Acte III.3, La tente de Rodrigue (décors d’Auguste Rubé, Philippe Chaperon et Marcel Jambon – 1885).
On passera rapidement sur l’ensemble des petits rôles (Don Arias, Don Alonzo, l’Envoyé et Saint-Jacques) mais il faut souligner la qualité de distribution chez Fournillier où chaque rôle semble parfaitement adapté et chanté avec beaucoup de soin et de goût. Dans une moindre mesure, Giovaninetti profite aussi d’interprètes qui savent ce qu’ils chantent. Dans les autres enregistrements, on a souvent des interprètes qui tiennent leur rôles mais avec une diction très faible et une voix peu gracieuse.
Les années avançant, on commence à pouvoir trouver quelques enregistrements des chanteurs créateurs et même s’ils ont été captés souvent à la fin de leur carrières, on peut entendre tout de même quelques bribes de ces voix. C’est le cas de Paul Plançon qui enregistra moins de vingt ans après cette création et dont les enregistrements montrent une voix assez claire pour une basse et une belle diction. Et ses rôles montrent plus un baryton-basse qu’une véritable basse, chantant aussi bien Sarastro que Saint-Bris (Les Huguenots) ou Escamillo. Alors au début de sa carrière (1877-1908), il sera le créateur du Comte de Gormas dans Le Cid ou encore François 1er dans Ascanio de Saint-Saëns. Le rôle est finalement assez court vu que le personnage meurt rapidement dans l’opéra et n’a que deux duos (avec Don Diègue puis Rodrigue) pour briller. En 1976, Arnold Voketaitis justement ne brille guère avec une voix qui n’est pas très belle et une diction à l’avenant. Chez Giovaninetti par contre, Michel Hubert est saisissant de présence avec une voix noble, solide et fière. Et quel plaisir d’entendre du français si bien chanté ici! Eric Halfvarson s’impose immédiatement dès les premiers mots par un charisme vocal certain et une interprétation marquée. Malheureusement la diction dans cet enregistrement (de 1981 dirigé par Rudel) est assez mauvaise. C’est un petit peu la même critique pour Paolo Gavanelli qui avec une voix légèrement plus claire et barytonnante s’impose tout en massacrant allègrement le français en 1987 avec Garcia-Navarro… On retrouve avec Gabriel Bacquier (1994, Fournillier) les différentes qualités des précédents : le style et le texte sont irréprochables, alors que l’interprétation est superbe, pleine de morgue et de violence. En 1999 avec Emmanuel Villaume, William Parcher peine à s’imposer avec une voix tendue et qui manque de présence. A Zurich en 2008, Cheyne Davidson offre une belle diction mais un timbre un peu trop impersonnel pour vraiment imposer son personnage. Enfin, Jean-Marie Frémeau en 2011 à Marseille se montre à la hauteur du rôle avec une grande implication, un timbre plutôt noble et un texte parfaitement clair. Ici le choix n’est pas bien difficile. C’est sans aucun doute Gabriel Bacquier qui campe le plus prenant des Comte de Gormas, tant par la voix que par l’interprétation! On remarquera que dans tous les cas, nous avons plus ici des barytons-basses (le rôle est écrit à la base pour une basse mais des lignes alternatives existent pour un baryton) que des barytons.
Même possibilité dans le rôle du Roi, composé à la base pour un baryton, une basse peut le chanter avec les notes hautes rabaissées dans des lignes alternatives. Le baryton Léon Melchissédec est le créateur de ce rôle et les enregistrements existants font entendre un véritable baryton clair et non une basse. Le rôle n’est pas très important dans le sens où il n’a pas d’air ou de duo, mais sa présence est centrale dans les scènes de foule où il est le maître. Dans le premier enregistrement de 1976, la voix douce et calme de Jake Gardner offre un beau portrait pour ce roi qui ne sert finalement pas à grand-chose. On notera le travail sur la diction. En 1981 avec Giovaninetti, Jean-Philippe Lafont est beaucoup plus sombre mais impose du coup un roi plus âgé et beaucoup plus autoritaire et majestueux avec une diction parfaite et cinglante. Toujours en 1981 mais avec Julius Rudel, Timothy Noble n’a pas une diction très nette mais se montre charismatique avec une belle voix. Garcia-Navarro nous fait entendre une ancienne gloire qui n’est malheureusement en 1987 plus vraiment en grande forme. Giuseppe Taddei a été un grand baryton mais ici le souffle est court, l’accent chancelant et l’aigu difficile… et on ne dira rien de la diction. Chez Fournillier en 1994, Marcel Vanaud affiche une stature noble et fière par un timbre assez clair mais une diction parfaite. Kimm Julian offre une vision plus paternelle du Roi en 1999 par une interprétation moins imposante et plus nuancée… mais du coup moins royale! Avec Michel Plasson, Massimo Cavalletti est dans la même lignée avec un timbre rond et noble mais sans ce côté hiératique de certains. Enfin en 2011, Franco Pomponi offre un Roi très jeune de timbre avec une belle ligne de chant et un français de belle qualité. En dehors de Taddei, peu de mauvaises choses ici. On pourra bien sûr préférer la qualité et le style d’un Lafont ou d’un Vanaud bien sûr.
Tout comme le Comte de Gormas, le rôle de Don Diègue a été créé par l’une des grandes basses de l’époque : Édouard de Reszké. Malheureusement, les seuls enregistrements qu’il a réalisé le montrent en assez mauvais état vocal et ne rendent sûrement pas justice à celui que Verdi choisit par exemple pour créer à Paris le rôle du Roi dans Aida en 1876 (les débuts du chanteur!). Le rôle de Don Diègue est celui d’un vieillard qui oscille entre fierté et tendresse pour son fils. Et il faut donc montrer ces deux moments… la hardiesse d’un vieillard affaibli face aux insultes de Gormas, mais aussi cette tristesse noble dans l’air qui ouvre le dernier acte alors qu’il apprend la soi-disant mort de son fils. Paul Plishka est Don Diègue dans les deux premiers enregistrements en 1976 avec Eve Queler et en 1981 avec Reynald Giovaninetti. Dans les deux cas, on bénéficie du beau timbre sombre de basse, d’un certain soin sur la diction. On pourrait espérer un peu plus de retenue dans certains effets mais le charisme est bien présent et sait montrer les deux facettes du personnage. Chez Rudel, c’est une future grande basse qui s’impose déjà : Ferruccio Furlanetto. La basse italienne a déjà non seulement cette voix large et puissante mais aussi le charisme… et le goût un peu contestable parfois. On ne peut rester insensible devant cette grande voix qui s’impose immédiatement avec une diction plutôt soignée. Et la confrontation des deux pères avec Eric Halfvarson est vraiment saisissante même si peut-être pas stylistiquement irréprochable! En 1987, Sergei Koptchak offre un timbre d’outre-tombe mais aussi un vibrato peu gracieux pour Don Diègue. Le personnage peine à exister par rapport aux précédents. Jean-Philippe Courtis, en 1994 avec Fournillier, ferait presque baryton après les voix sombres des précédents Don Diègue. Mais nous sommes plus ici face à ces basses à la française au timbre clair. La présence est immédiate, la délicatesse du chant, l’intelligence des nuances et la diction en font un Don Diègue moins impressionnant par le timbre mais plus complexe et passionnant. On retrouve un Don Diègue plus sombre avec Hao Jiang en 1999. L’interprète est très investi et presque trop, perdant de sa noblesse alors que la voix est belle et la diction plutôt bonne. Chez Plasson en 2008, Andreas Hörl se montre très intéressant par un chant très varié même si la voix sonne bizarrement par moments avec un petit vibrato très serré sur un timbre plutôt clair. On pourra noter par contre que l’extrême grave sonne léger pour un tel rôle qui descend régulièrement assez bas. Pour finir, Francesco Ellero d’Artegna en 2011 chez Lacombe semble plus jouer au grand méchant loup qu’au noble d’Espagne avec un chant assez relâché et peu subtile. Le style appelle sans doute Jean-Philippe Courtis, mais il faut avouer que les prestations de Paul Plishka ou même Ferruccio Furlanetto sont très intéressantes.
Quand on regarde la partition du rôle de Chimène, on s’attend à voir nommer Cornélie Falcon ou Gabrielle Kraus pour la création : la partition monte au contre-ut de façon optionnelle, descend régulièrement assez bas et demande beaucoup de déclamation dans le médium de la voix. Et en regardant les premiers rôles de Fidès Devriès, on est assez surpris : Ophélie dans Hamlet de Thomas, Isabelle dans Robert le Diable ou encore Marguerite dans le Faust de Gounod. Mais ces rôles sont chantés dans le début des années 1870. Elle se retire en effet temporairement de la scène après son mariage en 1874 et revient chanter au début des années 1880 avec des rôles qui semblent plus graves : elle chante par exemple en 1883 et 1884 les rôles d’Amelia dans Simon Boccanegra de Verdi ou encore Salomé dans Hérodiade de Massenet, avant d’ajouter par la suite les rôles d’Elsa lors de la création de Lohengrin en 1887 puis Aida par exemple. La voix semble avoir évolué et sans doute perdu ses aigus des débuts. Et en effet, le rôle demande certes un contre-ut (quoique optionnel!) mais aussi beaucoup de graves ainsi qu’une déclamation franche et nette, où la noblesse du ton doit s’ajouter aux sentiments dévastateurs qui traversent le personnage. La vue du nom de Grace Bumbry sur l’enregistrement de 1976 semble assez logique tant la chanteuse qui a débuté mezzo-soprano a su aussi chanter des rôles de soprano. La voix est longue, avec des aigus dardés (jusqu’au contre-ut) et des graves sonores. La chanteuse impose immédiatement un personnage noble et fier qui sait pourtant fendre l’armure quand il le faut, offrant un timbre liquide et superbe dans les moments les plus délicats ou une tension certaine lors des climax. La diction est de plus très soignée. Superbe portrait qui se hisse immédiatement à un certain niveau pour les autres interprètes. Dunja Vejzovic en 1981 a un profil assez similaire mais sans la tenue et la noblesse qu’offre Bumbry. Le timbre est moins beau, la voix moins stable et si la tessiture est assumée sans frémir, le portrait est moins nuancé et beau. Chez Rudel toujours en 1981, Carol Neblett est différente. Plus soprano-dramatique que mezzo-soprano, le timbre est plus clair et donne un portrait plus jeune de Chimène. La noblesse qui se dégage du portrait est immédiate et la chanteuse tient le rôle d’un bout à l’autre avec beaucoup d’énergie. Si on peut noter des graves un peu légers, l’aigu est tranchant et assuré alors que la diction est assez bonne. Peut-être pas la Chimène la plus frémissante mais un très beau portrait. Autre soprano en 1987 avec Mara Zampieri. Connue pour cette voix fixe et droite, ces sons étranges… on pouvait se demander ce qu’elle offrirait en Chimène. Il faut que j’avoue tout d’abord que je suis assez client de cette chanteuse souvent haïe… et là encore l’interprétation et le chant fonctionnent! Bon, la diction est assez affreuse, mais il y a des nuances dans les dynamiques et les couleurs qui font de son air et du grand duo qui suit un moment assez fou d’intensité dramatique, la chanteuse osant tout et réussissant tout pour creuser toujours plus le personnage. Fascinant donc mais pas à mettre à toutes les oreilles! Michèle Command en 1994 possède cette connaissance du style immédiate. Là encore on retrouve une soprano dramatique qui assume la tessiture même si cette voix a sûrement un timbre un peu trop mûr et une voix légèrement trémulante par moment. Mais le texte est soigné, l’interprétation très belle. La chanteuse livre un portrait très complet de notre Chimène et on pourrait rêver d’entendre la même chose quelques années auparavant, où la voix était plus stable. Superbe Chimène tout de même avec un caractère bien trempé. Elisabete Matos (Villaume 1999) et Isabelle Kabatu (Plasson 2008) sont assez proches. Si Matos a un timbre plus beau et rond que Kabatu, les deux chanteuses assument sans frémir la tessiture, offrent des portraits assez nuancés mais il manque quelque chose pour que le personnage prenne vraiment. Après des portraits travaillés comme ceux donnés par Bumbry, Command ou même Zampieri, tout semble ici un peu trop propre. Enfin, en 2011, c’est Béatrice Uria-Monzon qui affronte Chimène. Et c’est en effet ici souvent difficile. Attention, la chanteuse ne triche pas et chante toutes les notes… mais chaque aigu est tendu voire crié parfois, les graves sonnent étrangement assez peu et la diction n’est pas parfaite. Le personnage qui se dégage est une Chimène au grand tempérament mais qui ne pose presque jamais ses armes, trop virago et pas assez fille de grand d’Espagne. On l’aura compris, Grace Bumbry reste indétrônée… mais il faut écouter Michèle Command aussi pour le naturel du style et le français. Et puis pour les plus curieux, ce que propose Mara Zamperi est vraiment intéressant!
Le rôle de Rodrigue est créé par Jean de Reszke, frère d’Édouard qui créa le rôle de Don Diègue. Ténor qui commença sa carrière comme baryton, il chante un répertoire très large, de Des Grieux dans la Manon de Massenet jusqu’à l’Otello de Verdi ou le rôle-titre de Tristan und Isolde de Wagner. La voix semblait donc être particulièrement solide pour affronter des partitions dramatiques mais le chanteur assez délicat pour se couler dans des mélodies douces et délicates. Massenet l’avait donc entendu à Paris dans Hérodiade à Paris en 1884 et voudra en faire son Rodrigue. Le rôle est assez typique du fort ténor de l’époque avec des aigus qu’il faut avoir sûr sans pour autant monter trop haut et surtout un timbre héroïque allié à une délicatesse rêveuse. Le premier Rodrigue dont on va parler est bien sûr Placido Domingo. Il chante ici dans quatre des huit versions écoutées : 1976, 1981, 1987 et 1999. Il faut avouer que sur les trois premières versions, le ténor est très à l’aise, aussi bien dans les redoutables moments de vaillance comme le “Ô noble lame étincelante” que dans le grand air du troisième acte “Ô souverain”. On pourra noter même qu’entre 1976 et 1981, le ténor semble avoir gagné en liberté et semble avoir l’aigu plus facile. Le français est toujours assez bon. En 1999, si l’aigu semble un peu plus difficile (c’était légèrement perceptible en 1987 par moments), on sent surtout que le ténor s’économise en chantant rarement dans les ensembles. Et il faut parler de la variante qu’on pourrait appeler de son nom pour chanter l’air “Ô souverain”. En effet, dans ses quatre enregistrements, il chante l’air comme au concert, en chantant donc en même temps que Saint-Jacques. Cette version n’est pas cohérente avec les partitions trouvées, mais on peut supposer qu’ayant l’habitude de chanter ainsi en concert l’air isolé et rendant même encore plus sensible la forme d’air (sinon c’est plus une scène avec l’intervention du chœur et de Saint-Jacques), c’est plus “vendeur”! En tout cas, dans ses premiers enregistrements, on a là un très beau Rodrigue, fougueux et ombrageux tout comme sensible et amoureux. Il devait chanter aussi en 1981 dans la version de San Francisco dirigée par Rudel. Mais malade, il annule sa participation cinq jours avant le concert, obligeant William Lewis à apprendre le rôle dans ce délai si court. L’émission du ténor est plus nasale, le timbre moins latin… et on peut noter des moments où la voix est tendue dans l’aigu. Mais la prestation avec seulement cinq jours de travail est vraiment impressionnante. Le ténor nuance, crée un personnage et il n’y a finalement que dans les aigus les plus exposés que la voix se resserre dangereusement. Et il ne fera pas la variante dite Domingo dans l’air du troisième acte! Si l’on passe maintenant la version de 1987 avec toujours notre ténor espagnol, on arrive à Chris Merritt en 1994 avec Patrick Fournillier. Et là, même si on doit savoir admirer ce que ce grand ténor a fait pour tout un répertoire, sa prestation est très très difficile à écouter. Les aigus sont tendus à l’extrême, le timbre est laid et on a l’impression que le ténor se débat avec sa voix tout au long de l’opéra. En fait, on entend déjà (en moins marqué tout de même) ce que sera par la suite Chris Merritt dans La Juive par exemple. Triste moment pour lui. Vient ensuite José Cura en 2008 avec Michel Plasson. Là encore, le ténor a pu donner des choses magnifiques… mais clairement là le rôle ne lui convient pas, ou alors le soir n’était pas le bon. Le timbre est toujours sombre, mais la voix est engorgée comme jamais durant tout le premier acte avant de s’éclaircir un peu par la suite. Les aigus sont difficiles, la diction moyenne… et le ténor prend quelques libertés rythmiques et d’intonations durant tout l’opéra. Enfin, Roberto Alagna, sûrement à l’origine de la production marseillaise de 2011 (qui viendra par la suite à Paris toujours avec lui). Et là, il faut bien avouer qu’il y a une immédiateté assez saisissante. Le ténor possède parfaitement le style et la diction. On a l’impression que la voix est parfaitement adaptée à cette époque pour un rôle de fort ténor comme celui de Rodrigue. On pourra regretter quelques sanglots inutiles, mais sinon sa prestation est assez parfaite d’un bout à l’autre. Afin sans doute lui aussi de donner plus de corps à l’air du troisième acte, il chante comme Placido Domingo la version “de concert” accompagnée par le chœur et Saint-Jacques. Le choix pour ce rôle est assez simple… Alagna n’a pas vraiment de concurrent en dehors du Domingo jeune de 1976 ou 1981…
Alors finalement, le choix… et bien même si toutes les versions plus ou moins pirates peuvent être intéressantes, c’est la version officielle dirigée par Eve Queler qui s’impose. Le couple formé par Grace Bumbry et Placido Domingo fonctionne très bien et même si la partition est assez coupée, l’opéra est assez bien rendu. On regrettera beaucoup la prestation de Chris Merritt qui disqualifie le pourtant superbe enregistrement dirigé par Patrick Fournillier (malgré la prise de son la plus compliquée). Pas de grosse surprise ni de révélation donc malheureusement. On attend toujours la version de référence complète de ce Cid qui pourrait sans doute trouver deux interprètes à sa hauteur actuellement dans une version complète. Mais pour les plus curieux, n’hésitez pas à jeter une oreille aussi aux versions Rudel pour des chanteurs vraiment différents et superbes, à la version de Vienne de 1987 dirigée par Garcia Navarro pour la prestation hallucinante de Mara Zampieri, au pirate de Fournillier forcément pour l’état quasi complet de la partition… et puis la version moderne avec Roberto Alagna disponible en vidéo.

Acte IV.2, Sur la place royale de Grenade – Triomphe de Rodrigue (décors de Jean-Baptiste Lavastre – 1885).
Et maintenant, après presque trois mois à écouter beaucoup de versions du Cid, on va pouvoir passer à l’opéra suivant : Esclarmonde avec là encore huit intégrales plus ou moins officielles… et des extraits en plus des années soixante! De quoi passer encore quelques mois immergé dans un opéra de Massenet!

- Jules Massenet (1842-1912), Le Cid, Opéra en quatre actes
- Rodrigue, Plácido Domingo ; Chimène, Grace Bumbry ; Don Diègue, Paul Plishka ; L’Infante, Eleanor Bergquist ; Le Comte de Gormas, Arnold Voketaitis ; Le Roi, Jake Gardner ; Don Arias, Clinton Ingram ; Don Alonzo, Theodore Hodges ; L’Envoyé Maure, Peter Lightfoot ; Saint-Jacques, John Adams
- Dyrne Camp Chorale
- Orchestre d’Opéra de New-York
- Eve Queler, direction
- 2CD Sony Classical 8869745492 / CBS Masterworks M2K79300-M2K34211. Enregistré partiellement en public le 8 mars 1976 à Carnegie Hall.
- Jules Massenet (1842-1912), Le Cid, Opéra en quatre actes
- Rodrigue, William Lewis ; Chimène, Carol Neblett ; Don Diègue, Ferruccio Furlanetto ; L’Infante, Jennifer Ringo ; Le Comte de Gormas, Eric Halfvarson ; Le Roi, Timothy Noble ; Don Arias, Jonathan Green ; Don Alonzo, Carl Glaum ; L’Envoyé Maure, Thomas Woodman ; Saint-Jacques, Gregory Stapp
- Chœur de l’Opéra de San Francisco
- Orchestre de l’Opéra de San Francisco
- Julius Rudel, direction
- 2CD Omega Opera Archive 4129. Enregistré en version de concert le 15 octobre 1981 au War Memorial Opera House de San Francisco.
- Jules Massenet (1842-1912), Le Cid, Opéra en quatre actes
- Rodrigue, Plácido Domingo ; Chimène, Mara Zampieri ; Don Diègue, Sergei Koptchak ; L’Infante, Sonia Ghazarian ; Le Comte de Gormas / Saint-Jacques, Paolo Gavanelli ; Le Roi, Giuseppe Taddei ; Don Arias, Ramón Vargas ; Don Alonzo / L’Envoyé Maure, Ivan Urbas
- Wiener Singakademie
- ORF Symphonie-Orchester
- Luis Antonio Garcia-Nabarro, direction
- 2CD House of Opera CDBB 323. Enregistré en version de concert le 26 avril 1987 au Grosses Konzerthaus de Vienne
- Jules Massenet (1842-1912), Le Cid, Opéra en quatre actes
- Rodrigue, Chris Merritt ; Chimène, Michèle Command; Don Diègue, Jean-Philippe Courtis ; L’Infante, Marys Castets ; Le Comte de Gormas, Gabriel Bacquier ; Le Roi, Marcel Vanaud ; Don Arias, Dominique Rossignol ; Don Alonzo, / L’Envoyé Maure / Saint-Jacques, Richard Lahady
- Chœur de l’Opéra de Lyon
- Nouvel Orchestre de Saint-Étienne
- Patrick Fournillier, direction
- Jamais publié a priori. Enregistré en version de concert le 5 ou le 10 novembre 1994 au Grand Théâtre de l’Esplanade de Saint-Étienne.
- Jules Massenet (1842-1912), Le Cid, Opéra en quatre actes
- Rodrigue, Plácido Domingo ; Chimène, Elisabete Matos ; Don Diègue, Hao Jiang Tiang ; L’Infante, Angela Turner Wilson ; Le Comte de Gormas, William Parcher ; Le Roi, Kimm Julian ; Don Arias, Josep Ruiz ; Don Alonzo, Fernando Latorre ; L’Envoyé Maure, Eric Martin-Bonnet ; Saint-Jacques, Sergio Fontana
- Chœur de l’Opéra national de Washington
- Orchestre de l’Opéra national de Washington
- Emmanuel Villaume, direction
- Jamais publié a priori. Enregistré sur scène en novembre 1999 au Kennedy Center Opera House de Washington.
- Jules Massenet (1842-1912), Le Cid, Opéra en quatre actes
- Rodrigue, José Cura ; Chimène, Isabelle Kabatu ; Don Diègue, Andreas Hörl ; L’Infante, Isabel Rey ; Le Comte de Gormas, Cheyne Davidson ; Le Roi, Massimo Cavalletti ; Don Arias, Miroslav Christoff ; Don Alonzo, Reinhard Mayr ; L’Envoyé Maure, Kresimir Stazanac ; Saint-Jacques, Tomasz Slawinski
- Chœur de l’Opéra de Zürich
- Orchestre de l’Opéra de Zürich
- Michel Plasson, direction
- Jamais publié a priori. Enregistré sur scène le 2 mars 2008 à l’Opéra de Zürich.
- Jules Massenet (1842-1912), Le Cid, Opéra en quatre actes
- Rodrigue, Roberto Alagna ; Chimène, Béatrice Uria-Monzon ; Don Diègue, Francesco Ellero d’Artegna ; L’Infante, Kimy McLaren ; Le Comte de Gormas, Jean-Marie Frémeau ; Le Roi, Franco Pomponi ; Don Arias, Paul Rosner ; Don Alonzo, Frédéric Leroy ; L’Envoyé Maure / Saint-Jacques, Bernard Imbert
- Chœur de l’Opéra de Marseille
- Orchestre de l’Opéra de Marseille
- Jacques Lacombe, direction
- Disponible en vidéo. Enregistré sur scène en juin 2011 à l’Opéra de Marseille.














