Voilà quatre-vingt-deux ans que Les Huguenots n’avait pas été monté sur les planches de l’Opéra de Paris… et trente-trois ans avant qu’une œuvre de Giacomo Meyerbeer ne retrouve le faste de cette même scène, après le mythique Robert le Diable de 1985 où triomphait Samuel Ramey. Pourtant, le compositeur était célébré durant tout le XIXème siècle et il n’y a qu’à noter que cette représentation des Huguenots est la 1121ème depuis sa création dans cette maison… nous avions donc sur les cents premières années une moyenne de onze représentations par ans de l’ouvrage ! Sachant qu’au fil du siècle, Meyerbeer a été peu à peu remplacé par Verdi et Wagner. Cette partition était donc l’un des plus grands succès de la scène parisienne. Mais les goûts ont changé, le compositeur a été repoussé parfois pour des raisons peu avouables… et la médisance est venue s’installer sur ce qui n’était soit disant que de la musique de spectacle, sans inspiration ni génie. La province continuera à l’entendre mais de moins en moins souvent. Puis voici que depuis le début des années 2010, Meyerbeer semble revenir sur le devant de la scène avec entre autre la fameuse production des Huguenots à Bruxelles par Olivier Py et Marc Minkowski en 2011, reprise l’année suivante à Strasbourg. Depuis, l’Allemagne se montre très attachée à son enfant et donne Dinorah, Le Prophète, Les Huguenots… et même Vasco de Gama, version princeps de L’Africaine. Enfin, l’Opéra de Paris se montre digne de son histoire et replonge dans son arbre généalogique.
Parmi les raisons avancées concernant la disparition de Meyerbeer de l’affiche viennent la difficulté de trouver des chanteurs capables d’assumer l’écriture des rôles mais aussi un changement de goût du public plus attiré par Wagner ou Verdi. On préférera retenir ces raisons que l’antisémitisme croissant en France au tournant du siècle… mais il faut tout de même se questionner. Car déjà , il est nécessaire de rappeler que justement, le Grand Opéra dans lequel triompha Meyerbeer a inspiré de manière très importante nombre de compositeurs. Richard Wagner a ainsi composé son Rienzi sur le même moule, et Verdi osera deux production sur ce plan : Don Carlos vu la saison dernière et Les Vêpres Siciliennes. Il a en effet imposé non seulement un format existant déjà chez Halévy ou Rossini, mais il a aussi renforcé la composante dramatique des ouvrages. En ce qui concerne les chanteurs, il s’en trouvait toujours pour chanter d’autres rôles inspirés du Grand Opéra que composèrent nombre de musiciens jusqu’à la fin du XIXème siècle. C’est surtout les préjugés qui ont eu raison de ces partitions. Le nom de Meyerbeer est apparu dans toute sa gloire sous la Monarchie de Juillet et son dernier opéra pour Paris sera monté en 1865. L’esthétique de ces partitions est assez marquée par cette époque. Nous sommes ici dans le grand spectacle où le décor est aussi important que la musique, où le public vient à l’opéra pour trembler de terreur ou se divertir. Cet esprit est assez incompatible avec l’atmosphère imposée par Richard Wagner, le côté sérieux de la musique comme une œuvre d’art qu’il faut révérer avant tout. Et pourtant, derrière tout le décorum des opéras de Meyerbeer, il y a plus qu’un faiseur de spectacle : il était un vrai homme de théâtre, secondé en cela par Eugène Scribe son librettiste pour ses plus grands succès… mais aussi un musicien en avance sur son temps et novateur. Nombre de compositeurs (Berlioz en tête) seront en admiration devant sa manière de composer et de créer le drame. Mais on retiendra plutôt de lui le « Pif ! Paf ! » de Marcel que le dramatique duo entre Valentine et Raoul où Verdi pointe déjà dans la musique et l’agencement du drame.
Mais enfin voici donc ces Huguenots attendus si longtemps… et peut-être même trop attendus car les références sont nombreuses avec au premier rang les souvenirs de la production d’Olivier Py où les trois distributions qui se sont succédées étaient d’un niveau impressionnant. L’ensemble direction, mise en scène et chant donnait à vivre l’ouvrage dans des conditions optimales, surtout dans des salles aux proportions modestes comme celle de Bruxelles et Strasbourg. Nouvelle production, distribution plus internationale, grande salle de Bastille… que de questions ! Les questions ont été encore plus grandes quand Diana Damrau a annulé pour être remplacée par Lisette Oropesa… puis Bryan Hymel seulement quelques jours avant la générale. Avouons-le tout de suite, le résultat n’est pas au même degré d’excellence que ce qui a été vécu avant. Mais l’ouvrage de Meyerbeer et Scribe est si bien construit et puissant que l’auditeur ne peut pas s’ennuyer !
L’ouvrage est monumental… et il faut donc malheureusement accepter quelques coupures. On pouvait espérer retrouver la partition dans l’état proposé à Bruxelles (déjà légèrement coupée) mais malheureusement il n’en est rien. C’est principalement le troisième acte qui subit les coups de ciseaux. Mais dès le premier acte, le deuxième couplet de Marcel est supprimé… Au second acte, il a été préféré un chœur dialogué au bel air d’entrée d’Urbain (« Non, non, non… vous n’avez jamais, je gage ! »). Puis ce sera donc le grand chœur multiple qui est fortement réduit durant le troisième ainsi que tout le ballet qui disparaît. Il aurait été possible d’en conserver au moins un ou deux numéros comme cela avait été fait à Strasbourg. De même, l’introduction de la Tour de Nesle est supprimée et ce grand bal qui tourne au cauchemar disparait pour directement voir Raoul entrer sur scène. Enfin, le final est tronqué, sans l’apparition d’Urbain et la reprise violente des catholiques après la mort de Valentine. Sinon, peut-être quelques petites modifications mais il faudrait avoir la partition sous les yeux pour comparer. Nous avons tout de même près de quatre heures de musique ce qui est tout de même un assez bel état de la partition. Seule la disparition totale des morceaux dansés est dommage car ils font partie intégrante de ce style.
La mise en scène d’Andreas Kriegenburg est étrangement terne pour un tel sujet. L’ensemble des décors est blanc ou beige, avec uniquement quelques lumières qui viennent teinter la scène. Le décor principal est composé de trois étages où vont se répartir les différents personnages, que ce soit pour le premier acte ou pour les deux derniers. Si la froideur de ce dispositif convient assez bien chez Nevers, elle perd de son impact pour l’acte IV où une grande partie est masquée. Nous avons donc qu’une petite pièce autour d’un grand ensemble noir. La scène ne sera plus large que pour la conjuration, mais sans que l’effet oppressant nécessaire ne soit au rendez-vous. Et l’acte V manque cruellement de drame et de violence, les catholiques poursuivant des jeunes femmes pour les tuer… mais ils passent au beau milieu de la foule des protestants sans un tuer un seul… ou alors seront au rez-de-chaussée alors qu’au premier étage les protestantes meurent dans l’église. Le deuxième acte est par contre superbe de poésie avec ces bassins et ces troncs stylisés. La beauté des couleurs est superbe. On retrouvera une partie de ce décor pour le troisième acte mais simplifié, ainsi que l’intérieur de Saint-Bris. Le principal intérêt de ce décor est de convoquer une atmosphère bleutée du plus bel effet pour la rencontre entre Marcel et Valentine. Les costumes sont stylisés d’après des costumes d’époques, dans des teintes cramoisies pour les catholiques et noires pour les protestants… Seule Valentine détonera avec ses robes blanches et vertes. Le rendu est très intéressant pour le premier acte, mais aurait pu être légèrement varié par la suite. Enfin, la direction d’acteur est plutôt vivante sans être particulièrement précise. Cette mise en scène est finalement sans grande surprise, malgré les quelques lignes présentées avant l’ouvrage qui sont les écrits d’un jeune soldat durant un conflit religieux à Paris en 2063 ! On ne retrouve pourtant aucune vision moderniste ici… ou alors totalement mélangée aux éléments plus historiques. On se posera aussi quelques questions sur la transformation en zombie des catholiques pour la Saint-Barthélemy… transformation qui n’est visible que lors des saluts vu les éclairages !
La mise en scène étant un peu transparente, on pouvait espérer que le drame vienne de l’orchestre. Malheureusement ce n’était pas le cas, mais difficile d’uniquement en attribuer l’échec à Michele Mariotti. Le chef semble énergique et vouloir insuffler de la vie à la partition. Mais on a l’impression d’avoir un orchestre endormi en face. Les musiciens de l’Opéra National de Paris ne sont pas les plus énergiques et jugent souvent la musique qu’on leur fait jouer indigne d’eux. Et nul doute que c’est le cas ici surtout qu’ils interprètent Tristan und Isolde en parallèle. Le résultat est assez difficile à décrire. Il manque du tranchant, du volume même dans les cordes par moments. Comme si il jouaient les notes sans chercher à les faire vivre. Alors bien sûr nous conservons des moments brillants et superbes dans les solo (viole d’amour pour l’air de Raoul, la clarinette basse pour le mariage des amoureux…), mais tout le final par exemple manque d’énergie. Cette rengaine sur « Abjurez Huguenots ! » doit être démoniaque, totalement écrasante… et ici elle n’est que mécanique. Peut-être le chef n’arrive-t-il pas totalement à communiquer avec eux… mais il est dommage que l’orchestre n’ait pas été mis plus en relief à bien des moments pourtant particulièrement importants. On notera aussi quelques moments pris très lentement par le chef comme le début du duo entre Raoul et Valentine avant d’accélérer brutalement, rompant ainsi la continuité du duo. Le résultat manque de drame et de puissance.
Le ChÅ“ur de l’Opéra National de Paris a une place très importante dans cet ouvrage et il faut saluer la globale très bonne prestation tout au long de l’ouvrage. On pourra noter quelques problèmes de mise en place dans le premier acte (mais la rapidité de la direction n’aide pas!), une choriste qui s’est crue soliste lors du serment précédent le massacre… mais le résultat est de bon niveau et avec un bel impact sans pour autant qu’il ne soit violent. Nous sommes loin des souvenirs assez traumatisants du chÅ“ur chantant de toute ses forces, que ce soit il y a quelques années dans Don Carlo ou encore pire le final des Troyens plus crié que chanté ! Au milieu de ces chÅ“urs, de nombreux solistes qui interviennent ponctuellement… et qui sont d’un excellent niveau. On notera ainsi les noms de Cyrille Dubois bien sûr ! Il donne à son Tavannes un très beau relief… Mais il y a aussi Patrick Bolleire, Tomislav Lavoie, Philippe Do, Élodie Hache… Tous ces chanteurs chantent régulièrement des premiers rôles et sont ici des comprimari de grand luxe ! Et étrangement, si tous les rôles secondaires sont francophones, ce seront les rôles principaux qui sont internationaux… et parfois très loin d’avoir l’habitude de chanter ce répertoire !
Florian Sempey a chanté depuis quelques temps un certain nombre de rôles du répertoire romantique français et on ne peut nier les qualités de diction. Par contre, peut-être trop habitué à jouer Figaro sur toutes les scènes, il cabotine beaucoup trop dans le rôle du Comte de Nevers. Qu’il soit rieur dans le premier acte est logique, mais en ajouter tant dans les rires, les vocalises et les poses comiques rend le personnage peu crédible. En effet, Nevers est l’homme droit et noble de l’histoire, ni fanatique ni pleutre. Et là on en vient à se demander s’il ne refuse pas de participer au massacre par peur alors que c’est la noblesse qui parle en lui ! De même à la fin du troisième acte, il semble plus perdu face à sa femme, ne sachant pas quoi en faire qu’homme vraiment aimant ou au contraire ferme. Le personnage n’arrive pas à se construire par le jeu principalement outré et si la voix est belle et bien conduite, il lui manque cette noblesse propre au personnage. Il faut dire que face à lui Paul Gay est un Comte de Saint-Bris de très haute tenue. Déjà scéniquement, la haute silhouette sèche convient parfaitement à cette noblesse intransigeante et fanatique. Le personnage reste toujours d’une dignité impressionnante… et la voix s’impose avec autorité notamment dans un registre aigu certes plutôt clair, mais fortement projeté et tranchant. Le rôle demande non seulement du grave, mais aussi de l’aigu. Et le baryton-basse semble parfaitement dans sa tessiture et son type de rôle. Lui qui avait proposé un Méphistophélès de Gounod un peu terne il y a quelques années se montre ici à son meilleur !
L’habituée de l’ouvrage (si l’on peut dire!) est Karine Deshayes qui chantait le rôle d’Urbain déjà à Strasbourg en 2012. Depuis, la voix a gagné en projection mais a gardé cette grande aisance dans l’aigu et les vocalises. Le rôle du page semble même presque trop étroit maintenant pour elle. Surtout quand on lui coupe son deuxième air qui est pourtant magnifique. Son premier est parfaitement emmené et joué avec tout le jeu vocal possible face aux courtisans. On regrettera juste un chat en fin d’acte qui lui fait perdre un peu le fil et ne lui permettra pas d’imposer un sur-aigu aussi puissant qu’à Strasbourg pour la fin. Mais sinon, le personnage du jeune garçon est très bien joué, vif et marquant. On peut espérer qu’un jour elle ose passer au rôle de Valentine vu les rôles sopranisant qu’elle commence à aborder… A l’opposé du spectre se trouve bien sûr Marcel, le vieux serviteur fanatique de Raoul chanté par Nicolas Testé. La basse française semble légèrement sur la retenue durant le premier acte, peu à l’aise dans l’extrême grave. Mais la voix semble se développer au fil de la représentation pour gagner en projection et en assise. Le timbre chaux et sombre convient parfaitement à ce père de substitution de Raoul, aussi à l’aise dans le réconfort que dans l’invective ou les paroles saintes. Le charisme et le statisme du chanteur conviennent eux aussi parfaitement dans ce rôle. La diction est superbe bien sûr… et vu le développement des basses françaises actuel, il aurait été vraiment dommage de ne pas aller puiser dans ce vivier. Avec Nicolas Testé nous avons un chant de très belle facture pour donner un personnage d’une grande stature et autorité, la puissance de la voix permettant de se faire entendre dans les ensembles où il est souvent à contre-courant.
Dans le rôle épisodique de Marguerite de Valois, Lisette Oropesa remplaçait Diana Damrau initialement annoncée mais qui a annulé il y a quelques mois. La jeune soprano américaine avait déjà fait ses preuves de virtuosité mais peu l’attendaient aussi virtuose dans le début du deuxième acte. Le rôle est en effet principalement développé dans cet acte en dehors d’une courte apparition dans la fin du troisième pour essayer de régler le conflit entre Huguenots et Catholiques. Son entrée est un vrai air de bravoure avec virtuosité et variations obligatoires. Et la soprano démontre toute l’étendue de ses capacités. Les reprises sont extrêmement variées alors que le sur-aigu est largement exploité. Le timbre est un peu aigrelet au début, mais rapidement le chant se fait plus rond et séducteur. La projection et la technique lui permettent de se faire entendre dans toutes les situations, que ce soit dans les grands ensembles ou lors de piani superbes. La démonstration de son grand air est salué par un triomphe mérité, mais le duo avec Raoul qui suit n’en est pas moins superbe. Et en dehors de ces feux d’artifices, les passages plus royaux la montrent très à l’aise avec cette facette de la future reine. Elle sait exploiter le côté léger voir licencieux du début du deuxième acte tout en conférant une vraie noblesse par la suite. La prestation est parfaite et permet à cette jeune chanteuse de se faire connaître encore plus, lui promettant une très belle carrière si elle reste dans son répertoire.
Grande habituée depuis quelques saisons de Paris, Ermonela Jaho se risquait ici dans un répertoire qu’elle n’a pas fréquenté : celui du Grand Opéra et plus particulièrement ces fameux rôles de falcon si compliqués à distribuer. Créatrice du rôle de Valentine, Cornélie Falcon aura été un météore puisque sa carrière durera seulement cinq ans, entre ses dix-huit et vingt-trois ans. Torche vivante dotée d’une voix longue (ou qu’elle forçait peut-être trop), elle créa de nombreux rôles de premier plan, avant de s’évanouir en pleine représentation en ayant perdu sa voix pour toujours. Tous ces rôles qu’elle créa demandent un très solide registre grave, une voix puissante… mais aussi une technique solide ainsi que des aigus et mêmes des sur-aigus ! Et aussi bien sûr une grande force dramatique afin de brûler les planches ! Autant dire que les candidates réunissant toutes ces qualités sont rares. Si Ermonela Jaho se montre très à l’aise dans les rôles lyriques, il lui manque tout de même quelques armes pour réussir à totalement triompher de ce rôle. Déjà , le registre grave est trop discret, le medium parfois un peu forcés pour sortir… et la voix manque de cette largeur permettant de s’investir totalement dans le drame. La chanteuse a de nombreuses qualités mais ces petits manquent font que les ensembles sont parfois déséquilibrés ou les phrases les plus basses inaudibles (d’ailleurs, quelques phrases sont chantées sur une autre ligne que d’habitude… possibilité de la partition ou adaptation… ce n’est que minime=. Et à côté, il y a un vrai art du chant et des nuances, ainsi qu’un investissement dramatique de tous les instants. Sa Valentine est particulièrement vivante et présente malgré le manque d’adaptation au rôle. Et donc cette inadéquation n’empêche par la chanteuse de proposer une prestation de très haut niveau. Jamais elle n’essaye de se montrer autrement qu’elle n’est et joue avec ses armes : un chant nuancé et vivant qui donne un portrait extrêmement touchant et dramatique de la jeune fille. Tout au long de la soirée, elle joue comme toujours très bien, mais va nous créer un personnage très fort avec de plus une diction française assez bonne.
Enfin, le rôle principal n’est nul autre que celui de Raoul. A l’origine c’était Bryan Hymel qui devait faire sa prise de rôle. Après son très bon Robert à Londres dans Robert le Diable, il était très attendu. Malheureusement, le début de l’année l’a montré en mauvaise santé vocale et même s’il a participé à la plupart des répétitions, il se retire de la production seulement dix jours avant la générale. Trouver un remplaçant pour un tel rôle n’est pas chose facile et c’est Josep Kang qui est venu sauver la série de représentations. Le ténor avait déjà chanté le rôle à Berlin en alternance avec Juan Diego Florez il y a peu. Il connaissait donc le rôle mais il lui fallait intégrer la mise en scène. Le format est beaucoup moins héroïque que celui de Hymel et finalement l’on gagne peut-être au change car après tout, une grande partie du rôle demande de la nuance et de la poésie. Si le stress semble le bloquer légèrement en début de soirée avec un premier air sur le fil, la suite le montre beaucoup plus à l’aise avec des aigus alternativement sonores ou en voix mixte. Il donne toute la dimension romantique au personnage, à tort donné parfois à des voix très héroïques. Ici nous avons un chant parfaitement en accord avec les habitudes de l’époque où les aigus n’étaient pas pris en force mais en voix mixte, où la poésie et le soin de la ligne étaient si importants. Il donne donc une vision très délicate du rôle sans pour autant en faire un personnage fade. En fait, sa prestation se rapproche beaucoup de ce que faisait Eric Cutler. Bien sûr, le rôle lui est un peu difficile sur la durée, mais le chanteur prend des risques, n’évitant aucune difficulté. Un petit accident surviendra durant le duo avec Valentine… et l’air de la Tour de Nesle le trouve en léger manque de vaillance. Mais il assume le rôle d’un bout à l’autre et d’une très belle manière, avec une assez bonne diction même si scéniquement le personnage reste un peu trop discret. Contrairement à ce que l’on peut lire, il ne déséquilibre en rien le plateau et si en effet l’on pouvait rêver d’un John Osborn par exemple, le choix aura été heureux !
Malgré les petites erreurs dans la distribution, la mise en scène un peu terne et un orchestre en mode automatique, l’ouvrage de Meyerbeer reste toujours aussi fascinant. La tension dramatique prend d’elle même, avec un crescendo des émotions durant les deux derniers actes qui fascine le spectateur. Enfin voici Les Huguenots de retour à l’Opéra de Paris. Espérons que cette reprise n’aura pas été isolée et que dans les années qui viennent des reprises seront programmées. Le spectacle bénéficie d’une diffusion sur Culturebox puis sur France-Musique. Peut-être que l’Opéra de Paris réussira à publier un DVD pour avoir enfin une version en vidéo… en attendant une hypothétique reprise aussi de la production d’Olivier Py !
- Paris
- Opéra Bastille
- 4 octobre 2018
- Giacomo Meyerbeer (1791-1864), Les Huguenots, Grand Opéra en cinq actes
- Mise en scène, Andreas Kriegenburg ; Décors, Harald B. Thor ; Costumes, Tanja Hofmann ; Lumières, Andreas Grüter ; Chorégraphie, Zenta Haerter ; Chef des Chœurs, José Luis Basso
- Marguerite de Valois, Lisette Oropesa ; Raoul de Nangis, Yosep Kang ; Valentine, Ermonela Jaho ; Urbain, Karine Deshayes ; Marcel, Nicolas Testé ; Le Comte de Saint-Bris, Paul Gay ; La dame d’honneur / Une Bohémienne, Julie Robard‑Gendre ; Cossé / un étudiant catholique, François Rougier ; Le Comte de Nevers, Florian Sempey ; Tavannes / premier moine, Cyrille Dubois ; Méru / deuxième moine, Michal Partyka ; Thoré / Maurevert, Patrick Bolleire ; Retz / troisième moine, Tomislav Lavoie ; Coryphée / une jeune fille catholique / une bohémienne, Élodie Hache ; Bois-Rosé / valet, Philippe Do ; Un archer du guet, Olivier Ayault ; Quatre seigneurs, John Bernard / Cyrille Lovighi / Bernard Arrieta / Fabio Bellenghi
- Chœur de l’Opéra National de Paris
- Orchestre de l’Opéra National de Paris
- Michele Mariotti, direction