Il a souvent été dit que le Requiem en Ut majeur de Charles Gounod a été son premier et dernier requiem au milieu de toutes les messes qu’il a composées. Mais il n’en est rien. En 1842 déjà, il présentait un premier Requiem en Ré mineur à Vienne. Puis il commence à en écrire un en 1856 sans le terminer. Le 8 février 1873 est créée la Messe pour les morts qui est en partie un requiem aussi… Puis viendra la première partie de Mors et Vita bien sûr. Et enfin le fameux Requiem en Ut majeur qui est sans doute le plus connu. Légende ou réalité, Henri Büsser nous raconte que Gounod le joua et le chanta avec sa fille pour lui quelques heures avant une attaque cérébrale qui lui sera fatale trois jours plus tard. Composé en mémoire de l’un de ses petits-fils, ce Requiem était particulièrement important pour Charles Gounod. Il le fait mûrir durant de nombreuses années avant d’en terminer l’instrumentation en 1893 alors qu’il avait été commencé sûrement en 1889 sous le coup de la mort de son petit-fils. Nous sommes quatre ans après Mors et Vita, alors que le compositeur d’opéra s’est retiré depuis maintenant huit ans et qu’il consacre ses dernières années à des compositions plus religieuses. Continuer…
Musique religieuse
Mors et Vita, deuxième grand oratorio de Charles Gounod
Dès la composition de La Rédemption, Gounod avait prévu une deuxième partie. Cette deuxième partie sera donc Mors et Vita. Composé a priori entre l’été 1882 et le printemps 1884, l’oratorio est finalisé à l’automne suite à la commande pour une création à Birmingham en août 1885. Mais l’idée devait être beaucoup plus ancienne que ces années 1880… Déjà Georgina Weldon s’arroge une partie de l’idée de la troisième partie… mais sans que cela ne soit confirmé vraiment. Donc peut-être des idées en 1873. Mais encore avant, en 1865 il écrivait à sa femme au sujet de cette “dissolution” avant le renaissance pour la vie éternelle. Oratorio en trois parties comme La Rédemption, la partition n’en est pas moins très différente comme nous pourrons le voir par la suite. Elle commence par un grand Requiem (la mort), puis s’ensuivent deux parties plus courtes : le jugement et enfin la vie dans la Jérusalem Céleste. La création le 26 août 1885 à Birmingham fut un très beau succès et la partition eut les honneurs d’être reprise à Bruxelles le 30 janvier 1886, puis à Londres le 26 février de la même année suite à la volonté de la Reine Victoria de faire entendre cet oratorio dans sa capitale. Enfin, le 2 mai, c’est Paris qui pouvait entendre cette nouvelle trilogie sacrée. Continuer…
Le Requiem Ut Majeur de Gounod par le Chœur de chambre Les Temperamens Variations
Les concerts consacrés à Charles Gounod sont rares… encore plus rares quand cela concerne sa musique religieuse. Même si cette dernière est une part très importante de sa composition, elle n’est finalement qu’assez peu enregistrée en dehors de la fameuse Messe solennelle de sainte Cécile qui aura eu son heure de gloire et plusieurs enregistrements. Les autres messes, motets ou chœurs religieux sont quasi absents alors que ses mélodies commencent à être plus données, que tous ses opéras (en dehors de Maître-Pierre qui pose souci de part sa forme) sont bien documentés… et qu’on a même maintenant des disques consacrés à ses symphonies ou son œuvre pour piano!! Alors quand au détour d’un réseau social un ami pointe ce concert organisé par le Chœur de chambre Les Temperamens Variations au Temple des Batignolles, il n’était pas question de passer mon tour! Une marche pour orgue, deux chœurs avec orgue et le fameux Requiem en Ut Majeur ! On retrouve ici deux œuvres du milieu de vie de Charles Gounod (fin des années 1860, aux alentours de la composition de Roméo et Juliette) pour la Prière du Soir et le Stabat Mater, alors que la Marche et le Requiem sont parmi les dernières compositions du maître (le Requiem est d’ailleurs selon Henri Büsser la dernière partition d’envergure sur laquelle il a travaillé puisqu’il serait mort en jouant une réduction piano de la pièce). Continuer…
La Rédemption, premier grand oratorio de Gounod laissé dans l’oubli.
À l’automne 1868, alors qu’il n’avait que peu écrit depuis le succès de Roméo et Juliette, Gounod pense à composer un oratorio sur Sainte-Cécile. Il se rend alors à Rome pour essayer d’y trouver l’inspiration. Mais malgré sa visite à l’église Santa Cecilia, l’inspiration ne vient pas et à le début du mois de janvier 1869, il abandonne le projet alors qu’une tout autre jaillit dans son esprit : toujours un oratorio, mais oubliant la sainte patronne des musiciens, il imagine un projet autour de La Rédemption. On connaît la religiosité de Gounod et l’on ne s’étonne pas que ce sujet puisse lui faire venir de nombreuses idées tant musicales que sur le texte qu’il décide d’écrire lui-même. Il débute la composition le 9 janvier et le 13 voici qu’un grand morceau est déjà écrit sur un calepin. Le 6 février, tout le livret est écrit. Puis, le retour à Paris l’oblige à passer à d’autres sujets comme les répétitions de Faust pour son entrée à l’Opéra. Viennent ensuite d’autres projets d’opéra, l’exil en Angleterre… et il faudra attendre 1880 pour qu’il se remette à la tâche alors que Le Tribut de Zamora ne rencontre pas le succès qu’il espérait. La composition se fait rapidement, pouvant enfin écrire “une œuvre toute selon mon cœur” (lettre à sa femme du 19 janvier 1869). Au printemps 1881, l’ouvrage est achevé, relu et corrigé en septembre 1881. La Rédemption sera créée le 30 août 1882 à Birmingham dans une traduction anglaise avec 400 choristes et un orchestre de 140 musiciens. La création aura été un grand succès et l’œuvre sera d’ailleurs reprise régulièrement en Angleterre. Le 22 avril, Bruxelles peut l’entendre… et l’oratorio sera créé le 3 avril 1884 au Trocadéro alors que l’Opéra ainsi que l’Opéra-Comique réclamaient cette création. Continuer…
En 2022, Oya Kephale rend hommage à César Franck et Charles Gounod!
C’est en 2019 que pour la première fois j’allais écouter Oya Kephale dans un concert… Orchestre et chœur amateurs d’un très bon niveau, ils sont depuis devenus des rendez-vous presque obligés tant pour les concerts de décembre que pour ceux du printemps qui mettent en scène un ouvrage d’Offenbach. Au printemps 2022, c’était ainsi un superbe Barbe-Bleue alors qu’en ce mois de décembre, ce sera un double hommage à Gounod et Franck. César Franck bien sûr car on fête cette année le bicentenaire de sa naissance. Le Palazetto Bru Zane avait proposé entre autres Hulda, et Oya Kephale nous offre les Sept paroles du Christ en croix. En 2020, un programme Gounod devait être donné… mais il sera malheureusement annulé pour la cause que l’on connaît tous. L’année dernière était dévolue à Camille Saint-Saëns pour célébrer le centenaire de sa mort. Mais donc retour à Gounod en 2022 où la troupe nous offre un quasi inédit : la Messe des Anges Gardiens. À cela s’ajouteront des extraits de Faust. Malgré le froid qui a imprégné l’église Saint-Marcel, le public était au rendez-vous pour ce programme assez ardu et où seuls les certains extraits de Faust étaient connus de tous! Continuer…
Dans les Jardins de William Christie 2021 : dixième anniversaire.
La tradition avait été rompue l’année dernière vu les conditions de déroulement du festival (pas de déambulation, une structure beaucoup plus stricte dans les placements…). À l’époque, la peur était de ne pas retrouver cette ambiance, d’avoir un festival moins festif et bucolique. Mais en 2021, tout est revenu à la normale et me revoici donc dans les Jardins de William Christie! Beaucoup de programmes cette année encore avec des artistes renommés qui continuent toujours à venir tous les étés. On pourrait même penser que l’on assiste à une sorte de renaissance des Arts Florissants quand on voit combien de jeunes musiciens comme Thomas Dunford, Théotime Langlois de Swarte, Myriam Rignol ou encore Lea Desandre sont toujours fidèles au rendez-vous et semblent s’impliquer toujours plus dans les programmes des promenades musicales. Mais les fondamentaux restent bien présents : William Christie reste le maître même s’il partage de plus en plus la baguette avec Paul Agnew. Ainsi le concert du soir sera dirigé par l’ancien haute-contre (The Indian Queen de Purcell} alors que le chef historique jouera un concert pour deux clavecins avec Justin Taylor (là encore un autre jeune musicien de très haut niveau qui vient s’associer à cette manifestation!) à l’église de Thiré. Continuer…
Le Cygne Noir : Monteverdi et ses contemporains au Festival d’Aix-en-Provence
Le Festival d’Aix-en-Provence est renommé pour Mozart et les créations, mais aussi depuis quelques années par des productions d’ouvrages romantiques de prestige comme Tristan und Isolde pour 2021. Mais l’ADN du festival est aussi porteur de gènes baroques bien sûr, qu’ils soient italiens ou français. Après l’annulation malheureuse de tout le Festival l’année dernière et en particulier de L’Incoronazione di Poppea, voici un spectacle entièrement dévolu au baroque et même on pourrait dire au premier baroque italien tant il est centré sur Monteverdi, ses contemporains et ses descendants directs. Pas d’ouvrage complet mais une sorte de pasticcio avec comme pièce centrale le fameux Combatimento di Tancredi e Clorinda de Monteverdi. Et pour nous faire entendre des ouvrages souvent rares, un grand habitué des résurrections a été convoqué en la personne de Sébastien Daucé accompagné de son Ensemble Correspondance. Le choix du Théâtre du Jeu de Paume est aussi une excellente idée tant le cadre permet de profiter de tous les détails, mais aussi d’être proche de la scène où Silvia Costa a concocté un spectacle assez étrange. Continuer…
Dans les Jardins de William Christie 2019 : Odyssée Baroque
Cette année encore, la fin des vacances se passait chez William Christie, ou plutôt dans son jardin toujours aussi enchanteur. Le principe reste le même depuis maintenant de nombreuses années et le public est toujours autant au rendez-vous. Non seulement il peut écouter une musique de qualité dans une interprétation de haut niveau, mais en plus il le fait dans un cadre somptueux et même de plus en plus beau d’années en années. Car si tous les deux ans William Christie cultive des voix nouvelles dans son Jardin des Voix, il fait aussi grandir son jardin avec de nouveaux bosquets. Cette année était un peu particulière car les Arts Florissants fêtent leurs 40 ans en cette année 2019. Et même si la grande fête sera sans doute à la Philharmonie en fin d’année, nous avons tout de même droit à une atmosphère plus festive que d’habitude encore et on sent combien chaque artiste est attaché à cette ensemble. Continuer…
Un Requiem de Verdi à grands effets à la Philharmonie de Paris
Il y a tout juste trois ans, Gianandrea Noseda avait bouleversé le public de la Philharmonie de Paris avec un Requiem de Verdi impressionnant de profondeur et de passion. Il pouvait compter sur des chanteurs habités et les forces de l’Orchestre de Paris et de son Chœur. Les murs de la salle avaient alors résonné comme rarement ! Depuis, d’autres sont venus comme Riccardo Chailly avec la Scala par exemple. Forcément, le nom de Teodor Currentzis avec son ensemble MusicAeterna semble étrange après ces grands spécialistes du répertoire verdien ! D’autant plus que les chanteurs sont globalement inconnus à l’exception de René Barbera étant donné que Varduhi Abrahamyan remplace Hermine May initialement programmée. Habitué des lectures radicales du chef avec son orchestre jouant sur instruments d’époques et souvent en s’inspirant des pratiques plus baroques que romantiques, l’attente était grande. En effet, on ne savait si l’on allait assister à une véritable révélation ou au contraire à une chose plus qu’étrange. Le chef avait donné par exemple à l’Opéra Bastille des Don Carlo et Macbeth bien peu convaincants mais depuis il a montré qu’il pouvait donner des choses impressionnantes dans le répertoire romantique avec son ensemble. Soirée qui ne devait donc a priori pas laisser indifférent ! Continuer…
Charles Gounod et le Prix de Rome
Après Camille Saint-Saëns l’année dernière, le Palazzetto Bru Zane met à l’honneur Charles Gounod en cette année 2018. Mais ce n’est pas totalement innocent car cette année marque en effet le bicentenaire de sa naissance. De nombreuses manifestations ou parutions sont prévues et cette année a commencé par ce livre-disque centré sur sa participation au Prix de Rome. Mais peut de temps après, c’est Le Tribut de Zamora qui revoit le jour, avant la sortie de disques de quatuor ou de cantates religieuses, la venue sur scène de La Nonne Sanglante à l’Opéra-Comique… et la recréation du Faust dans sa version première avec dialogues parlés. Il est par contre dommage que le centre de musique romantique de Venise n’ait pas parrainé aussi l’exhumation de Philémon et Baucis à l’Opéra de Tours qui est une entreprise très courageuse ! Cette année est une opportunité de juger avec honnêteté de la variété de la composition de celui qui est marqué par l’Ave Maria et l’air des Bijoux. Avec ces enregistrements d’ouvrages liés au Prix de Rome, nous pouvons déjà avoir un aperçu de ses partitions alors qu’il est au tournant des vingt ans. Hervé Niquet se fait le défenseur non seulement des trois cantates composées pour le concours entre 1837 et 1839, mais aussi de pièces religieuses créées durant son séjour à la Villa Médicis de Rome. Continuer…