Le dernier opéra de Charles Gounod est Le Tribut de Zamora. Alors que Polyeucte est en cours de répétition en cet été 1878, le directeur de l’Opéra de Paris de l’époque lui propose ce livret d’Adolphe d’Ennery écrit en collaboration avec Jules-Henri Brésil. Il semble qu’il avait déjà été proposé auparavant à Verdi qui l’avait refusé. Dès la première lecture, Gounod peut comprendre pourquoi et il s’en plaint d’ailleurs à ses anciens librettistes : la qualité des vers n’est pas forcément au rendez-vous et le compositeur devra retravailler le livret un certain temps avant de pouvoir commencer sa composition. L’opéra doit être joué en fin d’année 1879, mais Gounod demande finalement un nouveau délai et l’ouvrage sera finalement créé le 1er avril 1881 sur la scène du Palais Garnier. Si les premières représentations furent assez réussies, l’Å“uvre ne resta pas très longtemps à l’affiche avec seulement 47 représentations en 1881, puis trois autres en 1885 afin que la 50e soit atteinte et permette donc aux auteurs de toucher une prime. Aucune reprise par la suite et en dehors d’un air de Xaïma enregistré par Joan Sutherland dans son disque French Romantic Arias, difficile de se faire une idée de la partition. Et la lecture de retours était plutôt mauvaise. Mais en janvier 2018, le Palazzetto Bru Zane enregistre enfin cet ultime opéra de Gounod pour que chacun puisse se faire une idée. Continuer…
Bru Zane
Cinq-Mars, un grand succès de Gounod malheureusement tombé dans l’oubli
Comme souvent après une grande période créative, Charles Gounod doit se reposer après la création de Roméo et Juliette en 1867. Pour se faire, il quitte Paris et part s’installer à Rome où sa ferveur religieuse le fait travailler sur un projet d’opéra chrétien : Polyeucte. Cette composition va l’occuper dans les années qui suivent mais en 1870 la guerre le fait quitter la France pour aller se réfugier en Angleterre où il terminera Polyeucte. Quatre ans après le début de son exil, il retourne en France. Certes il n’avait pas chômé entre temps avec de nombreuses compositions comme les musiques de scène pour Les Deux Reines de France de Legouvé, ou Jeanne d’Arc de Barbier. À son retour en 1874, des soucis d’ordre judiciaire l’empêchent sûrement de chercher une salle pour la création de Polyeucte (ou alors l’incendie de la Lepelletier en 1873 empêche la création à l’Opéra de Paris) et il ne compose pas de musique dramatique. En 1876, Léon Carvalho reprend la direction de l’Opéra-Comique et demande à Gounod un opéra pour sa première saison. Il n’y a donc que peu de temps pour travailler et étonnamment, il va composer son Cinq-Mars en cinquante-neuf jours seulement! Lui qui d’habitude prenait beaucoup de temps pour faire son métier de compositeur dramatique semble avoir été particulièrement inspiré ici car malgré le délai très court, la partition regorge de merveilles et d’inventivité. Même si l’ouvrage a été composé après Polyeucte, il sera créé le 5 avril 1877 alors que Polyeucte sera créé l’année suivante. Continuer…
La Fille de Madame Angot, surprise et bonne humeur au TCE!
Charles Lecocq n’est pas un inconnu des mélomanes et parmi ses ouvrages, bien sûr la plus connue reste cette Fille de Madame Angot. Enregistré avec Mady Mesplé dans le rôle titre, régulièrement repris au vingtième siècle, l’œuvre reste connue au moins de nom sinon musicalement. Car j’avoue humblement qu’à l’origine cet ouvrage ne me disait trop rien, ne m’attirait pas forcément malgré la distribution étincelante. Et puis le même jour, l’orchestre du Metropolitan Opera de New-York devait venir à la Philharmonie pour un programme Wagner. Annulation aidant, voilà que je finis par prendre une place. Après tout, ça ne peut pas être une mauvaise soirée. Et quelle surprise! Non pas une bonne soirée, mais une soirée magnifique. La partition, l’orchestre et les solistes, tout cela réuni pour un opéra-comique léger, plein de verve et de rebondissement. Depuis quelques temps le Palazzetto Bru Zane nous fait découvrir ces partitions un petit peu à la marge, parfois opérettes ou comédies musicales du début du vingtième. Mais ici nous avons un véritable opéra-comique qui charme et enchante l’oreille. Continuer…
Deuxième dose de Saint-Saëns, version Les Siècles à la Philharmonie!
Une semaine après le superbe concert dirigé par Tugan Sokhiev, de nouveau un programme entier dévolu à Camille Saint-Saëns à la Philharmonie de Paris ! Abondance de biens ne nuit pas bien sûr, d’autant plus que les programmes sont à l’opposé. Après un programme sans grande rareté (en dehors de l’ouverture), voici des pièces beaucoup moins données ! Les quatre poèmes symphoniques déjà , mais à cela s’ajoutent quelques pièces pour violon ou piano et un petit morceau de ballet extrait d’un opéra. Bien sûr, tout le monde connait une version ou l’autre de la Danse Macabre, mais la version purement orchestrale est sans doute loin d’être la plus connue ! Et puis il y a des grandes raretés comme la fantaisie pour piano et orchestre Africa. C’est plus de trente ans de l’œuvre de Camille Saint-Saëns qui est ici balayée. Et pour servir ces partitions, rien de moins que François-Xavier Roth à la tête de sa formation Les Siècles. Orchestre historiquement informé jouant sur instrument d’époques, ils sont toujours d’une probité exemplaire et d’un engagement constant, surtout sous la conduite d’un chef passionné par ce répertoire ! Et pour les accompagner, voici deux grands noms parmi les musiciens solistes : Renaud Capuçon et Bertrand Chamayou ! Un concert qui s’annonçait donc sous les meilleurs auspices ! Continuer…
Saint-Saëns comme on voudrait l’entendre plus souvent à la Philharmonie de Paris
Pour l’ouverture du huitième Festival Palazzetto Bru Zane de Paris, Camille Saint-Saëns était bien sûr à l’honneur avec une partition extrêmement rare : The Promised Land, oratorio anglais créé dans la dernière décennie du compositeur et créé en 1913. La partition avait été perdue à partir de 1916 puis retrouvée pour des concerts en 2005. La distribution était brillante et on attendait forcément beaucoup de ce moment. Malheureusement, la crise sanitaire est passée par là , empêchant de réunir un effectif aussi immense que le demande l’ouvrage (en 2005, il y avait environ 300 artistes pour la recréation). Le programme fut donc changé, mais encore consacré à Camille Saint-Saëns fort heureusement. Nous aurons donc un programme assez traditionnel dans sa forme : une ouverture (de la Princesse Jaune), un concerto (pour violoncelle) et une symphonie (le troisième avec orgue bien sûr !). Du premier programme restent donc le compositeur ainsi que le chef et l’orchestre. Car ce sont toujours les forces de Toulouse qui viennent rendre hommage au génial compositeur alors que l’Opéra de Paris encore une fois ne fait rien pour le centenaire de sa mort. Si ce concert n’est peut-être pas le plus original qui soit, il marque tout de même encore un retour : le retour personnel dans la grande salle de la Philharmonie avec un grand orchestre moderne. Après l’Opéra-Comique et Orfeo, on change totalement de style et d’ambiance pour un concert splendide ! Continuer…
L’ÃŽle du Rêve, premier opéra de Reynaldo Hahn dans un superbe version.
Reynaldo Hahn reste pour tous le compositeur de mélodies charmeuses (enregistrées en quasi intégrale par la fondation Bru Zane !) et d’opérettes mélodieuses voisinant avec le café-théâtre. Mais il aussi composé des partitions plus imposantes, plus complexes. Musique de chambre, piano, concertos, poèmes symphoniques… et opéras ! Plus associé à la badinerie qu’aux sentiments profonds, cet élève de Jules Massenet a aussi sûrement souffert de cet héritage. Déjà que le compositeur stéphanois était regardé de haut pendant longtemps (mais on commence à redécouvrir ses compositions même en dehors de l’opéra !), vous pensez bien que son élève ne pouvait pas être un compositeur sérieux ! Et pourtant… les mélodies l’ont prouvées avec à côté de belles bluettes de salon, des compositions beaucoup plus complexes, à l’archaïsme très travaillé par exemple. Comme pour d’autres compositeurs, la bonne fée Bru Zane se penche maintenant sur les ouvrages de ce compositeur et voici donc son ÃŽle du Rêve, premier opéra d’un jeune compositeur alors très prometteur ! Continuer…
Palazzetto Bru Zane, dix ans de bonheur!
En 2008 est fondée la Fondation Palazzetto Bru Zane, mais elle est vraiment en ordre de marche en 2009, alors que le palazzetto vénitien qui l’abrite est justement inauguré. Le but de cette fondation est de travailler à la mise en valeur de tout un patrimoine de la musique française : ce romantisme peu connu qui fit pourtant courir toute l’Europe à Paris au XIXème siècle. Si l’époque baroque a le Centre Musical Baroque de Versailles pour effectuer un travail sur les sources et les partitions, permettant de remonter de nombreux ouvrages rares ou de redonner vie à des ouvrages trop souvent entendus déformés leur visage d’origine, il restait un grand vide pour toute la musique qui suivait. Alors que nous avions des éditions critiques pour des opéras de Rossini par exemple, rien de comparable en France en dehors de quelques recherches sur des titres comme Les Contes d’Hoffmann ou Les Pêcheurs de Perles et plus récemment les opéras de Meyerbeer. Le travail est donc énorme ! Car à côté de ces compositeurs connus qu’il faut réussir à remettre à leur juste place après des décennies de dénigrement, il y avait aussi la mise en lumière de grandes raretés du romantisme… et le chaînon manquant entre le baroque et Berlioz, tous ces compositeurs qui depuis Gluck n’étaient que de vagues noms comme si on était passé de la musique de Louis XVI au début du romantisme. Alors bien sûr, il n’y a pas que l’opéra dans cette mission et nous aurons aussi un splendide travail sur les mélodies, sur les pièces orchestrales, sur les cantates du Prix de Rome… mais ce qui nous intéresse ce soir, c’est avant tout l’opéra car c’est lui qui est célébré sous toutes ses formes pour ce Gala qui fête les dix ans de la fondation. Dix ans de magnifiques découvertes et de mise à disposition de documents de référence, qu’ils soient discographiques ou écrits… aidant même à la production de spectacles scéniques. Continuer…
Un bouquet de mélodies de Charles Gounod par Tassis Christoyannis
Le Palazzetto Bru Zane fait beaucoup parler de lui pour les opéras qu’il remet en lumière… mais il y aussi un la mélodie français qu’il sait faire briller. En effet, depuis quelques années, Tassis Christoyannis a pu enregistrer sous l’égide de la fondation plusieurs disques de mélodies : Félicien David, Édouard Lalo, Benjamin Godard, Camille Saint-Saëns, Fernand de la Tombelle… et finalement Charles Gounod en cette année anniversaire. Il était logique de rendre hommage à cette production si importante dans la vie musicale du compositeur. Car c’est avec ses mélodies qu’il se fera un nom au tout départ. Et bon nombre de compositeurs ou musicologues n’hésitent pas à dire qu’il est le père de la mélodie français, peut-être plus qu’Hector Berlioz. Car chez Gounod il y a, pour ces mélodies comme pour les opéras, un grand travail pour que la ligne musicale laisse respirer le texte, que cette mélodie soit avant tout une mise en valeur du poème. Avec plus de 170 mélodies à son catalogue, le compositeur a aussi la particularité d’en avoir composé près du tiers en anglais, alors que nous avons aussi quelques mélodies en italien, allemand ou espagnol. Continuer…
L’hommage tant attendu à Charles Gounod
Pour clore de belle manière un superbe Festival, le Palazzetto Bru Zane offre au public un concert autour de Charles Gounod en ce 16 juin 2018, veille de la mort du compositeur il y a 125 ans. Après La Nonne Sanglante et le superbe Faust revivifié, voici donc un gala où l’on pourra entendre d’autres partitions rares du musicien, allant chercher dans deux oratorios des pièces splendides et différenciées. Bien sûr, c’est le compositeur lyrique qui est ici mis en avant… mais nous avons tout de même un bel éventail des ouvrages du compositeur. Certes, il en manque quelques uns mais il était difficile de tous les représenter en une soirée mais l’on peut regretter l’absence de Polyeucte par exemple qui est tout de même un ouvrage majeur de Charles Gounod. De même, il aurait été peut-être encore plus fort de proposer un extrait de Rédemption plutôt que Tobie. Mais ne boudons pas notre plaisir. Pour une fois que Gounod est mis à l’honneur dans de telles conditions, saluons le travail et le rendu de la soirée ! Continuer…
Gounod, le Faust nouveau est arrivé!
Avec Carmen, Faust est sans nul doute l’un des opéras français les plus connus. Tous deux ont été créés avec des dialogues parlés, puis ont été modifiés au cours des représentations ainsi que lors des reprises dans d’autres salles que celles de leurs créations. Ainsi, des récitatifs ont été composés, des passages coupés… ou des passages ajoutés pour Faust. Il est donc extrêmement difficile actuellement de retrouver la forme originale de l’ouvrage tel qu’il a été créé en 1859. Bien sûr l’on connaît quelques aspects comme les dialogues ou des scènes qui furent coupées par la suite, mais il nous manque tout de même de la matière pour être sûr de retrouver l’état d’origine. C’est donc plutôt un autre Faust qui a été présenté au Théâtre des Champs-Élysées avec une partition et un style sans doute plus proche de l’original mais sans être certain de sa totale authenticité. Il serait encore plus difficile de réussir à retrouver l’œuvre telle que Charles Gounod l’avait pensée tant les coupures ont été nombreuses avant même la première… et nombre de ces passages ont été perdus depuis, comme la scène de folie de Marguerite qui ouvrait le dernier acte. Mais nous avons ici un ouvrage nouveau, ou du moins différent et il est particulièrement intéressant de voir des musicologues se pencher enfin sur les partitions connues de Gounod. Continuer…