À la mort de Jules Massenet, trois opéras dormaient dans ses tiroirs. En 1913 c’est Panurge qui est créé au Théâtre-Lyrique de la Gaîté. Suivra en 1914 Cléopâtre à Monte-Carlo dont il a été question dans un article précédent. Puis il faudra attendre 1922 pour qu’enfin le dernier opéra de Jules Massenet soit créé. Ce sera là encore à Monte-Carlo. On peut sans aucun doute penser que la première guerre mondiale a coupé la volonté de créer ces opéras, mais peut-être aussi était-ce un manque de volonté alors que le compositeur n’était plus très à la mode. Toujours est-il qu’enfin était donné au public Amadis, cet opéra légendaire dont les débuts de la composition dataient de 1889. On se doute que la descendance de Jules Massenet souhaitait pouvoir faire entendre cet ouvrage et en toucher les dividendes. Et contrairement à Cléopâtre, il n’y eu aucun souci pour la distribution de la création. Lucy Arbell était certes toujours prévue par le compositeur pour le rôle titre, mais la déconvenue juridique et les années avaient semble-t-il fait renoncer la chanteuse (toujours en activité, elle chante par exemple Dulcinée dans Don Quichotte en 1924 à l’Opéra de Paris) à se battre pour faire respecter les dernières volontés de son vieux maître. Continuer…
Marina Rebeka et le répertoire français
Quand on regarde la discographie et le calendrier de Marina Rebeka, on se demande bien ce qui l’amène au répertoire français du milieu du XIXè siècle, surtout dans ce style au final assez peu vocalisant comparé à ce qui se faisait quelques années avant à la Salle Pelletier ! Car elle a beaucoup chanté Rossini, Mozart, Bellini, Donizetti… Bien sûr le bel-canto ne repose pas uniquement sur la technique, mais on voit tout de même un certain tropisme vers le répertoire vocalisant et dans son registre, le répertoire français a peu de place malgré quelques incarnations scénique : Marguerite dans le Faust de Gounod, Leila dans Les Pêcheurs de Perles, Thaïs, Antonia dans Les Contes d’Hoffmann… et Micaela dans Carmen. On retrouve dans le programme de ce récital un certain nombre de personnages déjà abordés, mais aussi des nouveautés. Il y a un an, son album Spirito avait été une révélation pour beaucoup d’amateurs et en France sa Norma la confirmation de son impact et de sa présence scénique dans le répertoire du bel-canto. Peu de temps après, sa Traviata enregistrée en studio nous la montrait encore sous un autre angle. Ici le défit est tout autre… et il faut avouer qu’il est admirablement relevé ! Continuer…
Massenet, l’affaire Cléopâtre et la maigre discographie d’un superbe opéra…
À la mort de Jules Massenet le 13 août 1912, trois opéras dormaient encore dans ses tiroirs, trois partitions complètes et entièrement orchestrées : Panurge, Cléopâtre et Amadis. Compositeur célébré en France malgré des critiques sur son manque de modernité, il conservait le pouvoir de remplir les salles avec des titres comme Werther ou Manon bien sûr ! Ses compositions étaient souvent inspirées par des grandes muses, expliquant sans doute ces portraits de femmes si réalistes et dramatiques. La plus connue est bien sûr Sibyl Sanderson pour qui il écrivit Esclarmonde et Thaïs. Mais celle qui sera la plus gâtée sera Lucy Arbell pour qui il écrivit pas moins de huit rôles ! Certes dans Ariane elle n’a que le rôle épisodique de Perséphone, mais pour les autres c’était l’un des personnages principaux à chaque fois ! Nous avons le rôle-titre de Thérèse, la Reine Amahelli pour Bacchus, Dulcinée dans Don Quichotte, la tragique Posthumia dans Roma, Colombe dans Panurge, notre Cléopâtre et sans aucun doute Amadis… Mais la mort du compositeur verra ces beaux projets quelque peu perturbés… et finalement Lucy Arbell ne créera ni Cléopâtre ni Amadis. Et malheureusement, toutes ces Å“uvres de la fin de la carrière de Jules Massenet tomberont dans l’ombre des grands succès, alors qu’ils portent en eux de magnifiques pages. Seul Don Quichotte est vu assez régulièrement sur les scènes. Mais nous avons la chance d’avoir pour beaucoup des enregistrements… et pour cet article, ce sera Cléopâtre qui sera évoquée ! Continuer…
La Dame Blanche revient Place Boieldieu!
Continuant à redécouvrir son répertoire historique, l’Opéra-Comique nous propose La Dame Blanche de François-Adrien Boieldieu. Cet ouvrage créé en 1825 atteindra les 1000 représentations en 1862, c’est dire quel succès la partition rencontra immédiatement. Et pourtant, à partir de la fin du XIXè siècle, voici que l’opéra disparait doucement de la scène parisienne. À partir de 1926, il faudra attendre 1996 pour que l’Opéra-Comique accueille une nouvelle fois cette Dame sous la baguette de Marc Minkowski… la production sera reprise une fois… puis il faudra attendre vingt ans donc pour retrouver de nouveau la Dame Blanche. Certes nous sommes ici dans un opéra-comique très marqué par son temps de par son inspiration chez Walter Scott ou le style musical, mais tout de même… Alors forcément, c’est un grand moment que nous propose l’institution car en plus de cette pièce historique, voici que l’Opéra-Comique a proposé une distribution parfaitement réglée aussi bien dans la musique, que dans le chant ou la mise en scène ! Continuer…
Written on Skin, contemporain mais déjà presque au répertoire!
En juillet 2012, le Festival d’Aix-en-Provence voyait la création d’un opéra contemporain qui restent souvent lettre morte après quelques représentations. Written on Skin de George Benjamin bénéficiait d’une distribution de haute volée et d’une mise en scène très intelligente. Bien sûr quelques reprises étaient prévues étant donné que la commande n’était pas que du festival seul… mais depuis, l’ouvrage semble s’être installé comme l’opéra récent le plus joué, bénéficiant même de quatre nouvelles productions scéniques après l’originale, preuve de son entrée progressive au répertoire de plusieurs maisons d’opéras. Pourtant l’ouvrage n’est pas simple d’accès ni simple à monter, ayant été composé pour de fortes personnalités et un orchestre très riche. Le livret de Martin Crimp n’aide pas forcément à rentrer dans une histoire très lointaine et qui pourrait laisser de marbre les contemporains. Mais il semble que l’ouvrage plaise et voici donc ce qui restera sûrement comme la création des années 2010 dans le domaine de l’opéra. Durand le Festival Présence consacré au compositeur George Benjamin, voici que nous était proposé pour la deuxième fois en quelques années cet opéra, mais cette fois dans une salle de concert et non plus dans une salle de théâtre comme cela avait été le cas en 2013 à l’Opéra-Comique. Continuer…
Mirella Freni : 1935 – 2020
Le 9 février 2020 s’est éteinte Mirella Freni à l’âge de 84 ans. Celle qui est présentée sous le nom de « Prudentissima », celle que tout le monde rapproche avant tout de Mimi dans La Bohème ainsi que de celui qui fut justement souvent son partenaire dans ce rôle : Luciano Pavarotti. Elle prenait congés des scènes en 2004 à la mort de Nicolai Ghiaurov… et quinze ans plus tard elle disparait. Mirella Freni, restera bien sûr dans les mémoires collectives… mais elle restera aussi pour moi la première. Car elle faisait partie de mon premier opéra acheté, car elle m’a fait découvrir un certain nombre d’ouvrages juste parce qu’elle le chantait. Le timbre, la musicalité, la délicatesse des portraits tout en donnant une force vitale immense au personnage… Voilà ce qui composait une chanteuse d’opéra immense par le talent, mais aussi d’une grande modestie et d’une grande sagesse. Toujours soucieuse de donner le meilleur d’elle-même, de ne jamais forcer sur son instrument pendant cinquante ans d’une carrière des plus riches, d’apporter sa touche personnelle aux personnages qu’ils soient parfaitement dans ses cordes vocales ou même qu’ils les dépassent un peu. Elle aura donné de magnifiques souvenirs à bien des spectateurs et auditeurs. Arrivé trop tardivement dans le monde passionnant de l’opéra, je n’ai jamais eu la chance de l’entendre en salle, mais rien que la croiser un jour au Théâtre du Châtelet restera un grand souvenir… Continuer…
Esclarmonde de Massenet… Ã quand une version moderne?
Si l‘on ne joue actuellement que quelques rares ouvrages de Jules Massenet sur les scènes d‘opéras, il ne faut pas oublier toutes les partitions magnifiques qui n‘attendent que le courage d‘un directeur pour revenir sur le devant de la scène… Actuellement, en dehors de Manon, Werther et éventuellement Thaïs, on n‘entend que trop rarement Le Cid, Cléopâtre, Le Roi de Lahore, Cendrillon ou encore Esclarmonde! Cette dernière partition a eu la chance de bénéficier du support de Richard Bonynge et Joan Sutherland dans les années soixante-dix, lui évitant ainsi de tomber dans le plus grand oubli comme peuvent l‘être Ariane ou encore Bacchus (qui devrait être donné en juillet à Montpellier!). Ainsi, nous avons eu droit à un enregistrement studio, un témoignage en direct aussi… et puis quelques autres enregistrements : des extraits de 1963 avec la troupe de l‘Opéra de Paris ainsi qu‘un enregistrement de 1992 du Festival Massenet de Saint-Étienne. On trouve aussi par des moyens détournés la prestation de la jeune Alexandrina Pendatchenska qui triompha à seulement 22 ans dans ce rôle à Turin. Mais officiellement, nous n‘avons donc que deux enregistrements aussi différents qu‘ils sont passionnants! Continuer…
Elsa Dreisig nous promène entre Duparc, Rachmaninov et Strauss
Même si les bonnes manières trouvent indélicat de donner l’âge des dames, il faut tout de même indiquer celui d’Elsa Dreisig pour mesurer toute l’étendue du talent de la jeune soprano franco-danoise. À tout juste 29 ans, voici qu’elle nous propose un deuxième disque chez Erato, mais aussi un voyage artistique mené de main de maître. Après avoir été Elvira dans Les Puritains cet automne à l’Opéra-Bastille, voici qu’elle entame une tournée autour de son nouveau récital « Morgen » où se côtoient des mélodies de Duparc, Rachmaninov et Strauss. Ces trois noms sont sans doute parmi les plus grands représentants des écoles respectivement française, russe et allemande de la mélodie. Malgré tout, le Théâtre des Champs-Élysées n’était pas plein, à tel point que ce dernier a offert des places à ses abonnés… triste monde où de tels programmes n’arrivent pas à remplir un théâtre, surtout qu’Elsa Dreisig est précédé d’une assez flatteuse réputation dans ce répertoire de la mélodie. Bien loin donc de la folie d’Elvira, voici qu’elle doit concentrer ses effets pour donner tout son sens à ce programme superbement construit. Continuer…
Cadeau de Cecilia Bartoli à la Philharmonie
Comme presque tous les ans, Cecilia Bartoli nous a fait un cadeau de Noël en avance avec un récital paru au mois de novembre. Replongeant sur les traces de son splendide Sacrificium de 2009, elle repart sur les traces des castrats, mais cette fois en se centrant sur la figure emblématique de ces illustres chanteurs : Farinelli ! Cela nous vaut une pochette comme toujours très étrange, mais qui accroche l’œil, et des airs superbes même si nous avons moins d’inédits que souvent étant donné combien le répertoire de ce castrat a été enregistré de nombreuses fois notamment par Ann Hallenberg. Cette dernière a d’abord effectué une tournée avec Christophe Rousset, puis a publié il y a peu un disque qui permet d’entendre les variations annotées par Farinelli lui-même sur les partitions qui existent encore ! Bien sûr, toute sortie de disque par Bartoli est suivie par une grande tournée lui permettant de se montrer sous son meilleur jour. Mais au lieu cette fois de reprendre les airs enregistrés au disque, elle va aller piocher dans d’autres disques, voir dans des rôles chantés il y a peu… et même nous offrir une mise en scène ! Comme toujours, Cecilia Bartoli est très généreuse avec son public ! Continuer…