Mors et Vita, deuxième grand oratorio de Charles Gounod

Dès la composition de La Rédemption, Gounod avait prévu une deuxième partie. Cette deuxième partie sera donc Mors et Vita. Composé a priori entre l’été 1882 et le printemps 1884, l’oratorio est finalisé à l’automne suite à la commande pour une création à Birmingham en août 1885. Mais l’idée devait être beaucoup plus ancienne que ces années 1880… Déjà Georgina Weldon s’arroge une partie de l’idée de la troisième partie… mais sans que cela ne soit confirmé vraiment. Donc peut-être des idées en 1873. Mais encore avant, en 1865 il écrivait à sa femme au sujet de cette “dissolution” avant le renaissance pour la vie éternelle. Oratorio en trois parties comme La Rédemption, la partition n’en est pas moins très différente comme nous pourrons le voir par la suite. Elle commence par un grand Requiem (la mort), puis s’ensuivent deux parties plus courtes : le jugement et enfin la vie dans la Jérusalem Céleste. La création le 26 août 1885 à Birmingham fut un très beau succès et la partition eut les honneurs d’être reprise à Bruxelles le 30 janvier 1886, puis à Londres le 26 février de la même année suite à la volonté de la Reine Victoria de faire entendre cet oratorio dans sa capitale. Enfin, le 2 mai, c’est Paris qui pouvait entendre cette nouvelle trilogie sacrée.

Hans Richter, qui dirigea la création à Birmingham.

Nous ne savons que peu de choses sur les étapes de la composition par Gounod… par contre, on connaît bien les circonstances de la création qui malheureusement ne se passa pas aussi bien que l’on pouvait l’espérer. En effet, c’est durant l’été 1885 que le jugement du procès intenté par Georgina Weldon à Gounod fut rendu. Il condamnait le compositeur à payer 250 000 francs. Ne pouvant donc mettre les pieds en Angleterre, Gounod dut renoncer à diriger cette création et ce sera Hans Richter qui reprendra la baguette. Mais le compositeur avait envoyé ses enfants Jeanne et Jean pour assister aux répétitions et lui donner leurs impressions. Il semble que le chef ait parfaitement compris la partition, en donnant une lecture d’une “intelligence supérieure” selon Jeanne. Cette dernière se permettant tout de même de corriger quelques lenteurs lors de répétitions! Amour filiale ou vraie conviction, elle termine sa lettre ainsi : “Tu es, je te le jure, le fils, le frère, l’égal de Beethoven et de la 9e!”. Pour la reprise de Bruxelles, Gounod peut enfin tenir la baguette pour son ouvrage, mais malheureusement il ne pourra pas diriger la représentation de Londres. Pourtant, suite à la demande de la Reine Victoria, une requête fut envoyée à Georgina Weldon pour qu’elle renonce provisoirement au jugement. Mais inflexible, elle répondra : “S’il essaye de mettre les pieds en Angleterre, je le fais arrêter immédiatement”. Il dirigera bien sûr aussi la création parisienne à la tête de 450 musiciens et chanteurs! Pour chacune des représentations, la partition rencontre un franc succès.

Emma Albani, créatrice à Birmingham en 1885 (soprano).

Comme pour son précédent oratorio, Charles Gounod se charge lui-même du livret en allant puiser cette fois dans des textes liturgiques. Nous avons ici non pas un texte en français mais en latin, ajoutant au côté liturgique de l’ouvrage. La première partie (la Mort) se base sur les textes de la messe des morts. Le Jugement (2ème partie) est lui basé sur l’évangile de Matthieu, chapitre 25 alors que la Vie (3ème partie) va puiser dans l’Apocalypse de Jean, chapitres 21 et 22. Nous sommes donc ici dans des textes connus et à la base de la croyance chrétienne. Pour ce qui est de la formation, la partition indique un grand chœur mixte, quatuor de solistes (soprano, mezzo-soprano, ténor et baryton) et  un grand orchestre (avec grand orgue).

Si la partition de La Rédemption avait quelque chose d’un peu rude et austère dans sa composition, ce Mors et Vita est au contraire plein de couleurs et de lumières, alternant les formations et les ambiances avec beaucoup de science. La composition impose une vision grandiose à bien des moments tout en proposant aussi des passages d’une grande intimité et d’un lyrisme magnifique. La partition commence par un grand Requiem et ici l’on entend combien Gounod refuse la vision sombre et ombrageuse de cette messe. Tout comme il le fera pour son Requiem en Ut, cette partie est baignée de moments lumineux et si certains passages montrent une crainte ou une douleur, elle est rapidement contrebalancée par le calme qui suit et une certaine forme d’optimisme sur ce qui se passe après la douleur de la mort. Cette mort est pour lui une épreuve mais bien sûr pas la fin. Il s’en explique d’ailleurs dans l’avertissement qui ouvre la partition et le livret :

Cet ouvrage fait suite à ma trilogie sacrée « La Rédemption ». On sera peut-être surpris que, dans le titre, j’ai mentionné la Mort avant la Vie. C’est qu’en effet la Mort n’est que la fin de l’Existence qui est un mourir continuel ; mais elle est le premier instant et, en quelque sorte la naissance de ce qui ne meurt plus. La première partie est consacrée à l’expression des tristesses causées par la perte des êtres aimés et aux solennelles terreurs de la Justice infaillible. La seconde contient le Réveil des Morts par la trompette des Anges, et le Jugement des Élus et des Réprouvés. La troisième, tirée de l’Apocalypse, est la description de la Nouvelle Jérusalem et de la Vie bienheureuse.

Janet Monach Patey, créatrice à Birmingham en 1885 (alto).

Bien sûr, on ne peut pas oublier certains moments de grande tension comme le “Dies Irae”qui impressionne mais qui n’est pas tétanisant comme pouvait le faire un Verdi par exemple. Ici on sent une grande ombre, un peuple qui tremble mais il n’y a pas la foudre qui s’abat. C’est un peuple en supplication. Et puis à côté de cela se trouvent des pièces d’une délicatesse magnifique comme le “Inter Oves” du ténor plein de douceur contrastant magnifiquement avec le court “Confutatis Maledictis” qui suit, lui-même retrouvant rapidement espérance et lumière. Dans ce Requiem donc, on alterne les passages sombres et d’autres où l’espoir est parfaitement traduit par une orchestration légère et lumineuse qui soutient des lignes vocales pleines d’espoir et de vie. Parmi ces moments lumineux, comment ne pas parler du splendide “Pie Jesu” pour quatuor vocal où les voix solistes se croisent et se répondent. Et puis pour clore cette grande partie, l’épilogue est une vraie élévation, débutant dans le doute et une sorte de brouillard d’où vont émerger petit à petit des traits plus saillants et pleins d’espoir avant une sorte d’explosion de lumière qui vient conclure une mort portée vers la vie future.

Edward Lloyd, créateur à Birmingham et Paris (ténor).

Alors que la première partie n’avait que peu de récitatifs, le Jugement verra le baryton intervenir plus souvent en tant que soliste. Le texte n’est pas dans la même construction que la messe des morts et il est logique que les différentes phases du jugement soient explicités. Mais auparavant, trois mouvements symphoniques introduisent cette deuxième partie : un délicat et calme sommeil des morts qui est interrompu par les fameuses trompettes du jugement dernier, retentissant avec un ton martial avant que tout l’orchestre ne les entoure d’une mélodie qui semble s’élever toujours plus haut. Enfin, voici la résurrection des morts qui débute comme avec une démarche trébuchante, ponctuée de chutes… où reviennent les trompettes ponctuellement avant une apothéose. Intervient alors le baryton récitant avant le jugement en lui-même où l’on entend bien sûr la musique séraphique des élus d’où émerge la superbe mélodie offerte à la soprano, puis l’implacable jugement de rejetés toujours dominé par les trompettes menant un chœur implorent vers les enfers.

Enfin, la Vie s’ouvre sur une lumière magnifique qui baignera toute cette partie, alternant chœurs grandioses et passages solistes où le baryton se taille de nouveau une belle part. Comment résister à ce Sanctus plein de lyrisme et même presque de sensualité où le chœur se fait aérien et où l’orchestre semble porter toujours plus haut une assemblée d’être célestes? Et pour conclure cette œuvre, deux chœurs que tout oppose. Tout d’abord la simplicité des lignes du “Ego sum Alpha et Omega” accompagné par un orchestre présent mais strict. Puis un Hosanna fugué plein de vie et de joie où les différentes pupitres se répondent et se complètent dans une explosion de vie et de joie.

Dans sa préface, Charles Gounod explicite quelques thèmes récurrents afin d’éclairer au mieux la partition. Voici donc ce qu’il en dit :

Parmi les formes musicales dont la persistance à travers l’œuvre est le plus saisissable, j’appellerai principalement l’attention sur celles qui suivent :


exprimant la terreur qu’inspire le sentiment de la Justice seule, et par suite l’angoisse du châtiment. Cette forme, dont l’emploi soit ascendant soit descendant, présente une suite de trois secondes majeures, donne un total de quarte augmentée dont l’expression farouche se retrouve dans les arrêts de la Justice divine, dans les souffrances des damnés, et se combine, dans tout l’ouvrage, avec les formes qui expriment des sentiments tout différents, comme dans le “Sanctus” et le “Pie Jesu” du Requiem, qui compose la première partie.

Cette seconde forme, celle des tristesses et des larmes, devient par l’emploi du mode majeur et l’altération d’une simple note, la forme des consolations et des joies :

exprime la félicité des bienheureux.

Enfin, la forme suivante

par sa triple superposition qui donne un cadre de quinte augmentée, annonce le réveil des morts par cette effrayante fanfare de la trompette angélique dont parle St. Paul dans l’une de ses épîtres aux Corinthiens.

Charles Santley, créateur à Birmingham en 1885 (baryton).

Est-ce parce que le texte est en latin? Est-ce le fait que la partition soit plus démonstrative par certains côtés que La Rédemption? Bonne question… Toujours est-il que nous avons la chance pour cet oratorio d’avoir deux versions de bonne qualité à nous mettre sous l’oreille. La première est la plus connue bien sûr car c’est un studio dirigé par Michel Plasson en 1992 et publié par EMI (maintenant Warner). Mais il s’en trouve une deuxième, enregistrée en direct à l’abbaye d’Eberbach dans le Land de Hesse en 1999 et dirigée par Marcello Viotti. Bien sûr cette version est peu (voir plus du tout) distribuée et j’avoue l’avoir découverte en préparant cet article, espérant trouver un point de comparaison pour la version la plus connue. Alors au final, malgré l’habitude d’écouter toujours et encore la version Plasson, quel est le verdict si l’on compare ces deux enregistrements?

Déjà d’un point de vue de la qualité technique des enregistrements, si bien sûr le studio de Michel Plasson est plus propre, la prise de son de la version  de Marcello Viotti est très bonne sans trop de réverbération comme on pourrait le craindre dans ces grandes nefs. Pour ce qui est des forces orchestrales et choristes en présence, on bénéficie d’un côté de l’Orféon Donostiarra ainsi que de l’Orchestre du Capitole de Toulouse… alors que de l’autre nous avons le Chœur de la radio de Budapest et l’Orchestre Symphonique de la radio de Francfort. Autant dire que ce sont ici des formations de très haut niveau. Aucun souci de mise en place, des pupitres peut-être plus colorés chez les allemands mais peut-être est-ce aussi dû à une prise de son plus chaleureuse que celle réalisée à la Halle aux Grains de Toulouse. Toujours est-il que ce ne sera pas forcément sur ces éléments que la différence se fera entre ces deux enregistrements de Mors et Vita. Par contre, il faut noter une coupure dans la version Viotti… Dans le prélude du “Somnus mortuorum”, il n’y a que le tout début de ce numéro, environ trois minutes de musique manquent ici… Dommage tout de même!

Pour la direction, les choses par contre commencent à être différentes. Et peut-être n’est-ce pas qu’un choix du chef mais aussi des capacités différentes des chœurs entre autres. Michel Plasson dirige ce grand oratorio avec un immense respect semble-t-il, mais peut-être un peu de distance. Tout est magnifique, avec de l’élan, des contrastes et des grands moments qui resplendissent… mais Marcello Viotti en optant pour une vision plus lyrique et presque opératique exalte plus de contrastes avec en plus un chœur qui offre beaucoup plus de contraste que l’Orféon Donostiarra. Entendons-nous bien, les deux versions sont magnifiquement dirigées mais plus de vie se dégage chez Viotti. Les deux orchestres répondent parfaitement aux gestes des chefs et l’on entend là encore des choix plus contrastés chez Viotti, très bien rendus par l’orchestre allemand.

Gabrielle Krauss, créatrice à Paris en 1886 (soprano).

Pour le quatuor de solistes, la remarque serait la même presque : des voix peut-être moins calibrées pour l’exercice chez Viotti mais qui proposent des visions plus lyriques et vivantes de Mors et Vita. Ainsi le contraste est assez fort pour la soprano par exemple entre Barbara Hendricks et Barbara Frittoli. La première propose un chant éthéré, peut-être un petit peu à la peine dans les graves mais qui offre quelque chose de très pur là où la seconde, de son grand soprano lyrique, donne à entendre un chant plus corsé, plus terrien mais aussi plus prenant dans les moments de désespoir. On notera par contre un vibrato parfois légèrement trop prononcé. Il est intéressant de voir qu’au final le profil de Hendricks pourrait correspondre à celui de la créatrice de l’ouvrage à Birmingham mais plutôt dans ses jeunes années. Emma Albani commence en effet par chanter des rôles très légers comme Oscar dans Un Ballo in Maschera de Verdi par exemple mais en 1884, la voix semble avoir évolué vers un chant plus lyrique puisqu’elle chante Elsa (Lohengrin), Desdemona (Otello de Verdi) ou même Isolde! Barbara Frittoli semble donc plus comparable à ce timbre et ce type de voix. Surtout si l’on compare aussi avec la créatrice à Paris qui n’est autre que la grande Gabrielle Krauss, falcon qui créa les dernières œuvres de Gounod à Paris (Pauline dans Polyeucte, Hermosa dans Le Tribut de Zamora ou encore une version remaniée de Sapho. Alors si la vision assez claire de Barbara Hendricks peut être superbe, ce que propose Barbara Frittoli semble plus correspondre aux moyens des créatrices mais aussi de ceux que réclame la partition. En effet, la soprano italienne semble très à l’aise avec la tessiture, offrant un grave chaud et des aigus radieux. Avantage donc pour Marcello Viotti ici.

Juliette Counneau Pasqualini, créatrice à Paris en 1886 (alto).

Pour la partie de mezzo-soprano ou même d’alto, on ne trouve que très peu d’informations sur Juliette Pasqualini qui chanta à Paris (en dehors de ses relations avec un ami intime de Napoléon III…). Il faut donc se baser plus sur ce que l’on connaît de Janet Monach Patey qui chantait à Birmingham. Sa voix est décrite comme très profonde, parfaitement adaptée aux parties d’oratorio qu’elle semble avoir plus chanté que l’opéra. Et quand on regarde la partition, on voit en effet que la tessiture descend très bas posant manifestement quelques soucis aux deux mezzo-soprano qui nous sont ici proposées. Nadine Denize chez Michel Plasson offre un chant d’une grande gravité, plein d’intériorité et de nuances… mais celle qui était mezzo aigu durant une grande partie de sa carrière peine dans certaines lignes graves où l’on entend peu sa partie. Mais quelle dignité dans cette figure! Lidia Tirendi est peut-être plus à l’aise avec la tessiture (même si là aussi le grave n’ait pas forcément son point fort) avec une voix plus large et lyrique. On entend donc mieux ses interventions dans certains passages mais on perd aussi cette tenue du chant, cette noblesse constante. Difficile de choisir ici, mais peut-être que Nadine Denize est plus frappante malgré quelques manques de graves.

Edward Lloyd, créateur à Birmingham et Paris (ténor).

Le créateur de la partie de ténor à Birmingham a aussi assuré la création à Bruxelles puis à Paris… En regardant un petit peu la biographie d’Edward Lloyd, on découvre un ténor décrit comme extrêmement gracieux dans son chant, n’ayant jamais chanté sur une scène d’opéra, se spécialisant dans l’oratorio, la mélodie mais aussi quelques airs d’opéras ou actes isolés sans mise en scène. Avec cette description, on peut imaginer un ténor plutôt léger, un petit peu comme un Georgy Vinogradov dans les années 50 en URSS (qui chanta uniquement pour la radio). Mais quand on lit qu’il chantait aussi entre autres le troisième acte de Tannhäuser, la scène de la forge de Siegfried (avec de mauvaises critiques)… on ne peut douter que cette voix était aussi imposante pour réussir à passer au-dessus des masses de l’orchestre. Certes tous les commentateurs relèvent qu’on entendait plus Edward Lloyd que les personnages et même le style requis dans ces interprétations d’airs d’opéra n’était pas parfait. Mais cela n’empêche pas que la voix semblait puissante tout en étant très nuancée (et dans le Preislied des Maîtres Chanteurs ou le récit du Graal de Lohengrin cela devait être assez magnifique!). Les deux enregistrements nous donnent presque les deux descriptions opposées de Lloyd : John Aler chez Michel Plasson et Zoran Todorovich chez Marcello Viotti. Un ténor léger et aérien donc, face à un ténor puissant et plus héroïque. La délicatesse du chant du ténor américain offre vraiment des moments de grâces, avec ce timbre légèrement voilé mais aussi si évocateur. Son “Inter oves” par exemple est un moment de pure musique, d’élévation. Face à lui, Zoran Todorovich est plus terre à terre. Certes on l’entend plus dans les ensembles mais le chant est plus fruste et sans la finesse du premier. Et d’ailleurs, la voix de Aler semble s’adapter parfaitement à Barbara Hendricks et aurait sans doute paru trop diaphane face au lyrisme de Barbara Frittoli. Mais comment résister à ces nuances et cet art magnifique? Avantage à Michel Plasson pour ce que propose John Aler.

Jean-Baptiste Faure, créateur à Paris en 1886 (baryton).

Charles Stanley (créateur à Birmingham) comme Jean-Baptiste Faure (créateur à Paris) ont au contraire une grande carrière sur scène. Mais le premier a aussi beaucoup chanté des oratorios. Baryton aussi à l’aise dans Haendel et Mozart que Verdi ou Wagner (Di Luna particulièrement il semblerait dans Il Trovatore, ou Telramund dans Lohengrin), on peut imaginer une voix avec un certain mordant… Sauf que lors de la création en 1885, le baryton semble avoir réduit beaucoup ses apparitions. Changement dans la voix? On ne sait pas. C’est un petit peu la même chose pour Jean-Baptiste Faure. Grand baryton qui va créer quelques-uns des plus grands rôles de sa tessiture (Posa dans Don Carlos et Hamlet par exemple), il est en 1886 retiré des scènes lyriques et s’il chante toujours en récital, sa voix a sans doute évolué, comme peut l’indiquer le fait qu’il a ajouter à son répertoire en récital les Adieux de Wotan par exemple. Alors cette voix de baryton? Sûrement un baryton noble, assez à l’aise dans la grave au final quand on regarde la partition, mais montant aussi dans un aigu qu’une basse ne pourrait atteindre. Le profil de José van Dam chez Michel Plasson semble assez idéal. Ce baryton-basse a toujours eu des aigus assez faciles et il nous régale d’un chant splendide d’un bout à l’autre! Aucun souci dans le grave de la tessiture (là où les rôles de basse n’étaient pas forcément très confortables) et l’aigu s’éclaire avec beaucoup de charme. Sa prestation est en tout point remarquable, que ce soit dans les passages de récitant des deux dernières parties ou dans les moments plus lyriques : la tendresse de la voix, la majesté du chant… tout est parfait. Davide Damiani offre une belle voix de baryton sombre, mais elle ne peut rivaliser en élégance et en longueur avec son prédécesseur. Sa prestation est tout à fait correcte et même très bonne… mais il n’y a pas le style de Van Dam malheureusement et cette aisance sur toute la tessiture que l’on peut entendre dans l’enregistrement de Michel Plasson.

Alors… au final… On voit bien deux conceptions différentes dans ces deux enregistrements de Mors et Vita. En composant un quatuor plus hiératique que lyrique, Michel Plasson opte pour une vision assez sobre de l’oratorio, n’exploitant pas forcément toutes les ressources dynamiques mais offrant une interprétation plus en retrait, véritable oratorio sans composante dramatique ou presque. Sa direction va aussi dans ce sens d’ailleurs. Marcello Viotti lui semble vouloir plus dramatiser son interprétation par des choix de dynamique plus marqués dans l’orchestre et le chœur, mais aussi par le choix des chanteurs aux voix plus larges et lyriques. Habitué depuis des années aux choix de Michel Plasson, j’avoue que la découverte très récente de la version de Marcello Viotti a été une vraie révélation, donnant plus de couleurs à cet oratorio. Donc actuellement, je conseillerai bien cette version (trouvable en ligne sur un certain site de vidéo!) mais la version de Michel Plasson est tout de même très recommandable! Quel bonheur et quel honneur pour ce Mors et Vita d’avoir ainsi deux enregistrements de bonne qualité là où l’on attend toujours un enregistrement correct de La Rédemption!

  • Charles Gounod (1818-1893), Mors et Vita, Oratorio en trois parties
  • Barbara Hendrick, soprano
  • Nadine Denize, alto
  • John Aler, ténor
  • José van Dam, baryton
  • Christoph Kulhman, orgue
  • Orféon Donostiarra
  • Orchestre du Capitole de Toulouse
  • Michel Plasson, direction
  • 2 CD EMI CDS 754459-2. Enregistré en 1991 à la Halle aux Grains de Toulouse.

  • Charles Gounod (1818-1893), Mors et Vita, Oratorio en trois parties
  • Barbara Frittoli, soprano
  • Lidia Tirendi, alto
  • Zoran Todorovich, ténor
  • Davide Daminani, baryton
  • Budapester Rundfunkchor
  • Frankfurt Radio Symphony Orchestra
  • Marcello Viotti, direction
  • 2 CD Rheingau Musik Festival. Enregistré le 4 juillet 1999 à l’Abbaye d’Eberbach .

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