La Rédemption, premier grand oratorio de Gounod laissé dans l’oubli.

À l’automne 1868, alors qu’il n’avait que peu écrit depuis le succès de Roméo et Juliette, Gounod pense à composer un oratorio sur Sainte-Cécile. Il se rend alors à Rome pour essayer d’y trouver l’inspiration. Mais malgré sa visite à l’église Santa Cecilia, l’inspiration ne vient pas et à le début du mois de janvier 1869, il abandonne le projet alors qu’une tout autre jaillit dans son esprit : toujours un oratorio, mais oubliant la sainte patronne des musiciens, il imagine un projet autour de La Rédemption. On connaît la religiosité de Gounod et l’on ne s’étonne pas que ce sujet puisse lui faire venir de nombreuses idées tant musicales que sur le texte qu’il décide d’écrire lui-même. Il débute la composition le 9 janvier et le 13 voici qu’un grand morceau est déjà écrit sur un calepin. Le 6 février, tout le livret est écrit. Puis, le retour à Paris l’oblige à passer à d’autres sujets comme les répétitions de Faust pour son entrée à l’Opéra. Viennent ensuite d’autres projets d’opéra, l’exil en Angleterre… et il faudra attendre 1880 pour qu’il se remette à la tâche alors que Le Tribut de Zamora ne rencontre pas le succès qu’il espérait. La composition se fait rapidement, pouvant enfin écrire “une œuvre toute selon mon cœur” (lettre à sa femme du 19 janvier 1869). Au printemps 1881, l’ouvrage est achevé, relu et corrigé en septembre 1881. La Rédemption sera créée le 30 août 1882 à Birmingham dans une traduction anglaise avec 400 choristes et un orchestre de 140 musiciens. La création aura été un grand succès et l’œuvre sera d’ailleurs reprise régulièrement en Angleterre. Le 22 avril, Bruxelles peut l’entendre… et l’oratorio sera créé le 3 avril 1884 au Trocadéro alors que l’Opéra ainsi que l’Opéra-Comique réclamaient cette création.

C’est donc un projet de longue haleine que cette Rédemption. Non seulement pour le temps durant lequel il a pu faire mûrir son projet, mais aussi par sa situation après son dernier opéra composé qui fut malheureusement un échec cuisant. Il voulait y apporter non seulement sa conviction religieuse mais aussi ses convictions musicales alors qu’avec les années, il revenait de plus en plus aux grands maîtres anciens de la musique.

La structure même de l’ouvrage le montre bien. Alors que l’on aurait pu attendre un oratorio lyrique comme ce que pouvait composer Massenet (Marie-Magdeleine en 1873, Ève en 1875 ou encore La Vierge en 1880), Gounod se refuse aux moindres airs, alternant principalement des récitatifs relativement austères avec des grands passages chorales où interviennent certes quelques solistes (dont Jésus bien sûr) mais sans qu’il n’y ai jamais de grandes envolées lyriques. On retrouve d’ailleurs dans les lignes mélodiques des souvenirs des parties les plus austères de Polyeucte avec des phrases chantées sur une seule note. On est loin de son oratorio de jeunesse Tobie créé en 1854 qui a un plan et une écriture beaucoup plus lyriques. Mais si l’écriture vocale soliste est assez sobre, le chœur lui demande non seulement un grand nombre de chanteurs (chœur mixte et chœur d’enfants soprano) mais aussi un ensemble parfaitement à l’aise avec des séparations de pupitres et des lignes se croisant. De même l’orchestre est assez fourni auquel s’ajoutent un grand orgue et des trompettes en coulisses. Dramatiquement, la partition s’articule en un prologue et trois parties : la Passion, la Résurrection et l’Ascension puis enfin la Pentecôte. La description qu’en fait Gounod est d’ailleurs la suivante :

“Cet ouvrage est l’exposition lyrique des trois grands faits sur lesquels repose l’existence de la Société Chrétienne, et qui sont : 1. La Passion et la Mort du Sauveur, 2. Sa vie glorieuse sur la terre depuis Sa Résurrection jusqu’à Son Ascension, 3. La diffusion du Christianisme dans le monde par la mission Apostolique. Ces trois parties de la présente Trilogie sont précédées d’un Prologue sur la Création, la Chute de nos premiers parents, et la promesse d’un Libérateur”.

Plan de La Rédemption :

Prologue :

A – La Création
B – La Chute
C – La Promesse de la Rédemption

Partie I :

N°1 Récitatif
N°1 La marche au calvaire
N°2 Le Crucifiement
N°2 Improperia
N°3 Marie au pied de la Croix
N°4 Les deux larrons
N°5 Mort de Jésus
N°6 Le Centurion

Partie II :

N°1 Chœur prophétique
N°2 Les saintes femmes vont au sépulcre
N°3 Apparition de Jésus aux Saintes Femmes
N°4 Le Sanhédrin
N°5 Les Saintes Femmes devant les Apôtres
N°6 L’Apparition de Jésus aux Apôtre

Partie III :

N°1 Soprano solo et chœur
N°2 Le cénacle
N°3 L’hymne apostolique

Malgré ses aventures plus ou moins platoniques alors qu’il était marié, Gounod était un homme profondément religieux et pour qui la religion était l’un des fondements de notre société et aussi de sa vie. Il ne fait aucun doute que cette Rédemption se voulait aussi instructive pour faire vivre des épisodes marquants de la Bible. Mais il ne faut pas ramener cette partition uniquement au message religieux… car même sans être touché par le message, la partition recèle de nombreuses beautés. On entend des passages musicaux magnifiques et pleins de noblesse. L’orchestre dépeint avec beaucoup de précision les différents tableaux que ce soit la béatitude sainte, la violence de la marche au calvaire, les railleries du peuple… chaque moment trouve sa couleur jusqu’à ce moment de la mort de Jésus où la nuit vient et où l’on entend des accords étranges, non pas encore dissonants mais tout du moins très peu habituels. On relèvera aussi cette fameuse “Mélodie typique de l’Homme Dieu Rédempteur” qui intervient neuf fois dans la partition sous diverses formes, tel un leitmotiv s’adaptant à chaque fois à la situation encore une fois pour nous signifier soit l’espoir ou alors la présence de cet Homme Dieu.

Première apparition de la “Mélodie typique de l’Homme Dieu Rédempteur”.

Couverture de « Portraits et Souvenirs » de Camille Saint-Saëns.

Et puis l’écriture chorale est magnifique avec ces grands chœurs qui par exemple s’élèvent dans l’Hymne Apostolique qui clôt la partition. Et après tout, alors que Gérard Condé compare le style du choral à ceux des Passions de Bach, on peut justement rapprocher ces ouvrages : combien sont actuellement les admirateurs des Passions de Bach qui ne sont aucunement sensibles à la religion? Il peut en être tout autant pour cette Rédémption qui reste avant tout une œuvre musicale qu’il faut écouter en tant que telle et non comme le vecteur d’une religiosité. Mais c’est sans doute Camille Saint-Saëns qui en parle le mieux dans un grand article dédié à Gounod dans “Portraits et souvenirs”. Le texte est certes long mais il est aussi passionnant. Saint-Saëns ne sera pas forcément très clairvoyant sur l’avenir des compositions de Gounod puisqu’il disait : « Quand de par la marche fatale du temps, dans un lointain avenir, les opéras de Gounod seront entrés dans le sanctuaire poudreux des bibliothèques, connus des seuls érudits, Rédemption et Mors et Vita resteront sur la brèche pour apprendre aux générations futures quel grand musicien illustrait la France du XIXe siècle ». On voit qu’il n’a toujours pas raison mais on ne peut lui nier par contre une grande capacité à analyser une partition. Voici donc le texte reproduit ici…

On ne peut contester à la doctrine chrétienne cette qualité, qu’elle est une Doctrine, c’est-à-dire un ensemble construit avec un art profond, dont toutes les parties se soutiennent solidement et dont la structure savante commande l’admiration de quiconque a pris la peine de l’étudier.

 

C’est cette doctrine que Gounod a réussi à résumer dans Rédemption, ou du moins la part la plus essentielle de cette doctrine, celle qui sert de titre à son œuvre.

 

Un prologue et trois parties suffisent à cette tâche.
Le prologue, très court, dit sommairement la création du monde, la création de l’homme et sa chute, pour arriver à la promesse de la Rédemption qui est le sujet de l’ouvrage. Puis viennent les trois grandes divisions : le Calvaire, la Résurrection, la Pentecôte.

 

Le Calvaire se divise en six chapitres : la marche au Calvaire, le Crucifiement, Marie au pied de la croix, les deux Larrons, la Mort de Jésus, le Centurion.

 

La Résurrection comprend successivement un chœur mystique :

Mon Rédempteur! Je sais que vous êtes la Vie!
Je sais que de mes os la poussière endormie,
Au fond de mon sépulcre entendra Votre voix;
Que dans ma propre chair, je verrai Votre gloire,
Quand la mort, absorbée un jour dans sa victoire,
Fuira devant le Roi des Rois.

les Saintes Femmes au Sépulcre, l’apparition de Jésus aux Saintes Femmes, le Sanhédrin, les Saintes Femmes devant les Apôtres, l’Ascension.

 

La Pentecôte début par une peinture du dernier âge de l’humanité, nouvel âge d’or qui, dans la croyance chrétienne, doit précéder la Fin du monde et l’Éternité bienheureuse; puis vient le Cénacle et le miracle de la Pentecôte, et enfin l’Hymne apostolique, magnifique conclusion renfermant sept périodes et résumant la foi catholique.

 

Voilà certes un vaste programme digne d’un poète et d’un musicien. Poète, Gounod n’a pas la prétention de l’être; et cependant son texte est irréprochable, s’appuyant toujours sur l’Écriture, admirablement écrit pour la musique, cela va sans dire; d’une naïveté voulue, mais non cherchée, et qui n’exclut ni la correction ni l’éclat.

 

Quant à l’exécution de la partie musicale, on ne peut en exprimer, avec des mots, une idée claire; mais on peut expliquer en quoi les procédés de Gounod diffèrent de ceux des grands maîtres du passé; car la différence est profonde. Dans l’oratorio tel que nous l’a laissé l’ancienne tradition, des récitatifs plus ou moins dénués d’intérêt racontent le sujet de la “pièce”, de temps en temps, le récit s’interrompt et un air ou un chœur fait une sorte de commentaire sur ce qui précède. Rien de pareil ici. Bien que l’auteur ait donné libre cours à son riche tempérament mélodique, les récits sont dans certains cas la partie la plus attachante de l’œuvre. Ceux qui ont eu la bonne fortune d’entendre M. Faure interpréter Rédemption n’ont pas oublié l’intensité d’expression de plusieurs récitatifs, parfois renfermés dans quelques notes; la mélodie la plus pénétrante n’émeut pas plus profondément.

 

Le morceau le plus étonnant de Rédemption est peut-être la marche au Calvaire; c’est un morceau sans précédent, dont la haute originalité n’a pas été à ce qu’il semble, appréciée à sa valeur. On s’est buté contre la vulgarité calculée de la marche instrumentale, sans voir que le musicien avait reproduit dans cette large peinture un effet fréquent dans les tableaux des primitifs, où soldats et bourreaux exagèrent leur laideur et leur brutalité en contraste avec la beauté mystique des saints et des saintes nimbés d’or et vêtus de pierres précieuses.

 

À cette marche vulgaire – d’une vulgarité toute relative d’ailleurs – succède l’hymne Vexilla Regis prodeunt, “L’étendard du Roi des Rois – Au loin flotte et s’avance”, dont la mélodie liturgique est enguirlandée d’harmonies exquises et de figures contrepointées de l’art le plus savant et la plus délicat. La marche reprend, et pendant qu’elle se déroule, se développe comme un long serpent, le drame parallèlement se déroule et se développe, et le récitant, les Saintes Femmes affligées, le Christ lui-même qui les exhorte et les console, font entendre successivement leurs voix touchantes; puis la marche, arrivée au terme de son évolution, éclate dans toute sa puissance, simultanément avec l’hymne liturgique entonné par le chœur entier à l’unisson; et tout cela se combine sans effort apparent, sans que l’allure du morceau s’arrête un seul instant, avec une fusion complète de ces caractères disparates dans une majestueuse unité, avec une simplicité de moyens qui est un miracle de plus dans ce morceau miraculeux!

 

La simplicité des moyens employés et la grandeur des résultats obtenus, c’est d’ailleurs , avec le charme spécial et pénétrant dont il a le secret, la caractéristique de la manière de Gounod. C’est ce qui lui permet d’obtenir des effets saisissants, parfois, avec un seul accord dissonant comme dans le chœur : O ma vigne, pourquoi me devenir amère?.

 

Ceci n’est pas pour blâmer les génies qui prennent l’art à pleine marins, emploient à profusion toutes ses ressources. Je ne suis pas de ceux qui, admirant Ingres, croient devoir mépriser Delacroix et réciproquement. Prendre les grands artistes tels qu’ils sont, les étudier dans leur tempérament et dans leur nature, me paraît être en critique le seul moyen équitable. Ceci posé, il me sera permis de dire que ma préférence est pour la sobriété des moyens, quand elle n’entraîne pas la pauvreté des résultats; car, en art, le résultat est tout. “Les lois de la morale régissent l’art,” a dit Schumann. Cela est fort joli; mais ce n’est pas vrai. En morale, l’intention peut justifier bien des choses; en art, les meilleures intentions ne sont bonnes qu’à paver l’enfer : l’œuvre est réussie, ou elle est manquée, le reste est de nulle importance.

 

Nous parlons toute à l’heure des primitifs; c’est encore à eux qu’il faudrait se reporter pour trouver une impression de naïveté et de fraîcheur analogue à celle qui fait éprouver l’épisode des Saintes Femmes au Tombeau, couronné par le merveilleux solo de soprano avec chœurs : Tes bontés paternelles. Il y [a] là comme un ressouvenir de Mendelssohn, à qui, pour être juste, il convient de porter la première tentative de transformation de l’oratorio dans le sens moderne. Ce qui appartient en propre à Gounod, c’est le profond sentiment catholique, l’union de la tendresse humaine avec le sentiment sacré. Le mysticisme protestant, si séduisant chez Mendelssohn, si intense chez Sébastien Bach, est tout autre chose.

 

Nous avons dit de quelle beauté resplendit le dernier morceau, qui en sept périodes synthétise la foi chrétienne. Ce que nous ne saurions dire, c’est le rayonnement, la majesté musicale de cette conclusion, la solidité de cette architecture dont la clef de voûte est un chœur se rattachant au type bien connu des Proses que l’on chante aux grandes fêtes du catholicisme. C’est la joie de l’Église triomphante, c’est l’épanouissement du peuple fidèle dans sa foi. Interrompu par des intermèdes d’une pénétrante douceur, le chœur formidable revient toujours avec plus de force, et quand on se croit à bout de lumière, une succession fulgurante d’accords, dont la basse descend quatorze fois d’une tierce pendant que le sommet monte sans cesse, met le comble à l’éblouissement.

 

C’est la fin de l’œuvre.

Dédicace sur la partition piano-chant anglaise.

Après sa création à Birmingham le 30 août 1882, la partition parcourt le Royaume-Uni avec un certain succès et même quelques triomphes. On notera par exemple la reprise le 28 novembre 1883 au Royal Albert Hall de Londres devant 9 000 spectateurs ou encore la grandiose représentation du 1er mai 1886 au Crystal Palace avec pas moins de 400 instrumentistes et 3 000 choristes! En 1892 aussi, La Rédemption remplace Le Messie qui était joué chaque mercredi des Cendres. Mais en dehors de cette carrière britannique, peu de reprises ailleurs et la partition sombra dans l’oubli comme presque toutes les compositions religieuses de Gounod. Au vingtième siècle, La Rédemption sera reprise au moins deux fois en 1949 et en 2000 car en subsistent des enregistrements malheureusement d’assez mauvaise qualité dont nous allons parler par la suite. Si ces captations permettent de se faire une idée de la pièce et de son effet, elles ne sont que des documents qui ne peuvent pas donner sa grandeur à cette immense composition.

Au hasard des pérégrinations sur Internet, j’ai trouvé un enregistrement assez mystérieux de 1949 sans beaucoup d’informations. Quelques noms de chanteurs : Cathelat (a priori Georges Cathelat, ténor), Auzéneau, Lard et Bayonne. Un nom de chef : Chopart (ou Chopard?). Mais aucune information sur le lieu de l’enregistrement ni sur le cadre. Malgré de nombreuses recherches dans les bases de données divers accessibles à un profane, nulle trace n’a été trouvée de ce concert pourtant capté par du matériel professionnel. Alors est-ce un enregistrement non professionnel de l’époque (la qualité en est pourtant assez bonne)? Est-ce un enregistrement d’une obscure radio dont les archives ne sont pas en ligne? De part l’accent du chœur, on pourrait éventuellement penser à une formation anglophone… mais alors pourquoi ne pas avoir chanté la version anglaise de la création? Beaucoup de questions pour cet enregistrement qui reste néanmoins passionnant à écouter. Certes le son est un assez peu gris, l’orchestre un petit peu lointain par moment et le chœur peu mis en valeur… mais il permet d’écouter tout de même la partition dans son ensemble sans aucune coupure et dans un français fort convenable chez les chanteurs qui semblent être habitués à notre langue. Le seul dont j’ai retrouvé trace, Georges Cathelat, a ainsi chanté à l’Opéra de Paris ou à l’Opéra-Comique (le rôle-titre de Pelléas et Mélisande en 1933 par exemple!). Vocalement le rendu est assez typique des enregistrements d’opéra français de cette époque avec des voix assez claires mais qui manquent un peu de lumière (faute à la prise de son?) : le texte est parfaitement compréhensible mais les timbres ne sont pas très beaux. On notera un Jésus très peu agréable dans certains passages mais sans doute dans un but expressif et une soprano solo esquivant le contre-ut à la fin de l’entrevue des Saintes-Femmes devant les Apôtres (Partie II, N°5). Afin de limiter les solistes (et conformément en partie aux dispositions proposées par Gounod), certains rôles solistes sont chantés par le chœur comme dans l’Improperia (Parie I, N°2), mais aussi les trois Saintes Femmes (deux sopranos et un contralto). La direction de notre chef d’orchestre mystère est par contre très belle avec une belle construction des différents plans et une gradation très bien venue des effets et des masses. C’est donc avant tout la qualité de la prise de son qui accuse son âge qui fait que cet enregistrement est difficile à écouter. Pourtant, on rêverait d’en entendre une version restaurée avec délicatesse…

En 2000, un regroupement de chorales et d’orchestres de lycées allemands enregistrent La Rédemption lors de concerts et le CD a été un temps vendu par le chef Berthold Büchele. Bien présenté et d’une captation sonore acceptable, cet enregistrement a deux défauts majeurs : la qualité des solistes et sa traduction en allemand. Si à l’origine trois versions existaient bien (français, anglais et allemand), il est tout de même étrange de ne pas représenter l’ouvrage soit dans la langue dans laquelle le poème a été composé (le français) ou au moins dans la langue dans lequel l’ouvrage a été créé! Et ce n’est pas parce que le livret de présentation nous explique que les deux versions anglaises et françaises ont été perdues qu’il faut le croire. On trouve en effet assez facilement actuellement des partitions piano-chant soit uniquement françaises ou avec les versions anglaise et française sur des sites comme IMSLP ou Galica. Certes ces sites n’existaient pas en 2000… mais le matériel piano-chant devait tout de même exister. Mais à la limite, cette traduction allemande serait moins gênante si le chant était correct. Et là on a vraiment des gros soucis avec des ténors solistes assez difficiles à écouter (en particulier le récitant qui a un grand rôle) mais aussi Jésus (baryton). Par contre, il faut saluer le récitant basse (Matthias Ziegler) ainsi que l’ange de Stefanie Schmid-Deuschle. Chœur et orchestre ne sont pas forcément parfaits mais la prise de son moderne permet de distinguer des détails que l’on n’entendait pas dans la version plus ancienne et malgré les décalages, on y gagne dans ce domaine. Et la direction de Berthold Büchele, même si elle est surtout là pour assurer une certaine cohésion, offre une vision assez neutre de la partition. Pour les couleurs orchestrales beaucoup plus mises en avant et un certain confort d’écoute, cet enregistrement est précieux. La prise de son permet aussi de mieux juger des masses sonores voulues par Gounod. On entend bien que le chœur n’est pas immense et très sonore, mais on entend tout de même des contrastes difficiles à apprécier sur l’autre enregistrement.

Alors que choisir ici… un enregistrement stylistiquement correct et assez bien interprété mais dont la prise de son nous empêche d’écouter tous les détails de cette grande fresque ou un enregistrement beaucoup plus précaire sur l’interprétation mais dont la qualité de prise de son donne plus de relief à la partition… Difficile de choisir. Mon choix se porterait vers l’enregistrement de 1949 car certains solistes de 2000 sont vraiment trop difficiles à écouter et gâchent une partie de la partition. Mais on espère qu’un jour un enregistrement de meilleure qualité sera disponible. Michel Plasson avait enregistré Mors et Vita en 1992 de très belle manière et l’on espère que La Rédemption pourra un jour avoir cet honneur. Certes la partition est différente. Le latin de Mors et Vita ainsi que son texte liturgique donnent à la partition un aspect de grande messe en trois partie. Ici l’on retrouve un texte en français parfois légèrement naïf, avec une vision de l’histoire de la bible un petit peu daté par rapport à la position actuelle de l’église. Plus difficile ici de se détacher peut-être de l’aspect purement religieux alors que la foi de Gounod semble avoir imprégné chacune des mesures. Mais on peut toujours espérer au moins une représentation captée, permettant enfin d’écouter les deux parties du grand diptyque que devaient former La Rédemption et Mors et Vita, grands ouvrages de fin de vie d’un compositeur majeur du XIXe siècle en France.

Étant donné qu’il n’existe aucun enregistrement publié et que celui de 1949 est sans doute libre de droit vu son âge (en cas de souci, merci de me le dire), je vous mets ici l’enregistrement à disposition pour permettre une écoute : LIEN DE TÉLÉCHARGEMENT. Et je suis bien sûr aussi preneur de toutes informations sur cet enregistrement!

  • Charles Gounod (1818-1893), La Rédemption, Oratorio en trois parties et un prologue
  • Georges Cathelat, Auséneau, Lard, Bayonne
  • Chœurs et Orchestre inconnu
  • Chopart, direction
  • Enregistré en 1949

 

  • Charles Gounod (1818-1893), La Rédemption, Oratorio en trois parties et un prologue
  • Récitant ténor, Gerhard Weisgerber ; Récitant basse, Matthias Ziegler ; Jésus, Père Paulus Blum ; Ange, Stefanie Schmid-Deuschle ; Premier larron, Rudi Daumann ; Deuxième larron, Josef Kolg ; 3 femmes, Angelika Volkert (soprano) / Katharina Haberstock (soprano) / Anita Schlusche (alto) ; Quatuor, Stefanie Schmid-Deuschle (soprano) / Anita Schlusche (alto) / Erich Nold (ténor) / Rudi Daumann (basse)
  • Chorale des parents et professeurs (« Chargemeinschaft ») du lycée d’Isny
  • Chorale des élèves du lycée d’Isny (corrépétition : Roland Klein)
  • Chorale des élèves du lycée « Rupert-Ness » de Wangen
  • Chorales des parents et professeurs du lycée de Wangen
  • Orchestre avec des élèves, parents et professeurs des lycées de Wangen, Isny, Leutkirch et Tettnang
  • Berthold Büchele, direction
  • Enregistré les 18 et 19 mars 2000 à Wangen et à Isny.

2 commentaires sur “La Rédemption, premier grand oratorio de Gounod laissé dans l’oubli.

  1. Dear Sir, forgive me for writing in English. I am also interested in this almost-unknown work. A few excerpts are still heard, especially « Lovely appear » from the start of Part III (there are a number of versions on YouTube.) You may be interested to know that even into the 20th C. there were performances in the most unlikely places. The one I happen to know about took place in Beijing at Easter (April) 1936, at the Church of St. Michel in the Legation Quarter. A volunteer choir sang a ‘Concert spirituel’ under the direction of Eugene-Gustave Castel CM (1885-1959), with a chamber orchestra conducted by Joseph Stanislav Oorop (1896-1992), and organist Therese Amouroux (dates unknown). I mention this in my book, « Keys to the Kingdom: A History of the Pipe Organ in China » (2017). I hope this is of use to you. I would also be very interested to know if there is an organ score (partition d’orgue), as the ancient Novello vocal score is for piano and very difficult to adapt to the organ. Kind regards.

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