Tugan Sokhiev et le Bolchoï : Rimsky-Korsakov, Rachmaninov et Borodine à Paris

Déjà de passage l’année dernière pour une splendide Pucelle d’Orléans de Tchaikovsky à la Philharmonie, le Bolchoï et Tugan Sokhiev nous reviennent cette année pour deux concerts : un opéra et un concert symphonique sur le thème du printemps. Loin de proposer des ouvrages connus, le chef à choisi la très rare Pskovitaine de Nikolaï Rimsky-Korsakov. Remonter cet ouvrage sans mise en scène n’est peut-être pas le plus simple pour passionner les foules. Aussi, l’idée de la Philharmonie de Paris de le nommer Ivan le Terrible peut se comprendre, d’autant plus que c’est sous ce nom que l’opéra fut créé en France. Mais la confusion avec la partition de Sergeï Prokofiev est aussi sûrement voulue, de même que la mise en avant de cette figure assez mythique dans l’histoire russe. Le lendemain, toujours de la musique russe bien sûr, mais du Rachmaninov et du Borodine. Là encore, le chef ne cherche pas à faire dans le connu avec une cantate sur la venue du Printemps et une symphonie de Rachmaninov… le seul exemple d’ouvrage connu seront les Danses Povlovtsiennes extraites du Prince Igor mais dans la version avec chÅ“ur tout de même, ce qui est déjà un peu moins courant ! Continuer…

Prise de rôle pour Nicolas Courjal : Incarnation du diable dans le Faust de Gounod

En 2017, l’Opéra d’Avignon créait la production de Faust de Nadine Duffaut qui est ici reprise à l’Opéra de Marseille. La mise en scène ainsi que la distribution avaient participé à passer un excellent moment, rendant hommage à la partition de Charles Gounod. Lui qui était si malmené et auquel l’Opéra National de Paris n’a pas daigné rendre hommage avait ici un moment de gloire vu les moyens qui avaient été mis en Å“uvre. Avec une distribution de très haut niveau, la partition était parfaitement défendue : Nathalie Manfrino en vibrante Marguerite, Jérôme Varnier en glaçant Méphistophélès et Florian Laconi qui nous donnait un assez beau Faust. Et puis il fallait saluer le travail d’Alain Guingal qui offrait la partition dans son intégralité, ou du moins ce que l’on considère actuellement comme sa forme complète. La reprise avec une distribution entièrement renouvelée à Marseille entraînait une grande curiosité en même temps que des craintes : on le sait, les reprises de productions sont souvent l’occasion d’effectuer des petites coupures (voir même des grosses!) et il fallait aussi se heurter au souvenir de la création. Et puis il faut aussi prendre en compte le Faust original proposé par Christophe Rousset et le Palazetto Bru Zane! Que de références pour cette reprise ! Continuer…

Un Berlioz à se damner à la Philharmonie

En cette année Berlioz, les Damnation de Faust se succèdent et l’on peut pressentir toujours des belles réussites ! Il y a quelques mois François-Xavier Roth proposait une version sur instruments d’époques avec Mathias Vidal, Anna Caterina Antonacci et Nicolas Courjal. En voici une avec les forces de Radio-France qui devaient être placées sous la direction d’Emmanuel Krivin avec John Osborn, Kate Lindsey et Nahuel di Pierro… et au mois d’avril John Nelson donnera l’ouvrage avec Michael Spyres, Joyce DiDonato et encore Nicolas Courjal. La première et la dernière doivent donner naissance à une parution discographique. Les deux donc étrangement avec Nicolas Courjal… mais à l’écoute de ce concert finalement donné sous la direction de Charles Dutoit, on en vient à se demander si il ne devrait pas y avoir trois intégrales discographiques tant le niveau est aussi impressionnant que celui de Roth… et que celui que devrait donner Nelson si on se fie à la grande réussite de ses Troyens. Mais pour se consoler, le concert a été diffusé sur France-Musique et est en ré-écoute ! Continuer…

La Rusalka historique de Robert Carsen

En 2002, l’Opéra National de Paris terminait sa saison par un coup de maître : une nouvelle production de Rusalka (son entrée au répertoire même pour l’Opéra de Paris !) avec dans le rôle-titre Renée Fleming, grande interprète du rôle qu’elle aura défendu tout au long de sa carrière. La mise en scène de Robert Carsen donnait à voir un spectacle aussi beau que l’orchestration de Dvořák. Malgré les années et les reprises, cette production possède toujours autant de qualité. Elle fait partie de celles qui ne vieillissent pas, qui peuvent être interprétées par divers profils de chanteurs sans qu’une partie de la beauté ne tombe à l’eau. Pour les précédentes séries, il y avait toujours la grande Larissa Diadkova en Ježibaba pour faire figure de gardienne de la tradition. Mais cette reprise renouvelait totalement la distribution et même ne proposait aucun interprète slave dans les rôles principaux. Était-ce la reprise de trop ? En aucun cas tant le résultat est superbe ! Continuer…

Demi-Troyens à l’Opéra Bastille

2019 est l’année Berlioz… Cela fait en effet 150 ans que le compositeur français est mort… Et bien sûr, l’Opéra de Paris ne pouvait pas laisser passer l’occasion de mettre à l’honneur un musicien français. C’est donc sur quatre saisons que nous avons vu les quatre ouvrages lyriques : La Damnation de Faust en décembre 2015, Béatrice et Bénédict en mars 2017, Benvenuto Cellini en mars 2018 et enfin Les Troyens en janvier 2019… Beau programme, qui montre que l’institution sait mettre à l’honneur les grands noms français… quand cela lui plait ! Car on se souviendra d’une année Massenet sinistre (une production bien peu intéressante de Manon) en 2012, rien du tout pour Gounod en 2018… mais sans doute le grand Hector Berlioz est-il plus digne de figurer au patrimoine de la maison, alors qu’il n’a pas joué un grand rôle sur la première scène lyrique : de ces trois ouvrages, seul Benvenuto Cellini aura été créé sur cette scène. Mais ne boudons pas notre plaisir, une nouvelle production des Troyens est toujours un évènement majeur ! Continuer…

Hamlet de Thomas enfin de retour à Paris!

L’année dernière à la même période, Louis Langrée nous avait enchanté avec un Comte Ory de tout premier ordre. Bien sûr, il n’était pas seul car tout était rassemblé pour passer un moment mémorable : distribution parfaite, mise en scène intelligente, partition très bien écrite… En 2018, le défi était plus grand. Car si monter un opéra de Rossini reste toujours bien vu, monter une partition de Thomas peut être moins bien reçu par un certain publique. Mais le chef continue ainsi sa série d’opéras français en décembre. Comme l’année dernière, la distribution aligne des noms a priori assez parfaits et l’on sait que l’on pourra bénéficier de l’Orchestre des Champs-Élysées dans la fosse. Reste la question de la mise en scène… mais il est rare que l’Opéra-Comique se trompe de ce point de vue. Cet Hamlet voyait donc le retour au rôle titre pour Stéphane Degout, les habitués Sylvie Brunet-Grupposo et Jérôme Varnier respectivement en Gertrude et le Spectre… et la prise de rôle de Sabine Devieilhe pour Ophélie. De bien belles soirées en perspective ! Continuer…

La magie de Patrizia Ciofi

En temps normal, le rôle de Maria Stuarda est chanté par une soprano plus claire que sa rivale Elisabeth. Mais depuis quelques années, Joyce DiDonato chante la reine déchue régulièrement et du coup on se retrouve avec une sorte d’inversion dans les timbres. Face à Carmen Giannattasio, le confrontation semblait impressionnante. Mais l’annulation de la mezzo-soprano américaine a changé la donne, puisque c’est finalement Patrizia Ciofi qui chante le rôle sur la scène du Theâtre des Champs-Élysées. Nous sommes donc passé d’un mezzo-soprano claire mais puissant à une soprano assez légère qui est plus connue pour ses demi-teintes que pour sa puissance vocale. Déjà impressionnante dans Maria Stuarda à Avignon il y a quelques années, c’était un vrai plaisir de la retrouver, mais aussi une petite question… les années ont passé et si l’art de la chanteuse est sûrement toujours aussi beau, on pouvait craindre une petite érosion des moyens. Mais malgré tout, avec Patrizia Ciofi nous sommes certains d’être touchés et émus par son interprétation. Et puis nous avons aussi la présence d’une habituée du rôle d’Elisabeth et un ténor qui possède toujours une forte présence. Continuer…

Un autre grand Rossini à Marseille : une Donna del Lago splendide!

En fin de saison 2009/2010, l’Opéra National de Paris donnait une nouvelle production de La Donna del Lago au palais Garnier, offrant au public l’occasion de découvrir une partition majeure de Rossini dans deux distributions de haute volée… Dans un premier temps, Joyce DiDonato et Juan Diego Florez partageaient la tête d’affiche avec Daniela Barcelona et Colin Lee… puis les deux rôles principaux étaient remplacés par Karine Deshayes et Javier Camarena. Dans tous les cas, le spectacle musical était au rendez-vous, que ce soit pour les grandes stars ou les jeunes voix en promesse… Voici qu’en 2018, l’Opéra de Marseille redonne l’ouvrage… et l’on retrouve justement Karine Deshayes dans le rôle principal pour quatre représentations en version de concert. Autour d’elle, de jeunes chanteurs qui ont déjà fait leur preuves dans ce répertoire : Varduhi Abrahamyan qui chanta Arsace dans Semiramide ici même il y a quelques saisons, Edgardo Rocha qui a été adoubé par Cecilia Bartoli dans des rôles de Rodrigo et Iago dans Otello et bien sûr Enea Scala dans le spectaculaire Ermione qui réunissait Michael Spyres, Dmitry Korchak et Angela Meade sous la direction d’Alberto Zedda. Une superbe distribution donc pour ce concert de Marseille ! Continuer…

Encore une trouvaille chez Saint-Saëns : Ascanio

Si Camille Saint-Saëns est principalement connu comme compositeur d’opéra pour Samson et Dalila, il ne faudrait pas que ce grand succès cache les douze autres ouvrages. Surtout que la structure et le format de ce triomphe lorgne entre opéra et oratorio. Mais si on a vraiment l’impression de l’omniprésence de Samson, l’on se rend compte en regardant la liste que finalement… il n’y a bien que cinq opéras qui sont encore inédits au disque ! Les cinq datent plutôt de la fin de la carrière (mise à par Étienne Marcel de 1879) de Camille Saint-Saëns… mais les titres font rêver : Phryné (1893), Frédégonde (1895, fin de la composition suite à la mort de son auteur Ernest Guiraud), L’Ancêtre (1906) et enfin Déjanire (1911). Mais aujourd’hui, c’est un ouvrage juste antérieur à ces quatre là puisque nous avons enfin la possibilité d’écouter Ascanio qui fut créé en 1890. L’histoire de la création est assez trouble puisque Saint-Saëns devra subir non seulement des coupures… mais aussi la transposition d’un des rôles principaux du fait de l’absence d’une alto à l’Opéra de Paris. Et le pire est qu’il n’a appris ces changements qu’après la création étant donné qu’il était absent de Paris pour cause de maladie. Mais Guillaume Tourniaire (à qui nous devons déjà Hélène et un disque d’extraits orchestraux des Barbares, de Henry VIII, d’Étienne Marcel et justement d’Ascanio) a effectué un immense travail pour restituer la partition dans son état original afin que le public d’aujourd’hui puisse entendre l’opéra comme Camille Saint-Saëns l’avait rêvé… sans jamais pouvoir l’entendre lui-même malgré les quelques reprises. Grande passion pour un ouvrage passionnant ! Continuer…

Enfin le grand retour des Huguenots à l’Opéra de Paris!

Voilà quatre-vingt-deux ans que Les Huguenots n’avait pas été monté sur les planches de l’Opéra de Paris… et trente-trois ans avant qu’une Å“uvre de Giacomo Meyerbeer ne retrouve le faste de cette même scène, après le mythique Robert le Diable de 1985 où triomphait Samuel Ramey. Pourtant, le compositeur était célébré durant tout le XIXème siècle et il n’y a qu’à noter que cette représentation des Huguenots est la 1121ème depuis sa création dans cette maison… nous avions donc sur les cents premières années une moyenne de onze représentations par ans de l’ouvrage ! Sachant qu’au fil du siècle, Meyerbeer a été peu à peu remplacé par Verdi et Wagner. Cette partition était donc l’un des plus grands succès de la scène parisienne. Mais les goûts ont changé, le compositeur a été repoussé parfois pour des raisons peu avouables… et la médisance est venue s’installer sur ce qui n’était soit disant que de la musique de spectacle, sans inspiration ni génie. La province continuera à l’entendre mais de moins en moins souvent. Puis voici que depuis le début des années 2010, Meyerbeer semble revenir sur le devant de la scène avec entre autre la fameuse production des Huguenots à Bruxelles par Olivier Py et Marc Minkowski en 2011, reprise l’année suivante à Strasbourg. Depuis, l’Allemagne se montre très attachée à son enfant et donne Dinorah, Le Prophète, Les Huguenots… et même Vasco de Gama, version princeps de L’Africaine. Enfin, l’Opéra de Paris se montre digne de son histoire et replonge dans son arbre généalogique. Continuer…