Roméo et Juliette : Dernier grand succès de Charles Gounod à l’opéra

En avril 1865, Gounod commence la composition d’un nouvel opéra : Roméo et Juliette. Déjà en 1841 il avait composé un envoi obligatoire sur ce sujet depuis la Villa Médicis suite à son Prix de Rome. Presque vingt-cinq ans plus tard, voici que le rêve va devenir réalité. Rêve à plus d’un titre puisque non seulement il peut enfin se lancer dans ce projet, mais celui-ci sera couronné de succès. Ce sera d’ailleurs le dernier grand succès du compositeur, ses trois derniers opéras ne rencontrant au mieux qu’un succès d’estime et sombrant dans les oubliettes (même si on dispose d’enregistrements qui feront l’objet d’articles suivants!). Après Faust en 1859 et dans une moindre mesure Mireille en 1864, voici sans doute le troisième opéra de Charles Gounod qui lui survécu pendant de nombreuses années. Il faut dire que le sujet est assez vendeur… et le compositeur y a mis toute sa science pour nous offrir bien plus que quatre duos d’amours comme certains aiment à caricaturer cet opéra. Comme pour ses illustres devanciers, l’opéra a été remanié de nombreuses fois et il sera difficile de dire ce qui est de la coupure ou de l’emprunt à une édition particulière dans la suite de l’article. Mais en se référant à deux partitions et à deux enregistrements assez complets, on peut juger tout de même du travail éditorial réalisé lors des différents enregistrements studio. Continuer…

Mireille de Gounod : Difficile carrière d’une provençale à Paris.

Après le relatif échec de La Reine de Saba en début d’année 1862, Gounod se tourne vers un sujet qui n’est pas du tout comparable, mais qui ne risque pas de s’attirer les bonnes grâces du public. Il découvre en effet durant l’hiver 1862-1863 le poème Mirèio de Frédéric Mistral et lui demande immédiatement s’ il peut en tirer un opéra. La réponse sera positive et Gounod ira s’installer à Saint-Rémy-de-Provence pour s’imprégner de la Provence et être juste à côté du père de Mireille avec qui il échange très régulièrement durant des longues promenades dans divers lieux. Si pour Sapho quelques petits moments musicaux pouvaient faire penser à la méditerranée, ici il va noter des mélodies entendues, des impressions sur les lieux… tout cela pour essayer de les transcrire dans sa musique, non pas seulement “faire” couleur local mais bien mettre des touches mélodiques et des rythmes qui nous plongent dans cette histoire tragique. On peut bien se douter que le parisien qui avait lu le poème et celui qui devait aller découvrir l’opéra de Gounod n’étaient pas les mêmes et surtout n’avaient pas les mêmes attentes. Alors que triomphait à Paris La Belle Hélène d’Offenbach, que Paris était le centre du monde… Proposer une intrigue si éloignée et de plus tragique n’était pas une garantie de succès. Et en effet, le succès ne fut pas au rendez-vous. Continuer…

Premier Grand-Opéra pour Gounod avec La Reine de Saba et échec cuisant.

Durant l’automne 1860, encore tout auréolé de ses récents succès, Charles Gounod se plonge dans une nouvelle composition : La Reine de Saba. Basé sur un extrait de la traduction par Gérard de Nerval des 1001 Nuits, le sujet semblait parfaitement calibré pour l’Opéra de Paris. Pourtant à l’origine il devait être créé au Théâtre Lyrique. Mais ce sera finalement à l’Opéra de Paris le 28 février 1862 que l’œuvre prit vie… malheureusement seulement pour quinze représentations. Depuis, cet opéra a vu quelques retours sur scènes (très rares) et surtout reste parmi les partitions du compositeur les moins appréciées dans la littérature qui lui est consacrée. La version de concert de Marseille en 2019 avait donné lieu à un article ici-même où un historique de la création avait été fait. Il ne sera donc pas nécessaire de refaire le même travail. Grâce à une analyse très fouillée de Gérard Condé dans son livre consacré à Charles Gounod, on mettra en avant les fameux motifs récurrents de la partition et surtout il faut reparler de la beauté de cette partition certes inégale mais foisonnante et fascinante. Et le but principal de cet article : un retour et une comparaison des trois versions officiellement disponibles de cet opéra. Continuer…

Onze ans après, retour des Huguenots sur la scène de la Monnaie de Bruxelles

Enfin une reprise de ce magnifique travail réalisé par La Monnaie. En 2011, cette production des Huguenots d’Olivier Py marquait les esprits de part sa réalisation scénique, mais aussi pour l’état de la partition où étaient rétablis de nombreux petits points musicaux, offrant tout de même des découvertes et une plus grande cohérence… et bien sûr la qualité musicale! Marc Minkowski dirigeait l’Orchestre Symphonique de la Monnaie avec la passion qu’on lui connaît pour cette musique et avait rassemblé non pas une mais deux grandes distributions qui alternaient et montraient des portraits vocaux différents pour les rôles principaux. En 2012, la production était reprise à Strasbourg avec une distribution presque entièrement renouvelée et Daniele Callegari à la baguette (malheureusement les deux dates à Mulhouse avaient été annulées au dernier moment). Il restait bien sûr les souvenirs des spectateurs mais aussi un enregistrement radio (la première diffusion avait coupé une partie du ballet du troisième acte avant qu’une seconde diffusion ne vienne rétablir la partition dans son intégralité!). Longtemps la Monnaie a prévu de reprendre ce spectacle, mais les travaux de la salle puis la pandémie ont sans doute retardé cette reprise. Mais onze ans après, la voici toujours aussi magnifique avec une distribution entièrement renouvelée pour l’occasion, un autre chef… mais toujours la partition fascinante de Giacomo Meyerbeer. Continuer…

Retour sur scène d’Oya Kephale avec un superbe Barbe-Bleue d’Offenbach bien sûr!

Pour tout amateur d’Offenbach qui se respecte, le nom de l’ensemble Oya Kephale n’est pas un mystère. Il est directement extrait de La Belle Hélène et du couplet d’Oreste. On comprend donc juste à la lecture du nom de l’association que l’on a affaire à des affamés d’Offenbach. Malheureusement, si en 2019 ils avaient pu donner une superbe Périchole, les deux années dernières les ont empêché de donner leur Offenbach annuel (La Vie Parisienne). Heureusement, ils avaient réussi en décembre 2019 à proposer leur concert de fin d’année et de même en 2021, entièrement consacré à Camille Saint-Saëns. Mais les voici de retour pour Offenbach, et ce n’est pas le plus connu de tous : Barbe-Bleue. Cet opéra bouffe est créé en février 1866, coincé entre La Belle Hélène (décembre 1864) et La Vie Parisienne (octobre 1866). Bien sûr il y a quelques autres pièces entre elles, mais on voit que l’on est dans une grande période créatrice d’Offenbach et Barbe-Bleue n’a pas eu la même carrière que ses voisins. Mais quel plaisir de retrouver tous ces talents toujours aussi motivés pour s’amuser et amuser le public! Continuer…

La Colombe, un petit Gounod à ré-évaluer!

Édouard Bénazet avait commandé pour la saison estivale de Baden-Baden un opéra à Charles Gounod. Ce devait être Philémon et Baucis mais comme indiqué dans l’article précédent, ce ne fut pas le cas pour plusieurs raisons. Mais l’année suivante, un autre opéra est commandé à Gounod et ce sera La Colombe, opéra adapté lui aussi d’un écrit de Jean de la Fontaine : le conte Le Faucon. Ainsi, La Colombe est créée avec grand succès lors des quatre représentations de août 1860 au Théâtre de la Conservation à Bade (ancien nom de Baden-Baden). Le livret est écrit par le duo habituel Barbier et Carré mais ce qui est plutôt inhabituel, c’est la rapidité de composition de Gounod. Il ne lui faudra que deux semaines pour arriver au bout de l’ouvrage. Et de ses dires, il composa entre deux portes, sur une table de chambre d’hôtel ou dans un train. On reste ici dans les opéras-comiques de petite dimension et la finesse d’écriture est assez surprenante pour de telles conditions! Bade lui fera un triomphe pour quatre représentations en 1860 alors que malgré un bon accueil Paris ne verra cette Colombe que pour une seule représentation en 1866. Continuer…

Cendrillon de Massenet entre enfin au répertoire de l’Opéra national de Paris!

Encore Massenet! Eh oui, on pourrait croire que l’on fête enfin le centenaire de la mort de Jules Massenet avec dix ans de retard. Surtout pour l’Opéra National de Paris! N’oublions pas qu’il avait osé proposer en 2012 la si rare Manon! En même temps, pour le bicentenaire de la naissance de Charles Gounod, il proposera au public… aucune œuvre du compositeur. Mais voici donc enfin l’entrée au répertoire de la Cendrillon de Jules Massenet. L’ouvrage a connu un retour en grâce par deux productions : celle de Benjamin Lazare (créée à l’Opéra-Comique en 2011 et qui voyagera à Luxembourg) puis celle de Laurent Pelly (créée à Londres en 2011 elle aussi et qui voyagera à Bruxelle, New-York et Chicago). Le captation vidéo de cette dernière production avec rien de moins que Joyce DiDonato dans le rôle titre et Ewa Podles dans le rôle de la marâtre a sans doute aidé à la diffusion de l’œuvre. On regrettera juste que la splendide mise en scène et la grande qualité musicale de celle de Benjamin Lazare et Marc Minkowski n’ait que trop peu été reprise et surtout n’ait pas été filmée. Mais cette nouvelle mise en scène de Mariame Clément sera préservée puisqu’elle a été diffusée début avril sur Culturebox. On pourra juste se demander si la grande salle de Bastille était le cadre parfait pour une telle œuvre. Continuer…

Jaho, Tézier et Pati : un trio magnifique pour une grande Thaïs au Théâtre des Champs-Élysées.

Soirée de gala ou presque en ce samedi soir au Théâtre des Champs-Élysées. Voilà qu’enfin nous retrouvons un Massenet rare à l’affiche. Certes Cendrillon est donné actuellement à l’Opéra National de Paris… mais depuis combien de temps n’avions-nous pas eu le plaisir d’entendre Thaïs? Il y eut les extraits magnifiques donnés par les forces de Saint-Étienne en 2012 à l’Opéra-Comique avec la sublime Nathalie Manfrino… et auparavant sans doute faut-il aller vers la version de concert qui réunissait l’immense Renée Fleming et Gerald Finley en 2007 au Théâtre du Châtelet. Alors certes nous avons des Werther et Manon régulièrement. Mais pourquoi se limiter à ces deux seuls titres quand le talent de Jules Massenet a donné naissance à tant de magnifiques opéras dans des styles si variés. L’année prochaine sera festive puisque le Théâtre des Champs-Élysées propose non seulement Hérodiade mais aussi Grisélidis (en partenariat avec le Festival de Montpellier a priori) ! Deux raretés en une même saison d’une scène parisienne. Et on murmure qu’Ariane serait enfin enregistrée à Munich après le triste abandon de Bacchus à Montpellier les années précédentes. Mais ce soir nous avions Thaïs, porté par une distribution d’où brillent trois noms : Ermonela Jaho, Ludovic Tézier et Pene Pati! Continuer…

Atys dansé à l’Opéra Royal de Versailles.

Dans l’imaginaire de lullyste convaincus, Atys est forcément lié à William Christie musicalement et à Jean-Marie Villégier visuellement. Le spectacle de ce dernier aura figé dans les mémoires une grande cérémonie funèbre contemporaine de Louis XIV, toute baignée dans les teintes allant du blanc au noir en passant par le gris, le bleu, le bleu marine et l’argent bien sûr. Le spectacle a été repris en 2011 à l’Opéra-Comique et une captation en témoigne pour que s’ancre encore plus cette vision dans les esprits. Mais voici qu’une nouvelle production vient maintenant à Versailles (où avait été donnée la production des Arts Florissants en 2011 aussi!) qui offre une approche visuelle totalement différente, sans les grands noms des spécialistes du baroque français. Les deux grands artistes que sont Leonardo Garcí Alarcón et Angelin Preljocaj allaient ainsi nous transporter dans un monde différent, sachant s’extraire de ce modèle maintenant devenu mythique pour offrir une autre vision de cette grandiose tragédie en musique. Continuer…

Philémon et Baucis, délicate fable lyrique mais au succès mesuré pour Gounod.

Après les succès de Faust et du Médecin Malgré Lui, le directeur du Théâtre-Lyrique souhaitait continuer à miser sur le compositeur français populaire qu’était devenu Charles Gounod. Léon Carvalho lui demande donc un nouvel opéra. Mais voilà, en 1859 notre compositeur est déjà occupé à répondre à une commande pour le théâtre du Casino de Bade : Philémon et Baucis (adapté d’une fable de La Fontaine) devait y être créé avec dans le rôle titre Caroline Miolan-Carvalho, la propre femme du directeur du théâtre parisien. Après un arrangement, le projet est donc récupéré par le Théâtre-Lyrique et Gounod composera pour Bade La Colombe en dédommagement. Bien sûr il fallait pour ce faire adapter la pièce en l’agrémentant d’un acte central avec chœur comme il sera créé en 1860, avant de retrouver la scène en 1876 dans sa version en deux originelle. Malheureusement pour Léon Carvalho, le succès attendu ne sera pas au rendez-vous et l’ouvrage ne restera que pour treize représentations sur scène lors de la création. Continuer…