Encore Massenet! Eh oui, on pourrait croire que l’on fête enfin le centenaire de la mort de Jules Massenet avec dix ans de retard. Surtout pour l’Opéra National de Paris! N’oublions pas qu’il avait osé proposer en 2012 la si rare Manon! En même temps, pour le bicentenaire de la naissance de Charles Gounod, il proposera au public… aucune œuvre du compositeur. Mais voici donc enfin l’entrée au répertoire de la Cendrillon de Jules Massenet. L’ouvrage a connu un retour en grâce par deux productions : celle de Benjamin Lazare (créée à l’Opéra-Comique en 2011 et qui voyagera à Luxembourg) puis celle de Laurent Pelly (créée à Londres en 2011 elle aussi et qui voyagera à Bruxelle, New-York et Chicago). Le captation vidéo de cette dernière production avec rien de moins que Joyce DiDonato dans le rôle titre et Ewa Podles dans le rôle de la marâtre a sans doute aidé à la diffusion de l’œuvre. On regrettera juste que la splendide mise en scène et la grande qualité musicale de celle de Benjamin Lazare et Marc Minkowski n’ait que trop peu été reprise et surtout n’ait pas été filmée. Mais cette nouvelle mise en scène de Mariame Clément sera préservée puisqu’elle a été diffusée début avril sur Culturebox. On pourra juste se demander si la grande salle de Bastille était le cadre parfait pour une telle œuvre.
Il est toujours saisissant de voir la différence d’une partition à l’autre chez Jules Massenet. Ainsi, Cendrillon est composée en 1894 juste après La Navarraise et alors que sera créé Sapho. Nous avons donc un conte de fées qui côtoie des prémisses du vérisme et du naturalisme chez les compositeurs français. Mais comme toujours Massenet trouve parfaitement le ton juste. Pour cet ouvrage il va puiser dans quelques petits archaïsmes dans les danses pour suggérer ce royaume sans âge. Mais surtout il nous offre des couleurs et des tableaux très différenciés. Tout comme nous avions une rupture entre les scènes des Cénobites et celles de Thaïs dans l’opéra du même nom il y a peu , nous avons ici des scènes comiques très entrainantes qui côtoient des moments de magie qu’ils soient du fait de la Fée ou de l’amour pur que se vouent les deux jeunes gens. Quoi de plus dissemblable que les entrées des princesses dans le deuxième acte et la scène de l’Arbre des Fées? D’un côté des couleurs un peu bariolées, des rythmes très marqués, une sorte de caricature des grandes représentations royales. Et de l’autre une musique toute délicate, sobre où s’élèvent deux voix proches qui se joignent et se répondent. À l’origine, une préface devait être donnée mais elle fut coupée avant la première représentation pour ne pas dévoiler l’histoire au public. Le livret en est trouvable mais il n’y a nulle trace de la musique disponible :
PANDOLFE (au public parlé)
Salut, dames, messieurs et gentes demoiselles !
Pour échapper au noir des choses trop réelles,
laissez nous vous bercer de récits merveilleux.
Oubliez, pour un temps, les chagrins, les querelles,
redevenez enfants, croyez au fabuleux,
plaignez bien Cendrillon, aimez la bonne fée,
redoutez les lutins de la lande sacrée,
et soyez indulgents; on jouera de son mieux
pour vous faire envoler par les beaux pays bleus !
CENDRILLON (simple et calme chanté)
Je suis la petite Lucette;
mais personne, jamais, ne me donne ce nom;
car sous ces habits de pauvrette
on m’appelle toujours Cendrille ou Cendrillon.
LA FÉE
Je suis la bonne fée et, de plus, sa marraine.
Qu’elle vient supplier quand elle a trop de peine.
Vous me verrez, vers les minuits
consoler son infortune
et lui donner de beaux habits
tissés dans un rayon de lune !
LE PRINCE CHARMANT (avec mélancolie et charme)
A mon tour de me présenter :
c’est prince charmant qu’on me nomme.
Et c’est moi qui vais vous prouver
que devant l’angoisse d’aimer,
un roi tout puissant n’est qu’un homme.
PANDOLFE
Je suis père de Cendrillon
veuf… et remarié dans l’arrière saison,
funeste déraison !
Avec une comtesse, hélas ! insupportable
qui m’apportait en dot… oh ! c’est épouvantable !
deux belles filles, deux !!! d’humeur très redoutable.
A les chérir, je suis condamné par la loi !
Plaignez-moi ! plaignez-moi ! plaignez-moi !
MADAME DE LA HALTIÈRE (avec une majesté comique)
C’est moi sa compagne irascible.
NOÉMIE
C’est nous qu’on vient de désigner.
DOROTHÉE
C’est nous qu’on vient de désigner.
(comme en confidence au public)
N’auriez vous pas, par impossible,
deux bons maris à nous donner ?
MADAME DE LA HALTIÈRE (de même)
Deux bons maris à leur donner ?
LE ROI
Je suis le roi, personnage incolore.
LE DOYEN
Nous sommes les docteurs,
et nous avons l’honneur
LES DOCTEURS
d’être vos serviteurs.
LE SURINTENDANT (d’une façon impassible)
Nous sommes les seigneurs
et nous chantons les chœurs.
LES SEIGNEURS (d’une façon impassible)
Nous sommes les seigneurs
et nous chantons les chœurs.
LE PREMIER MINISTRE (d’un air épuisé et indifférent)
Vous avez devant vous des ministres …
QUELQUES MINISTRES (insistant)
…intègres.
LA FÉE
Les esprits de la nuit,
les esprits de l’aurore;
ceux-là sont les gardiens du vieux chêne sacré.
UN NÈGRE
Et nous sommes les nègres.
PANDOLFE (au public avec empressement)
Il faut que le public soit toujours éclairé.
(avec autorité)
Commençons !
Et chacun agira de son mieux.
CENDRILLON, LE PRINCE CHARMANT, NOÉMIE, DOROTHÉE, MADAME DE LA HALTIÈRE, PANDOLFE, LE ROI, LE DOYEN, LE SURINTENDANT
Et chacun agira de son mieux.
LE PREMIER MINISTRE
Et chacun agira de son mieux
pour vous faire envoler par les beaux pays bleus !
Il est dommage finalement ne pas donner ce passage qui présentait les thèmes musicaux de chaque personnage et répondait aussi au chœur final qui lui aussi sort de l’histoire pour parler directement au public :
TOUS (au public, en saluant ou en faisant la belle révérence)
La pièce est terminée. On a fait de son mieux
Pour vous faire envoler par les beaux pays bleus.
Si la partition est rarement donnée, elle a tout de même survécu par certains airs de Cendrillon entre autres enregistrés ces dernières années par des mezzo-soprano clairs comme Magdalena Kožená et Joyce DiDonato. Et il est d’ailleurs étonnant de voir que le rôle principal a été capté rapidement par des mezzo-soprano alors que la créatrice de ce rôle (Julia Guiraudon, qui épousera par la suite le librettiste de cette Cendrillon Henri Cain) semble être un soprano lyrique à la vue de quelques rôles qu’elle chanta comme Mimi dans La Bohème (qu’elle créée en France l’année précédent Cendrillon) ou Mehanu dans L’Île du Rêve de Reynaldo Hahn. Pourtant le disque retient Frederica Von Stade, et le DVD retient Joyce DiDonato. Quelques retours à l’originale avec Anne-Catherine Gillet en 2012 à Luxembourg et Daniele de Niese à Glyndebourne en 2019. Pour le Prince, il y a encore plus de différence. Créé par Marie-Louise van Émelen (dont on ne sait pas grand chose), le rôle était destiné à un falcon ou un “soprano de sentiment ayant le physique du costume”! C’est donc un rôle travesti comme il y en a beaucoup dans l’opéra français de l’époque. Ces rôles sont en général donnés maintenant à de jeunes mezzo-sopranos alors qu’ils étaient attribués plutôt à des sopranos dans les années cinquante. Mais une autre tradition a vu le jour : étant donné que le rôle est masculin, il faut le faire chanter par un homme, et donc un ténor. Certes cela s’est vu pour Siebel dans Faust mais c’était alors accepté du vivant de Gounod par le compositeur. Ici on ne sait d’où vient cette tradition car Massenet voulait expressément une femme pour ce rôle. Cette habitude fut pérennisée par le seul enregistrement studio de l’ouvrage en 1979 dirigé par Julius Rudel. Même de nos jours, il arrive que Le Prince Charmant soit chanté par un ténor, comme Frédéric Antoun dans une reprise de la production de Pelly à 2011 dans une distribution alternative à celle où se produisait Anne-Catherine Gillet. Nulle doute qu’il devait superbement chanter le rôle, mais quelle tristesse de perdre les superbes fusions des timbres lors des duos entre les deux amants! Les rôles de parents reposent avant tout sur la personnalité des personnages, les tessitures étant plutôt larges sur la description de la partition. Lucien Fugère (il chante de 1877 à 1929 à l’Opéra-Comique!) était connu pour ses personnages plein d’humanité et d’humour alors que Blanche Deschamps-Jéhin était une grande voix lui permettant de chanter aussi bien Fidès du Prophète et Erda que Margared dans le Roi d’Ys et Ortrud. Créatrice du rôle d’Hérodiade en 1881, elle était aussi à l’aise dans les grands emplois dramatiques que dans des rôles plus légers. Enfin, reste le cas de la Fée. Le rôle est extrêmement exposé avec des vocalises stratosphériques, demandant une pureté d’émission qui doit vraiment nous montrer toute la féérie du personnage. Georgette Bréjean-Silver était une grande habituée de Jules Massenet puisqu’elle chanta Sapho, Esclarmonde ou encore Manon (Massenet composa pour elle le fabliau qui remplace la gavotte de l’acte III). On devine donc une assez grande aisance dans l’aigu!
Si la production de Benjamin Lazare nous emmenait découvrir la Fée électricité, ici c’est aussi en pleine révolution industrielle que nous sommes projetés mais plus du côté mécanique. En effet, l’idée principale de la production de Mariame Clément est que Madame de la Haltière est une modiste moderne qui a conçu une machine permettant d’habiller de façon automatique les jeunes filles. En rose bien sûr! En dehors de l’acte du bal, nous aurons donc toujours cette énorme machine comme décors. Le principe n’est pas mauvais, mais on aurait aimé un peu plus de changements lors des passages féériques. Car voir Lucette faire le ménage avec les ouvriers alors que ses demi-sœurs jouent est plutôt intéressant. Mais la voir aussi entrer dans cette machine pour la transformation magique est dommage. Il y a bien quelques effets de lumière et les esprits mais on manque de magie. Ce sera d’ailleurs surtout le cas lors de la scène de l’Arbre des Fées. Le Prince Charmant et Cendrillon sont transportés dans les sous-sols de l’usine (le plateau se soulève pour laisser apparaître l’espace en dessous) où sont stockés des grands bidons qui semblent être des déchets industriels… et les deux personnages rentrent dedans pour sortir par un autre. Il y a bien l’apparition illuminée du cœur du Prince qui donne une petite touche magique, mais l’effet rendu par la mise en scène de l’Opéra-Comique en 2011 était à la fois beaucoup plus simple mais aussi plus poétique. Car c’est ce qui manque dans cette mise en scène : la poésie. Quelques moments arrivent à nous emporter car la musique de Massenet est splendide, mais souvent elle est coupée par une attitude ou un mouvement. Le Bal montre une Cendrillon ridicule à souhait qui essaye de singer les autres princesses (alors que justement elle devrait être totalement différente). Elle est étouffée dans sa grosse robe rose et le montre en se servant de l’éventail sur son décolleté (pour la poésie on repassera)… et au moment où le Prince veut la libérer de son carcan on espère découvrir une robe simple et délicate. Non, on retrouve plutôt Cendrillon en sous-vêtements de l’époque (tunique et culotte jusqu’aux genoux) au milieu d’un bal princier. Le jeune homme lui offre une chemise pour l’habiller légèrement et une paire de converse histoire qu’elle soit à l’aise (et du coup en enlevant ses souliers de vair, elle devrait être reconnue par sa famille!). Quel dommage! Il était possible de faire tellement plus beau ici, surtout avec cette belle structure métallique qui n’était pas sans rappeler la production de Faust de Lavelli! Le jeu de scène est bien construit dans l’ensemble et on sent que les chanteurs sont très bien dirigés. Mais toujours cette poésie qui manque. A vouloir rabaisser la féérie, on perd une partie de l’histoire ici et on en viendrait presque à croire comme Lucette que ses rencontres avec le Prince n’étaient qu’un rêve.
Musicalement, il faut saluer le travail effectué par Carlo Rizzi ainsi que l’Orchestre de l’Opéra National de Paris. Même si on pouvait espérer une direction un petit peu plus légère et moins pompière dans certains cas (mais Massenet n’hésite pas dans certains moments à faire pompeux), la partition est bien servie, avec vivacité et beaucoup d’engagement. Les quelques danses sont ainsi très bien dirigées et on a aussi tout le travail délicat dans les passages plus contemplatifs dévolus à Lucette. A ce titre, le tableau de l’Arbre de Fée est très beau et plein de nuances. Après, l’orchestre sonne un petit peu large dans cette musique où l’on pourrait espérer des timbres plus fins, des couleurs plus marquées. L’orchestre possède son son propre qui convient parfaitement à Werther par exemple, mais il lui manque ce petit décalage du pastiche que propose Massenet dans Cendrillon. Le Chœur de l’Opéra intervient de façon assez sporadique en grands ensembles ou en plus petits comme dans le premier acte. On saluera aussi l’engagement même si on les sent plus à l’aise dans le deuxième acte que dans le dialogue qui ouvre le premier acte.
Nombreux sont les petits rôles qui sont tous tenus de bonne manière. Mais il faut saluer la présence de Philippe Rouillon dans le rôle si épisodique du Roi. Lui qui fut sur cette même scène le Grand-Prêtre de Samson et Dalila face à Ewa Podles par exemple en 1991 et qui restera irrémédiablement dans ma mémoire pour son Saint-Bris magistrale dans Les Huguenots à Bruxelles… le voici dans un rôle utilitaire (et ce n’est pas son premier malheureusement). Il faut avouer que si le timbre est toujours reconnaissable, on entend que l’instrument n’a plus le métal et l’aisance qu’il avait auparavant. Mais quelques notes font retrouver le cinglant de Saint-Bris! Après son succès dans La Nonne Sanglante à l’Opéra-Comique, on pouvait penser que la carrière de Marion Lebègue allait décoller plus vite. Mais quatre ans plus tard, elle reste cantonnée aux rôles secondaires toujours comme ici où elle chante le rôle de Dorothée aux côtés de Charlotte Bonnet en Noémie. Les deux sœurs semblent beaucoup s’amuser et donnent à voir deux sœurs plus nuancées que souvent. Moins pestes et finalement attachées à leur demi-sœur, elles sont plus touchantes. Vocalement les deux voix s’accordent très bien.
La seule voix masculine d’importance est dévolue à Pandolfe, ce mari qui par ambition a épousé une noble et qui le regrette bien amèrement maintenant. Lionel Lhote offre un beau portrait touchant de cet homme écrasé par sa femme. Le premier acte le voit un petit peu en retrait avec une projection limitée, mais dans le troisième il offre tout son talent non seulement pour faire sortir sa femme (avec un bel aigu claquant comme une gifle!), mais surtout dans son air rappelant la campagne qu’il a quitté avec sa fille. La nostalgie, la beauté de la ligne, le chant sur le souffle… C’est un moment magnifique qu’il offre ici. Et quelle diction aussi! Ce sera le seul rôle important d’ailleurs de la production qui offre un texte parfaitement compréhensible (malgré le travail de ses collègues bien sûr!). Face à ce portrait tout en détail, Daniela Barcellona crée une Madame de la Haltière pleine d’ironie, de ridicule et de violence. La voix de la mezzo-soprano n’a peut-être pas exactement le grave nécessaire pour un rôle qui plonge régulièrement dans les abysses. Poitrinant avec finesse, on entend la note finale mais on sent que le bas-médium de la voix qui est assez souvent sollicité manque un peu de projection. Mais quel abattage tout de même, quel talent pour composer ce clown méchant! Les petites attentions aux mots, la caractérisation… tout cela montre un énorme travail et nous avons un très beau personnage plein d’excès sur scène! Après, il faut avouer que l’ombre d’Ewa Podles est telle dans ce rôle qu’elle ne peut rivaliser avec son illustre devancière et pâlit donc légèrement. Le rôle de la Fée est assez compliqué car il reste très peu dramatique tout en demandant une voix extrêmement aisée dans les aigus. Kathleen Kim chante le rôle depuis maintenant plus de dix ans et elle y est toujours aussi à l’aise! Il est impressionnant de l’entendre monter dans la portée, poser des sur-aigus avec délicatesse. Si le portrait reste vraiment dans la bonne fée sans plus de personnalité, vocalement il n’y a rien à dire tant tout est parfaitement en place et propre. Il est impressionnant d’entendre une telle performance surtout que la voix remplit bien l’Opéra Bastille.
Anna Stephany devait chanter le rôle du Prince, mais elle a été annoncée souffrante le 7 avril lors de la captation vidéo pour Culturebox et depuis a été remplacée par Antoinette Denfeld le 10, puis par Samantha Hankey. On pourrait regretter que la première remplaçante ne prenne pas toutes les représentations tant on était assuré d’une belle diction. Mais la surprise est très bonne avec Samantha Hankey. Lauréate du Concours Operalia en 2018, elle a depuis une belle carrière et a par exemple chanté le rôle du Prince en décembre dernier au Metropolitan de New-York. Dès les premières notes, on entend un beau timbre de soprano, ni trop lourd ni trop léger pour ce prince adolescent. Très vive sur scène, elle compose ainsi non seulement scéniquement mais aussi vocalement un personnage crédible (si on accepte les traditions des rôles travestis bien sûr). Son air “Cœur sans amour” est parfaitement phrasé, nuancé… et même les emportements ne sont pas violents mais portés avec douceur dans l’aigu. D’un bout à l’autre, elle réalise un sans faute, nous offrant une voix qui passe la rampe de l’orchestre, mais surtout une voix parfaitement contenue. Elle est le Prince Charmant par sa douceur, sa délicatesse et sa naïveté.
Enfin, le rôle principal est dévolu à Tara Erraught. Habituée à un large répertoire allant de Gluck et Mozart à Strauss en passant par Rossini ou Donizetti, la mezzo-soprano a trouvé le ton juste pour cette Cendrillon. La voix est très saine et puissante mais jamais elle n’en fait trop usage. En dehors de quelques moments où l’orchestre s’élève (comme à la fin du premier tableau de l’acte III), elle conserve cette rondeur et cette douceur propre à la simple Lucette. Le timbre n’a pas une couleur très marquante, mais l’interprétation toute en délicatesse était vraiment superbe. Dès son “Reste au foyer, petit grillon”, on est touché par la grâce du chant et l’intelligence de l’interprète. Tout au long de la soirée et malgré une mise en scène qui n’est franchement pas très aidante pour le personnage, elle touche et nous parle directement. J’avoue que je craignais beaucoup d’entendre une Lucette peu nuancée et ce fut tout le contraire. Une diction légèrement plus fluide aurait totalement aidé pour que la prestation soit parfaite. Mais il faut vraiment ne pas rester sur cela car l’interprétation est vraiment superbe et le chant plein de nuances et de sentiments.
Le plaisir de revoir Cendrillon sur scène fait que l’on passe sur les petits désagréments de la mise en scène et sur une direction qui reste assez sage face à l’inventivité de la partition de Jules Massenet. Malheureusement, on risque de ne pas revoir de si tôt cette œuvre tant la salle était peu occupée ce mardi soir. Et ce fut le cas pour toutes les représentations. Problème de publicité? Manque de curiosité du public? Désaffection du répertoire français autre que les grands tubes? C’est grandement dommage en tout cas car il y a tant à faire pour réhabiliter les ouvrages de Jules Massenet. Et l’Opéra National de Paris devrait y jouer un rôle plus important qu’il ne le fait : en dehors de régulières reprises de Manon et Werther, aucun autre Massenet n’a été monté récemment. Il y a eu l’épisodique Cid en 2015 mais rien d’autre dernièrement à l’exception du ballet Le Rouge et le Noir sur des extraits de divers partitions du compositeur… mais l’Opéra de Paris n’a jamais eu l’intelligence de donner les références des pièces utilisées pour ce florilège. Donc pour les quelques représentations qui restent, il faut y aller… et sinon regarder la vidéo sur Culturebox.
- Paris
- Opéra Bastille
- 19 avril 2022
- Jules Massenet (1842-1912) : Cendrillon, conte de fées en quatre actes et six tableaux
- Mise en scène, Mariame Clément ; Décors et costumes, Julia Hansen ; Lumières, Ulrik Gad ; Viideo, Etienne Guiol ; Chorégraphie, Mathieu Guilhaumon
- Cendrillon (Lucette), Tara Erraught ; Madame de la Haltière, Daniella Barcellona ; Le Prince Charmant, Samantha Hankey ; La Fée, Kathleen Kim ; Noémie, Charlotte Bonnet ; Marion Lebègue, Dorothée ; Pandolfe, Lionel Lhote ; Le Roi, Philippe Rouillon ; Le Doyen de la Faculté, Cyrille Lovighi ; Le Surintendant des Plaisirs, Olivier Ayault ; Le Premier Ministre, Vadim Artamonov ; Six Esprits, Corinne Talibart / So-Hee Lee / Stéphanie Loris / Anne-Sophie Ducret / Sophie van de Woestyne / Blandine Folio Peres
- Chœur de l’Opéra national de Paris
- Orchestre de l’Opéra national de Paris
- Carlo Rizzi, direction