Lady Macbeth de Mzensk, un sordide magnifique

Grand écart entre cette Lady Macbeth de Mzensk et Le Postillon de Lonjumeau vu précédemment. Nous sommes presque dans l’opposé. À l’histoire légère et drôle qui est utilisée par Adolphe Adam, répond le sordide et sombre livret sur lequel a composé Dmitri Chostakovitch. La partition russe plonge dans un fait divers qui a été légèrement amplifié pour donner un portrait particulièrement violent d’une jeune femme. Sorte d’Emma Bovary, Katerina s’ennuie et est malheureuse. La fuite en avant va être fatale. La musique et le thème avaient créé un scandale lors de la création, provoquant la colère de Staline qui trouvait non seulement la partition trop complexe, mais aussi trop suggestive, parlant de pornographie sonore ! La production de Martin KuÅ¡ej en 2009 était très glauque avec cette boue omniprésente. Pour la remplacer, la direction de l’Opéra de Paris a fait appel à Krzysztof Warlikowski dont on pouvait attendre une relecture tranchante et décapante. En 2018, Ingo Metzmacher reprenait sa production du diptyque La Voix Humaine / Le Château de Barbe-Bleue et l’on peut imaginer que l’entente a été bonne. Le chef est d’ailleurs souvent appelé pour ces partitions si complexes à mettre en place. Enfin, le rôle titre a été confié à AuÅ¡rinÄ— StundytÄ—, saluée pour sa prestation dans le même rôle à Lyon il y a peu. De bien beaux auspices donc ! Continuer…

Le Postillon de retour à l’Opéra-Comique sous la voix de Michael Spyres

En 1836, Adolphe Adam est déjà connu de la scène parisienne, mais il n’a pas encore donné deux de ses plus grands chefs d’œuvres. Le Chalet est resté dans les mémoires, mais ce sera Le Postillon de Lonjumeau qui sera son véritable triomphe justement en 1836 sur la scène de l’Opéra-Comique, avant que sa Gisèle à l’Opéra ne donne un nouveau souffle au grand ballet français. Même encore aujourd’hui, le ballet est régulièrement donné et si il est beaucoup plus rare de voir Le Postillon, sa ronde est restée célèbre ! Avec son intrigue très marquée par l’opéra-comique mais son chant demandant une technique à toute épreuve, reprendre cet ouvrage n’est pas une mince affaire : il faut trouver des chanteurs aussi à l’aise avec les dialogues parlés qu’avec une écriture très virtuose, mais aussi un metteur en scène capable de retrouver ce ton spécifique de l’époque. Si en Allemagne la partition restera longtemps dans le répertoire par l’interprétation de quelques ténors forts connus, l’ouvrage sombrera malheureusement dans l’ombre à Paris. La preuve, il ne montera jamais sur les planches de la nouvelle salle Favart, pourtant construite en 1898. En 1936, une parade à Lonjumeau avec les forces de l’Opéra-Comique célébrera la partition d’Adam, mais point de reprise. C’est dire si le retour de ce monstre sacré est une évènement. Et les forces convoquées sont parfaitement à la hauteur de l’évènement ! Continuer…

Bartók à Paris, entre chant traditionnel et opéra

Pour un week-end, Iván Fischer devait présenter la musique hongroise et particulièrement celle de Béla Bartók. Grand compositeur de son pays, le premier concert était dévolu au chant choral et aux grandes partitions orchestrales (Le Mandarin Merveilleux et le Concerto pour orchestre) alors que le deuxième plongeait dans la musique populaire et l’opéra. Dans les deux cas, les concerts proposés par le chef étaient construits afin de pouvoir associer et faire se répondre la musique traditionnelle qui a inspiré Béla Bartók pour donner naissance à des partitions très complexes. Le but est de montrer d’où vient cette musique et d’en faire surgir les racines. Malheureusement, Iván Fischer n’a pas pu assurer ces concerts du fait d’un souci de santé. C’est donc son assistant Gábor Káli qui dirige ces deux concerts parisiens, faisant ainsi ses débuts à Paris et ayant l’honneur de diriger le fabuleux Budapest Festival Orchestra. Dans ce concert du dimanche, la première partie était réservée à la musique traditionnelle (qu’elle soit recomposée ou non par Bartók) avant que nous ne puissions entendre le seul opéra de Bartók : Le Château de Barbe-Bleue, ou A kékszakállú herceg vára en hongrois ! Continuer…

Un Requiem de Verdi à grands effets à la Philharmonie de Paris

Il y a tout juste trois ans, Gianandrea Noseda avait bouleversé le public de la Philharmonie de Paris avec un Requiem de Verdi impressionnant de profondeur et de passion. Il pouvait compter sur des chanteurs habités et les forces de l’Orchestre de Paris et de son ChÅ“ur. Les murs de la salle avaient alors résonné comme rarement ! Depuis, d’autres sont venus comme Riccardo Chailly avec la Scala par exemple. Forcément, le nom de Teodor Currentzis avec son ensemble MusicAeterna semble étrange après ces grands spécialistes du répertoire verdien ! D’autant plus que les chanteurs sont globalement inconnus à l’exception de René Barbera étant donné que Varduhi Abrahamyan remplace Hermine May initialement programmée. Habitué des lectures radicales du chef avec son orchestre jouant sur instruments d’époques et souvent en s’inspirant des pratiques plus baroques que romantiques, l’attente était grande. En effet, on ne savait si l’on allait assister à une véritable révélation ou au contraire à une chose plus qu’étrange. Le chef avait donné par exemple à l’Opéra Bastille des Don Carlo et Macbeth bien peu convaincants mais depuis il a montré qu’il pouvait donner des choses impressionnantes dans le répertoire romantique avec son ensemble. Soirée qui ne devait donc a priori pas laisser indifférent ! Continuer…

Tugan Sokhiev et le Bolchoï : Rimsky-Korsakov, Rachmaninov et Borodine à Paris

Déjà de passage l’année dernière pour une splendide Pucelle d’Orléans de Tchaikovsky à la Philharmonie, le Bolchoï et Tugan Sokhiev nous reviennent cette année pour deux concerts : un opéra et un concert symphonique sur le thème du printemps. Loin de proposer des ouvrages connus, le chef à choisi la très rare Pskovitaine de Nikolaï Rimsky-Korsakov. Remonter cet ouvrage sans mise en scène n’est peut-être pas le plus simple pour passionner les foules. Aussi, l’idée de la Philharmonie de Paris de le nommer Ivan le Terrible peut se comprendre, d’autant plus que c’est sous ce nom que l’opéra fut créé en France. Mais la confusion avec la partition de Sergeï Prokofiev est aussi sûrement voulue, de même que la mise en avant de cette figure assez mythique dans l’histoire russe. Le lendemain, toujours de la musique russe bien sûr, mais du Rachmaninov et du Borodine. Là encore, le chef ne cherche pas à faire dans le connu avec une cantate sur la venue du Printemps et une symphonie de Rachmaninov… le seul exemple d’ouvrage connu seront les Danses Povlovtsiennes extraites du Prince Igor mais dans la version avec chÅ“ur tout de même, ce qui est déjà un peu moins courant ! Continuer…

Prise de rôle pour Nicolas Courjal : Incarnation du diable dans le Faust de Gounod

En 2017, l’Opéra d’Avignon créait la production de Faust de Nadine Duffaut qui est ici reprise à l’Opéra de Marseille. La mise en scène ainsi que la distribution avaient participé à passer un excellent moment, rendant hommage à la partition de Charles Gounod. Lui qui était si malmené et auquel l’Opéra National de Paris n’a pas daigné rendre hommage avait ici un moment de gloire vu les moyens qui avaient été mis en Å“uvre. Avec une distribution de très haut niveau, la partition était parfaitement défendue : Nathalie Manfrino en vibrante Marguerite, Jérôme Varnier en glaçant Méphistophélès et Florian Laconi qui nous donnait un assez beau Faust. Et puis il fallait saluer le travail d’Alain Guingal qui offrait la partition dans son intégralité, ou du moins ce que l’on considère actuellement comme sa forme complète. La reprise avec une distribution entièrement renouvelée à Marseille entraînait une grande curiosité en même temps que des craintes : on le sait, les reprises de productions sont souvent l’occasion d’effectuer des petites coupures (voir même des grosses!) et il fallait aussi se heurter au souvenir de la création. Et puis il faut aussi prendre en compte le Faust original proposé par Christophe Rousset et le Palazetto Bru Zane! Que de références pour cette reprise ! Continuer…

Un Berlioz à se damner à la Philharmonie

En cette année Berlioz, les Damnation de Faust se succèdent et l’on peut pressentir toujours des belles réussites ! Il y a quelques mois François-Xavier Roth proposait une version sur instruments d’époques avec Mathias Vidal, Anna Caterina Antonacci et Nicolas Courjal. En voici une avec les forces de Radio-France qui devaient être placées sous la direction d’Emmanuel Krivin avec John Osborn, Kate Lindsey et Nahuel di Pierro… et au mois d’avril John Nelson donnera l’ouvrage avec Michael Spyres, Joyce DiDonato et encore Nicolas Courjal. La première et la dernière doivent donner naissance à une parution discographique. Les deux donc étrangement avec Nicolas Courjal… mais à l’écoute de ce concert finalement donné sous la direction de Charles Dutoit, on en vient à se demander si il ne devrait pas y avoir trois intégrales discographiques tant le niveau est aussi impressionnant que celui de Roth… et que celui que devrait donner Nelson si on se fie à la grande réussite de ses Troyens. Mais pour se consoler, le concert a été diffusé sur France-Musique et est en ré-écoute ! Continuer…

La Rusalka historique de Robert Carsen

En 2002, l’Opéra National de Paris terminait sa saison par un coup de maître : une nouvelle production de Rusalka (son entrée au répertoire même pour l’Opéra de Paris !) avec dans le rôle-titre Renée Fleming, grande interprète du rôle qu’elle aura défendu tout au long de sa carrière. La mise en scène de Robert Carsen donnait à voir un spectacle aussi beau que l’orchestration de Dvořák. Malgré les années et les reprises, cette production possède toujours autant de qualité. Elle fait partie de celles qui ne vieillissent pas, qui peuvent être interprétées par divers profils de chanteurs sans qu’une partie de la beauté ne tombe à l’eau. Pour les précédentes séries, il y avait toujours la grande Larissa Diadkova en Ježibaba pour faire figure de gardienne de la tradition. Mais cette reprise renouvelait totalement la distribution et même ne proposait aucun interprète slave dans les rôles principaux. Était-ce la reprise de trop ? En aucun cas tant le résultat est superbe ! Continuer…

Demi-Troyens à l’Opéra Bastille

2019 est l’année Berlioz… Cela fait en effet 150 ans que le compositeur français est mort… Et bien sûr, l’Opéra de Paris ne pouvait pas laisser passer l’occasion de mettre à l’honneur un musicien français. C’est donc sur quatre saisons que nous avons vu les quatre ouvrages lyriques : La Damnation de Faust en décembre 2015, Béatrice et Bénédict en mars 2017, Benvenuto Cellini en mars 2018 et enfin Les Troyens en janvier 2019… Beau programme, qui montre que l’institution sait mettre à l’honneur les grands noms français… quand cela lui plait ! Car on se souviendra d’une année Massenet sinistre (une production bien peu intéressante de Manon) en 2012, rien du tout pour Gounod en 2018… mais sans doute le grand Hector Berlioz est-il plus digne de figurer au patrimoine de la maison, alors qu’il n’a pas joué un grand rôle sur la première scène lyrique : de ces trois ouvrages, seul Benvenuto Cellini aura été créé sur cette scène. Mais ne boudons pas notre plaisir, une nouvelle production des Troyens est toujours un évènement majeur ! Continuer…

Hamlet de Thomas enfin de retour à Paris!

L’année dernière à la même période, Louis Langrée nous avait enchanté avec un Comte Ory de tout premier ordre. Bien sûr, il n’était pas seul car tout était rassemblé pour passer un moment mémorable : distribution parfaite, mise en scène intelligente, partition très bien écrite… En 2018, le défi était plus grand. Car si monter un opéra de Rossini reste toujours bien vu, monter une partition de Thomas peut être moins bien reçu par un certain publique. Mais le chef continue ainsi sa série d’opéras français en décembre. Comme l’année dernière, la distribution aligne des noms a priori assez parfaits et l’on sait que l’on pourra bénéficier de l’Orchestre des Champs-Élysées dans la fosse. Reste la question de la mise en scène… mais il est rare que l’Opéra-Comique se trompe de ce point de vue. Cet Hamlet voyait donc le retour au rôle titre pour Stéphane Degout, les habitués Sylvie Brunet-Grupposo et Jérôme Varnier respectivement en Gertrude et le Spectre… et la prise de rôle de Sabine Devieilhe pour Ophélie. De bien belles soirées en perspective ! Continuer…