Atys dansé à l’Opéra Royal de Versailles.

Dans l’imaginaire de lullyste convaincus, Atys est forcément lié à William Christie musicalement et à Jean-Marie Villégier visuellement. Le spectacle de ce dernier aura figé dans les mémoires une grande cérémonie funèbre contemporaine de Louis XIV, toute baignée dans les teintes allant du blanc au noir en passant par le gris, le bleu, le bleu marine et l’argent bien sûr. Le spectacle a été repris en 2011 à l’Opéra-Comique et une captation en témoigne pour que s’ancre encore plus cette vision dans les esprits. Mais voici qu’une nouvelle production vient maintenant à Versailles (où avait été donnée la production des Arts Florissants en 2011 aussi!) qui offre une approche visuelle totalement différente, sans les grands noms des spécialistes du baroque français. Les deux grands artistes que sont Leonardo Garcí Alarcón et Angelin Preljocaj allaient ainsi nous transporter dans un monde différent, sachant s’extraire de ce modèle maintenant devenu mythique pour offrir une autre vision de cette grandiose tragédie en musique. Continuer…

Philémon et Baucis, délicate fable lyrique mais au succès mesuré pour Gounod.

Après les succès de Faust et du Médecin Malgré Lui, le directeur du Théâtre-Lyrique souhaitait continuer à miser sur le compositeur français populaire qu’était devenu Charles Gounod. Léon Carvalho lui demande donc un nouvel opéra. Mais voilà, en 1859 notre compositeur est déjà occupé à répondre à une commande pour le théâtre du Casino de Bade : Philémon et Baucis (adapté d’une fable de La Fontaine) devait y être créé avec dans le rôle titre Caroline Miolan-Carvalho, la propre femme du directeur du théâtre parisien. Après un arrangement, le projet est donc récupéré par le Théâtre-Lyrique et Gounod composera pour Bade La Colombe en dédommagement. Bien sûr il fallait pour ce faire adapter la pièce en l’agrémentant d’un acte central avec chœur comme il sera créé en 1860, avant de retrouver la scène en 1876 dans sa version en deux originelle. Malheureusement pour Léon Carvalho, le succès attendu ne sera pas au rendez-vous et l’ouvrage ne restera que pour treize représentations sur scène lors de la création. Continuer…

Faust, le premier grand triomphe de Gounod!

Malgré les succès d’estime, le nom de Gounod n’est pas encore sur toutes les lèvres à Paris et le compositeur a bien du mal à vivre de sa musique. Mais les choses vont changer avec quelques rencontres et surtout le fameux Faust qui reste son ouvrage le plus connu actuellement. Tellement connu qu’il a subi les affres des coupures, et modifications au fil des ans… et qu’il est encore rare de pouvoir le voir sur scène dans une version complète ou du moins historiquement informée. Bien sûr, sa discographie est pléthorique contrairement aux autres opéras précédemment comparés ici… Il y a de très nombreux enregistrements studios depuis les tous débuts de l’enregistrement audio. Ainsi, le premier enregistrement intégral date de 1908 dans une version allemande. Puis viendra la version dirigée par François Ruhlmann enregistrée en 1911-1912… et par la suite les versions seront toujours nombreuses et dans différentes langues, preuve de la notoriété de l’ouvrage : en italien en 1918 (direction Carlo Sabajno), en anglais en 1929 (dirigé par Sir Thomas Beecham qui enregistrera par la suite une version en français), en russe en 1947 (dirigé par Vassili Nebolsin avec les magnifiques Mark Reizen et Ivan Kozlovsky) ou encore en hongrois en 1973 (dirigé par Ervin Lukács). Mais les versions françaises seront aussi nombreuses et de référence : 1930 par Henri Büsser (avec rien de moins que Marcel Journet!), 1947 pour la deuxième version de Sir Thomas Beecham, 1953 et 1958 pour André Cluytens, 1963 pour Gianfranco Rivoli, 1966 pour Richard Bonynge, 1976 pour Alain Lombard, 1978 avec George Prêtre, 1986 ce sera Sir Colin Davis, 1991 Michel Plasson, 1993 Carlo Rizzi ou encore 2018 pour Christophe Rousset. Et ce ne sont là que les versions enregistrées en studio! Il faudrait ajouter les nombreuses captation sur le vif qui sont parfois passionnantes! Impossible donc ici de faire une critique complète de tous ces enregistrements. Un choix totalement partial sera donc fait, avec juste un petit mot sur certains enregistrements importants mais une description plus détaillée pour certains! Continuer…

Roméo et Juliette de Gounod sauvé par Perrine Madoeuf et Pene Pati à l’Opéra-Comique.

C’était sans doute le spectacle le plus attendu en cette période de Noël. Depuis quelques années, l’Opéra-Comique propose un opéra français en fin d’année… souvent rare, parfois juste peu monté. C’est le cas de ce Roméo et Juliette de Gounod qui n’avait pas connu les honneurs d’être représenté en version scénique à Paris depuis les mythiques représentations de 1994 qui réunissaient Roberto Alagna, Nuccia Focile et Michel Plasson. J’avais eu la chance à l’époque d’être présent en salle, mais n’ayant que onze ans, les souvenirs sont assez flous. Mais il y avait tout de même une certaine émotion de revenir dans la Salle Favart vingt-sept ans après. Et les émotions étaient aussi dûes aux circonstances. Alors que toutes les répétitions s’étaient bien passées, voilà que le jour de la répétition générale, le ténor Jean-François Borras qui devait chanter Roméo est testé positif au COVID 19… Il est alors remplacé au pied levé par Sébastien Guèze alors que le metteur en scène joue le personnage. Puis la veille de la première, c’est Julie Fuchs qui est elle aussi testée positive. Il faut donc trouver non pas un mais deux chanteurs pour reprendre ce couple maudit. Nous arrivent alors Perrine Madoeuf et Pene Pati pour prendre la relève en quelques heures pour une première triomphale. Durant la journée entre les deux représentations, nul doute que le travail scénique de ces deux artistes a dû être intense vu la qualité proposée. Mais c’était donc non seulement des retrouvailles mais aussi un spectacle miraculeusement sauvé! Continuer…

Dans les Jardins de William Christie 2021 : dixième anniversaire.

La tradition avait été rompue l’année dernière vu les conditions de déroulement du festival (pas de déambulation, une structure beaucoup plus stricte dans les placements…). À l’époque, la peur était de ne pas retrouver cette ambiance, d’avoir un festival moins festif et bucolique. Mais en 2021, tout est revenu à la normale et me revoici donc dans les Jardins de William Christie! Beaucoup de programmes cette année encore avec des artistes renommés qui continuent toujours à venir tous les étés. On pourrait même penser que l’on assiste à une sorte de renaissance des Arts Florissants quand on voit combien de jeunes musiciens comme Thomas Dunford, Théotime Langlois de Swarte, Myriam Rignol ou encore Lea Desandre sont toujours fidèles au rendez-vous et semblent s’impliquer toujours plus dans les programmes des promenades musicales. Mais les fondamentaux restent bien présents : William Christie reste le maître même s’il partage de plus en plus la baguette avec Paul Agnew. Ainsi le concert du soir sera dirigé par l’ancien haute-contre (The Indian Queen de Purcell} alors que le chef historique jouera un concert pour deux clavecins avec Justin Taylor (là encore un autre jeune musicien de très haut niveau qui vient s’associer à cette manifestation!) à l’église de Thiré. Continuer…

L’incroyable Coq d’Or par Barry Kosky au Festival d’Aix-en-Provence

Il est rare de pouvoir assister en France à un opéra de Rimsky-Korsakov. L’opéra russe n’est que peu représenté et toujours avec les mêmes quelques ouvrages : Eugen Onegin, Boris Godounov et éventuellement Khovanshchina ou La Dame de Pique. Donc principalement Tchaikovsky ou Moussorgsky. Aussi, lorsque l’année dernière avait été annoncé le programme du Festival d’Aix-en-Provence, la joie était grande. Puis il a été annulé. La production a finalement pu être créée à Lyon ce printemps mais dans des conditions difficiles… et enfin le Coq va pouvoir lancer ses cris dans la cour de l’Archevêché! Ouvrage étrange et complexe, dernier opéra d’un compositeur versatile et passionnant, Le Coq d’Or bénéficie de plus de la mise en scène de Barry Kosky, artiste débordant d’imagination à qui l’on doit quelques grandes productions comme par exemple la Flûte Enchantée vue à l’Opéra-Comique. Les échos des représentations à Lyon étaient très bons et en effet, l’ovation qui salue la fin du spectacle a montré combien le public a été séduit non seulement par la mise en scène, mais aussi par l’œuvre en elle-même ainsi que par la distribution! Continuer…

Quand La Belle Hélène oublie son caractère de farce voulu par Offenbach

Lorsque l’on parle d’Offenbach, on pense forcément à sa Belle Hélène. De par son sujet et sa musique, la partition a immédiatement su convaincre et attirer de nombreux spectateurs. Il faut dire que le compositeur a proposé bon nombre de trouvailles plus loufoques les unes que les autres tout en sachant aussi ménager des moments tendres et délicats. L’Opéra-Comique devait monter la production de Michel Fau en début d’année, mais malheureusement les conditions sanitaires ont fait que le spectacle a été annulé et remplacé par un grinçant “Gala pour salle vide” où se mêlent rire et sourire amer. Mais là, le public se déplaçait pour un concert joyeux, plein d’airs et d’ensemble aussi fantasques que joyeux. Quelques jours avant la représentation, une note est arrivée sur le site du Théâtre des Champs-Élysées indiquant que le livret avait été “mis à jour” par Lionel Rougerie. Mais bon, rien ne pourra jamais gâcher la joyeuse farce qu’est La Belle Hélène. Et avec en tête d’affiche Cyrille Dubois et Gaëlle Arquez, comment résister. Sauf que… Continuer…

La Fille de Madame Angot, surprise et bonne humeur au TCE!

Charles Lecocq n’est pas un inconnu des mélomanes et parmi ses ouvrages, bien sûr la plus connue reste cette Fille de Madame Angot. Enregistré avec Mady Mesplé dans le rôle titre, régulièrement repris au vingtième siècle, l’œuvre reste connue au moins de nom sinon musicalement. Car j’avoue humblement qu’à l’origine cet ouvrage ne me disait trop rien, ne m’attirait pas forcément malgré la distribution étincelante. Et puis le même jour, l’orchestre du Metropolitan Opera de New-York devait venir à la Philharmonie pour un programme Wagner. Annulation aidant, voilà que je finis par prendre une place. Après tout, ça ne peut pas être une mauvaise soirée. Et quelle surprise! Non pas une bonne soirée, mais une soirée magnifique. La partition, l’orchestre et les solistes, tout cela réuni pour un opéra-comique léger, plein de verve et de rebondissement. Depuis quelques temps le Palazzetto Bru Zane nous fait découvrir ces partitions un petit peu à la marge, parfois opérettes ou comédies musicales du début du vingtième. Mais ici nous avons un véritable opéra-comique qui charme et enchante l’oreille. Continuer…

Orfeo, retour en salle à l’Opéra-Comique

Plus d’un an sans opéra scénique. Certes il y avait eu quelques concerts durant la trêve estivale avec entre autre la magnifique Khovanshchina par le Mariinsky à la Philharmonie de Paris, ou des concerts en tout petit comité… mais en ce 4 juin, c’était le retour en salle pour un opéra dans sa forme complète. En 2020, le dernier vu était La Dame Blanche à l’Opéra-Comique et c’est avec un plaisir immense que je retournai dans la salle Favart. Bien sûr on reste ébloui par la beauté du cadre, mais il y avait aussi l’excitation de voir l’Orfeo de Monteverdi, surtout avec une distribution d’où émergeait Marc Mauillon sous la direction de Jordi Savall. Les deux musiciens ont déjà montré leurs talents ensemble et sur un répertoire aussi spécifique, on pouvait attendre beaucoup. Malheureusement, la salle plus qu’à moitié vide n’aidait pas à faire de cette première la grande fête que l’on pouvait espérer. Mais cela ne pouvait pas gâcher le plaisir de telles retrouvailles. Continuer…

Le Médecin Malgré Lui, quand Gounod regarde vers les grands anciens

Le choc était rude après la disparition subite de La Nonne Sanglante mais Charles Gounod remit le métier en place et souhaitait se lancer dans la composition d’un Ivan le Terrible à partir de 1856. Malheureusement, le livret fut interdit par la censure. On retrouvera quelques morceaux dans le Faust qui devait être l’opéra suivant créé au Théâtre-Lyrique. Tout était prévu, la composition avançait fort bien… mais Léon Carvalho (directeur du théâtre), appris qu’une pièce sur le même sujet devait être représentée au Théâtre de la Porte Saint-Martin. Il n’était donc plus envisageable de représenter tout de suite l’ouvrage. Gounod arrêta donc et Léon Carvalho lui proposa de travailler sur une pièce adaptée de Molière. Après consultation avec les librettistes Barbier et Carré, le choix se porta sur Le Médecin Malgré Lui avec en prévision une création pour 1858. Pour la première fois, le compositeur allait se frotter à un ouvrage comique. La forme était établie : une grande partie du texte de Molière était conservé et le texte des parties chantées étaient elles de Barbier et Carré. Gounod renouait avec l’histoire puisqu’à la création du Malade Imaginaire il existait des musiques de Charpentier, et encore auparavant Lully avait écrit les musiques de plusieurs comédies-ballets comme Le Bourgeois Gentilhomme. La seule différence (et de taille !) est qu’ici le dialogue n’a pas pu avoir lieu entre le compositeur et le dramaturge ! Continuer…