Depuis quelques années, l’Opéra de Tours offre des opéras rares comme Bérénice d’Albérich Magnard il y a quelques années ou Mozart et Salieri dans quelques mois. Pour cette première production de l’année 2018, il rend honneur à Charles Gounod avec une production du très rare Philémon et Baucis. Alors qu’il lui aurait été simple et sans doute plus rentable de monter Faust ou Roméo et Juliette, la saison propose donc l’un de ces ouvrages si rarement montés depuis de nombreuses dizaines d’années. Cela document de plus un style lyrique très rare de nos jours et qui est totalement absent de nos scènes pour la production de Charles Gounod. Alors que peu de grandes maisons font un véritable effort pour rendre hommage au compositeur, voilà qu’une ville au budget limité se lance dans une recréation en y mettant de beaux moyens. Certes, l’ouvrage ne demande que peu de chanteurs et des décors limités, mais il est à saluer cette prise de risques pour seulement trois représentations alors qu’une saison de l’opéra de Tours ne compte que six productions. Continuer…
Author: Erik
Charles Gounod et le Prix de Rome
Après Camille Saint-Saëns l’année dernière, le Palazzetto Bru Zane met à l’honneur Charles Gounod en cette année 2018. Mais ce n’est pas totalement innocent car cette année marque en effet le bicentenaire de sa naissance. De nombreuses manifestations ou parutions sont prévues et cette année a commencé par ce livre-disque centré sur sa participation au Prix de Rome. Mais peut de temps après, c’est Le Tribut de Zamora qui revoit le jour, avant la sortie de disques de quatuor ou de cantates religieuses, la venue sur scène de La Nonne Sanglante à l’Opéra-Comique… et la recréation du Faust dans sa version première avec dialogues parlés. Il est par contre dommage que le centre de musique romantique de Venise n’ait pas parrainé aussi l’exhumation de Philémon et Baucis à l’Opéra de Tours qui est une entreprise très courageuse ! Cette année est une opportunité de juger avec honnêteté de la variété de la composition de celui qui est marqué par l’Ave Maria et l’air des Bijoux. Avec ces enregistrements d’ouvrages liés au Prix de Rome, nous pouvons déjà avoir un aperçu de ses partitions alors qu’il est au tournant des vingt ans. Hervé Niquet se fait le défenseur non seulement des trois cantates composées pour le concours entre 1837 et 1839, mais aussi de pièces religieuses créées durant son séjour à la Villa Médicis de Rome. Continuer…
Un Barbier à Marseille par Laurent Pelly
Certains opéras ont un succès phénoménal et Il Barbiere di Siviglia est sans doute l’un d’eux. En quelques mois, Paris voit la reprise de la mise en scène de Damiano Michieletto à l’Opéra Bastille alors qu’en décembre, c’était le Théâtre des Champs-Élysées qui créait une nouvelle production de Laurent Pelly. Marseille reprend justement cette dernière en renouvelant la distribution à l’exception de Florian Sempey, en allant chercher des chanteurs jeunes et pleins d’avenirs… ou de vraies valeurs sûres dans ce répertoire. En effet, Carlos Chausson était distribué à l’origine dans le rôle de Bartolo mais n’a finalement pas pu chanter lors de cette production. Reste donc une distribution assez jeune qui mélange grands spécialistes et chanteurs moins habitués à Rossini. Avec des acteurs très investis et un choix graphique très beau et poétique, Laurent Pelly a réussi non seulement à animer et rendre l’humour de cet ouvrage, mais aussi à ménager de grands moments de poésie et de beauté. Continuer…
Jephtha de Haendel : quand tout est réuni…
Si William Christie et ses Arts Florissants sont surtout connus pour les merveilles qu’ils ont offertes dans le domaine du baroque français, il ne faut pas oublier qu’ils ont aussi œuvré depuis longtemps pour Haendel avec particulièrement de grandes réussites dans l’oratorio. Genre moins démonstratif que l’opéra du même compositeur, la musique en est souvent plus travaillée, la place du chœur beaucoup plus importante… et le chef semble s’y sentir à son aise. Ensemble, ils venaient nous proposer le dernier oratorio du compositeur : Jephtha. Dans une production créée il y a peu à Amsterdam, la scène du Palais Garnier pouvait laisser admirer cet ouvrage passionnant et d’une grande force émotionnelle. La distribution est totalement renouvelée mais pas moins resplendissante. Ian Bostridge remplace Richard Croft, Tim Mead reprend le rôle de Bejun Mehta et Katherine Watson celui d’Anna Prohaska. Dans les deux cas de grands spécialistes, parfois aux profils différents mais toujours d’une grande musicalité et d’un charisme certain. Continuer…
Un Bal en noir et blanc pour Sondra Radvanovsky
A l’origine, cette reprise d’Un Ballo in Maschera dans la mise en scène insignifiante de Gilbert Deflo devait voir s’affronter deux grands artistes : Sondra Radvanovsky et Marcelo Alvarez. Il y a quelques mois, le ténor annonçait qu’il renonçait au rôle et donc il ne venait pas dans cette production qu’il créa pourtant il y a un peu plus de dix ans. Il faut dire que son répertoire s’est élargi depuis et l’on peut comprendre ce retrait. Mais du coup, l’affiche semblait bien déséquilibrée et n’affichait donc plus que la grande soprano qui triomphe actuellement dans tous les plus grands théâtres. Ajoutons à cela le retrait définitif des scènes de la mezzo-soprano Luciana D’Intino qui devait chanter Ulrica… et cette série avait tout pour se transformer en récital accompagné. Mais au final, en allant chercher des chanteurs plus jeunes mais de haut niveau, l’Opéra de Paris nous a proposé un spectacle de haute tenue. L’ouvrage de Verdi est bien sûr passionnant, mais le chant l’aura été tout autant ! Continuer…
Max Emanuel Cenčić : la rivalité entre Haendel et Porpora
Voix extrêmement rare il y a encore 30 ans, le contre-ténor semble être la nouvelle mode de l’univers lyrique. Immense star il y a encore quelques années, il semble que la couverture médiatique de Max Emanuel Cenčić soit amoindrie depuis quelques temps. Il faut dire que depuis 2001, plus d’un grand nom est arrivé avec ces dernières années des Franco Fagioli ou Bejun Mehta par exemple qui ont chacun leurs spécificités. De jeune chanteur baroque (dans tous les sens du terme) à valeur sûre, Cenčić a sû se diversifier en devenant producteur par exemple. Mais la voix est toujours aussi belle. Et celui qui a commencé comme Petit Chanteur de Vienne avant de devenir sopraniste puis contre-ténor a encore beaucoup à dire avec ses arguments propres ! Loin de la démonstration gratuite où certains pourraient avoir tendance à se plonger, le chanteur propose un timbre, une délicatesse et une intelligence. C’est à la découverte de la rivalité entre Haendel et Porpora qu’il nous propose d’assister durant ce récital. Continuer…
Maria By Callas, le documentaire
Alors que l’on fête les quarante ans de la disparition de Maria Callas, les manifestations se sont multipliées. La sortie chez Warner d’un beau coffret reprenant une partie de ses prestations en direct (dont les premiers opéras ont été critiqués ici… la suite devrait venir), des concerts hommages comme une Lucia di Lammermoor avec Jessica Pratt… et le travail de Tom Wolf qui se décline sous plusieurs formats. On a beaucoup entendu parler de l’exposition qui a eu lieue à la Seine Musicale tout au long de cet automne. Elle replongeait dans l’intimité de la chanteuse en nous montrant non seulement des images d’archives, mais aussi des costumes ou des objets du quotidien. Des livres sont sortis comme ses mémoires inachevées et des lettres (Lettres et mémoires inachevées, éditions Fayard) mais aussi deux livres documentés au plus près de la cantatrice en proposant des documents inédits et en allant interroger les plus proches : Maria by Callas aux éditions Assouline, mais aussi Callas Confidential chez La Marinière. Pour finir cette année, c’est un documentaire qui est sorti au cinéma pour nous montrer la Divine en image. Continuer…
Un Comte Ory pour les fêtes à l’Opéra-Comique
Gioachino Rossini reste attaché à l’Opéra de Paris par Guillaume Tell, ouvrage qui inaugure avec La Muette de Portici d’Auber ce genre qui triomphera pendant toute la fin du XIXème siècle : le Grand Opéra. Mais avant cela, le compositeur va offrir trois autres opéras en français pour la Grande Boutique… ou plutôt va reprendre trois opéras car pour chacun, il s’agira d’un remaniement d’ouvrage préexistant : Le Siège de Corinthe recycle une bonne partie de Maometto II, Moïse et Pharaon est une version remaniée de Mosé in Egitto… et ce fameux Comte Ory se trouve être en grande partie la musique du Viaggio a Reims composé pour le sacre de Charles X. Pour chacun, le compositeur sait se conformer aux demandes des directeurs de l’Académie Royale de Musique et sur quatre ans, ce seront donc quatre ouvrages qui triompheront sur la scène parisienne alors que ses autres ouvrages en italien continuent toujours d’attirer les foules au Théâtre des Italiens. Longtemps, on a pensé Il Viaggio a Reims perdu… c’était donc surtout au travers de ce Comte Ory que l’on connaissait sa musique. Maintenant, les rôles sont presque renversés tant la cantate royale est montée assez régulièrement et l’opéra français rarement. Continuer…
Callas en direct – 2/5, 1952 : Armida, Norma et Macbeth
Cette deuxième partie du retour sur le coffret regroupant des témoignages en direct de Maria Callas est uniquement centré sur 1952, année où l’on pourrait considérer que la voix est à son zénith : elle a conservé la largeur des premières années dramatiques, tout en ayant gagné déjà tous ses galons de technicienne. C’est donc une voix immense, dramatique à souhait… mais aussi à la technique flamboyante et virtuose. Et l’on a encore ces quelques rôles qu’elle n’abordera plus par la suite comme dans le Rossini seria ou cette fameuse Lady Macbeth. En avançant dans les années et avec la popularité grandissante, on pourrait penser que chacune de ses prises de rôles serait enregistrée avec soin pour un témoignage. Il n’en est malheureusement rien et on verra par la suite combien certains témoignages restent difficiles à écouter. Mais l’on continue à découvrir le parcours de l’artiste vers le bel-canto sur lequel elle va régner par la suite ! Continuer…
Anne Sofie von Otter : Barock is pop!
Anne Sofie von Otter est connue dans le monde entier pour la variété de son répertoire. Elle qui a connu la gloire avec le baroque (on pensera notamment à son Ariodante dirigé par Minkowski) n’a jamais cherché à rester sur son terrain de prédilection, osant tout dans la mélodie comme dans la chanson populaire… et allant jusqu’à des Wagner un peu contestés mais d’une grande intelligence. Car s’il est un mot que l’on peut raccrocher à la mezzo-soprano suédoise, c’est sans doute l’intelligence. Intelligence du texte bien sûr, mais aussi intelligence dramatique et musicale, qui fait qu’elle trouve toujours la nuance juste, la façon de prononcer qui offre toute sa force à un texte chanté. Après les années glorieuses qui lui ont permis de se lancer dans le romantisme le plus tardif (de magnifiques Lied von der Erde dirigés par Claudio Abbado), la voix a commencé à perdre un peu de sa superbe, le volume à réduire sensiblement, la tessiture à se tasser… alors, intelligence encore, la chanteuse est revenue à des répertoires mettant moins en avant la puissance et la vocalité, mais plus le texte et la nuance où elle reste reine. Ce concert plonge dans le baroque en grande partie et pour se faire, elle s’est entourée de deux jeunes musiciens considérés comme les plus virtuoses de leur génération sur leurs instruments respectifs : Thomas Dunford au théorbe et Jean Rondeau au clavecin. Continuer…