La Jacquerie : Lalo ou Coquard?

couvertureÉdouard Lalo a connu le succès à l’opéra grâce au Roi d’Ys. Son premier essai Fiesque n’a jamais été monté de son vivant, alors que sa dernière tentative le verra mourir avant qu’il n’ait achevé sa composition. Son premier opéra a été monté et enregistré à Montpellier il y a quelques années et c’est au tour de La Jacquerie de renaître d’abord en juillet dernier toujours à Montpellier puis maintenant à Paris pour une reprise inespérée. On retrouve pour l’occasion trois des protagonistes de la recréation : Véronique Gens et Nora Gubisch reprennent leur rôle sous la baguette de Patrick Davin. Le reste de la distribution est totalement renouvelée avec soin, alignant des chanteurs reconnus et très à l’aise dans ce répertoire. Il est rare que ces résurrections soient ainsi suivies d’une autre production et il faut saluer le travail du Palazetto Bru-Zane et de Radio-France qui osent ainsi monter un ouvrage aussi rare qui demande de plus un effectif important. Continuer…

Stéphanie d’Oustrac : Aiglon triomphant

Aiglon_1Composé à quatre mains en 1937, L’Aiglon d’Arthur Honegger et Jacques Ibert se base sur la pièce d’Edmond Rostand pour nous entrainer vers le destin tragique de ce fil écrasé par son père même après sa mort. La collaboration entre les deux compositeurs a été magistrale car la continuité est parfaite lors des changements d’actes. Si Ibert se concentre sur les actes extrêmes, Honegger nous propose les actes deux à quatre. On entre dans le quotidien de ce duc de Reichstadt qui se voit poussé vers un destin qu’il souhaite et redoute, destin qui l’écrase. En donnant le rôle à une voix féminine, les compositeurs ont renforcé la jeunesse du rôle, lui prêtant une voix adolescente et particulièrement tragique dans ses doutes. La production ici reprise est restée dans les esprits suite à la participation de la fulgurante Alexia Cousin, et pour beaucoup Stéphanie d’Oustrac relevait un gant peut-être trop lourd. Le résultat est stupéfiant de force et prouve combien la mezzo-soprano sait s’immerger dans un rôle aussi fort. Continuer…

Retour du Dante de Godard

Benjamin Godard (1849-1895)

Benjamin Godard (1849-1895)

Presque un an jour pour jour après le retour en grâce de Cinq-Mars de Gounod, l’Opéra Royal de Versailles accueillait en ce 2 février une Å“uvre jamais reprise depuis sa création : Dante du peu connu Benjamin Godard. Bien sûr, la Fondation Bru-Zane est à l’initiative de cette re-création et on retrouve des habitués de ses productions : Véronique Gens, Edgaras Montvidas, Andrew Foster-Williams, Ulf Schirmer et les forces de Munich. Si l’année dernière, la soirée était portée par le nom du compositeur, il n’en était rien pour Godard qui reste assez peu connu. Pourtant, le public s’est déplacé avec une belle curiosité puisque la salle était presque pleine. Appelé à faire partie de la collection de livres-disques consacré à l’Opéra Français, ce Dante rivalisera difficilement avec la dernière parution Herculanum ou avec le futur Cinq-Mars. Mais la partition est loin d’être inintéressante avec des fulgurances superbes qui sont malheureusement accompagnée de moments beaucoup moins inspirés. La musique est efficace et devait sûrement donner un effet impressionnant à bien des moments avec une mise en scène, mais le livret n’est pas des plus réussis malheureusement. Continuer…

Maria Stuarda : deux reines à Avignon

Marie Stuart durant l'exile en Angleterre (anonyme d'après Nicholas Hilliard)

Marie Stuart durant l’exile en Angleterre (anonyme d’après Nicholas Hilliard)

Maria Stuarda fait partie de cette fameuse trilogie Tudor qui rassemble aussi Anna Bolena et Roberto Devereux. Comme à chaque fois, l’un des personnages féminin est prépondérant, mais ici il ne peut véritablement vivre sans avoir un fort caractère en face. En effet, sans une Elisabetta de haute volée, comment donner tout son caractère tragique à la reine d’Écosse emprisonnée ? Comment faire vivre aussi ces affrontements entre deux femmes de même rang et au caractère bien trempé ? Car si le rôle titre nous est présenté à bien des moments comme une douce jeune fille, il ne faut pas oublier qu’elle était reine avant tout et que la noblesse de l’une doit se heurter à celle de l’autre. Avec la prise de rôle de Joyce DiDonato, les tessitures ont été inversées sur plusieurs scènes : Elisabeth revenait à une soprano corsée là où Maria Stuarda était donc chantée par la voix claire de la mezzo-soprano DiDonato. Ici c’est un retour aux traditions avec la soprano Patrizia Ciofi en martyre et la mezzo-soprano Karine Deshayes en violente Reine d’Angleterre. Deux chanteuses très différentes… et un affrontement magistral ! Continuer…

Fascinante Armide de Lully par Christophe Rousset

Marie-Adeline Henry dans le rôle d'Armide à Nancy

Marie-Adeline Henry dans le rôle d’Armide à Nancy

Si l’enregistrement des tragédies lyriques de Jean-Baptiste Lully est marqué par Atys dirigé par William Christie en 1987, Christophe Rousset aura finalement été beaucoup plus important en terme de découvertes : depuis quinze ans, il a proposé en premier enregistrement Persée (2001), Roland (2004), Bellérophon (2010) et quelques deuxièmes versions non sans intérêt pour la différence d’approche avec ses collègues baroqueux : Phaëton (2012, qui permet de comparer avec l’enregistrement de Marc Minkowski) et Amadis (2013) qui avait été révélé par Hugo Reyne. Ici, il s’attaque à la dernière Å“uvres complète de Lully, tragédie qui est considérée par beaucoup comme le sommet de la composition lullyste : Armide. Cet ouvrage a eu les honneurs de deux enregistrements par Philippe Herreweghe (1983 retiré de la vente par le chef, puis 1992) et le spectacle dirigé par William Christie avec Robert Carsen à la mise en scène (2008). L’Å“uvre est donc déjà bien pourvue avec deux versions qui peuvent prétendre à être de référence (et aussi un enregistrement dirigé par Ryan Brown en 2007), bénéficiant de distributions splendides dominées par deux immenses tragédiennes : Guillemette Laurens et Stéphanie d’Oustrac. La concurrence est donc rude pour Christophe Rousset et son équipe! Continuer…

Crebassa et Quintans : Baroque italien sacré!

Marianne Crebassa - Ana Quintans

Marianne Crebassa – Ana Quintans

Deux Å“uvres très connues et deux jeunes chanteuses (la soprano Ana Quintans et la mezzo Marianne Crebassa) très talentueuses, voici l’affiche de la soirée Salle Gaveau ! On ne présente plus le Stabat Mater de Pergolesi bien sûr, mais le rendu est toujours impressionnant par la variété des accents. Le Motet de Vivaldi se montre beaucoup plus extraverti dans la vocalise et les effets, mais le festival vocal donne vraiment vie à un sentiment de fureur. Enfin, découverte d’un certain Ferrandini pour une cantate sacrée qui tranche beaucoup par le style avec les deux contemporains. Avec un petit ensemble très engagé, les partitions prennent vie et donnent un cadre très virtuose aux deux chanteuses rassemblées. Continuer…

Véronique Gens et Susan Manoff : Royales!

gens-manoffVéronique Gens est une artiste passionnante qui semble aussi à l’aise dans la tragédie lyrique, le Grand Opéra romantique, Mozart ou les mélodies françaises. Et avec la complicité de Susan Manoff, elle propose un bouquet des mélodies de trois des compositeurs les plus doués pour la mélodie : Henri Duparc, Ernest Chausson et Reynaldo Hahn. Avec ces trois compositeurs, on aborde un même style de mélodies, mais par des angles différents. Chacun ici trouve des couleurs personnelles pour exprimer son caractère. Et Véronique Gens donne vie à ces miniatures de manière totalement saisissante. Loin de la réserve ou de la mièvrerie qui est souvent associée à ce répertoire, elle donne ses lettres de noblesse à tout un répertoire qui n’a pas à rougir face aux compositions dans d’autres langues. La salle Gaveau était ainsi l’écrin d’un moment de bonheur et d’émotions. Quel dommage que la salle soit loin d’être pleine ! Pourtant la sortie du disque proposant presque le même programme aurait dû attirer les foules des grands jours. Continuer…

Semiramide à Marseille : Révélations et superbe concert

Emmanuel Trenque, Mirco Palazzi, Jennifer Michel, Jessica Pratt, Varduhi Abrahamyan, Giuliano Carella, David Alegret, Patrick Bolleire, Samy Camps

Emmanuel Trenque, Mirco Palazzi, Jennifer Michel, Jessica Pratt, Varduhi Abrahamyan, Giuliano Carella, David Alegret, Patrick Bolleire, Samy Camps

Semiramide fait partie de ces monuments de l’opéra qu’on peine à monter. Problème de chanteurs? En partie… le souci vient de sa longueur, mais aussi des fantômes qui planent sur les rôles titres. En effet, il faut lutter avec le souvenir de ceux qui ont fait la Rossini-Renaissance : Marylin Horne, Rockwell Blake, Chris Merritt, Cecilia Gasdia ou Samuel Ramey. Difficile pour des chanteurs actuels de se mesurer à un tel poids. Pourtant, régulièrement l’ouvrage est remonté. Ici, c’est uniquement en version de concert, ce qui aura sûrement effrayé une partie du public habituel car la salle est à moitié vide. Et pourtant, de nos jours les talents sont bien présents pour donner vie à ces partitions inhumaines, créées pour les personnalités les plus diverses de l’époque de Rossini. Avec une distribution jeune, Marseille prouve combien ces ouvrages peuvent briller de tous leurs feux quand on cherche une distribution de qualité! Continuer…

Herculanum de Félicien David : Grandiose!!

herculanum-davidIl y a quelques années encore, Félicien David était un nom parmi tant d’autres : un compositeur du XIXème siècle et l’inventeur de l’ode-symphonique (dont le fameux Désert). Mais difficile de se faire alors une idée de la qualité de sa composition tant les enregistrements étaient rares. Et voici qu’en moins de deux ans, quatre disques de styles variés nous sont proposés : des mélodies chantées par Tassis Christoyannis, Lalla Roukh (opéra-comique) dirigé par Ryan Brown, le Désert sous la direction de Laurence Equilbey… et enfin Herculanum. Et ce n’est pas fini puisque d’autres Å“uvres ont été enregistrées et devraient paraître dans la collection « Portraits » du Palazzetto Bru Zane avec entre autres une autre ode-symphonique Christophe Colomb. Il faut ici saluer bien sûr cette fondation pour tout le travail de réhabilitation et de découverte, mais saluons aussi le travail effectué avec moins de moyen mais de beaux résultats par Ryan Brown et son Opera Lafayette. Avec Herculanum, c’est tout le faste du Grand Opéra qui est présenté, et sans l’orientalisme souvent associé à la musique de Félicien David. Grand succès lors de sa création, l’œuvre restera de nombreuses années à l’affiche avant de sombrer dans l’oubli. Ce retour en grâce nous livre une partition passionnante et digne des plus grandes compositions lyrique de l’époque, dans des conditions d’écoutes grandioses. Continuer…

Fervaal mérite tellement mieux…

fervaal_malibranVincent d’Indy fait partie de cette génération de compositeurs français marqués dans leur jeunesse par le Grand Opéra alors maître sur la scène de l’Opéra de Paris, avant d’être frappés par l’arrivée de Richard Wagner. Tout comme Paul Dukas ou Ernest Chausson, Vincent d’Indy composa finalement peu d’opéra (seulement cinq) mais beaucoup de musique symphonique. Parmi les opéras, ne sont disponibles à l’écoute que L’Étranger et Fervaal. Alors que le premier se distingue par un naturalisme teinté de fantastique dans la dernière scène, Fervaal est particulièrement marqué par les deux modèles qui s’entrechoquent dans l’esprit du compositeur. Plongeant dans une mythologie française teintée de religion celtique, cet opéra est souvent comparé à Parsifal par son thème et ses personnages. Mais par sa science symphonique, d’Indy se distingue du modèle germanique en trouvant des couleurs toutes françaises et lumineuses. Malibran nous propose ici la captation de 1962 réalisée pour la Radio Française. Malheureusement, les conditions d’écoutes sont loin de rendre justice à la partition : interprétation banale, énormes coupures, orchestre très sec et en retrait… Difficile dans ces conditions se faire une idée de l’œuvre, qui se révèle pourtant grandiose dans son entièreté. Continuer…