Written on Skin, contemporain mais déjà presque au répertoire!

En juillet 2012, le Festival d’Aix-en-Provence voyait la création d’un opéra contemporain qui restent souvent lettre morte après quelques représentations. Written on Skin de George Benjamin bénéficiait d’une distribution de haute volée et d’une mise en scène très intelligente. Bien sûr quelques reprises étaient prévues étant donné que la commande n’était pas que du festival seul… mais depuis, l’ouvrage semble s’être installé comme l’opéra récent le plus joué, bénéficiant même de quatre nouvelles productions scéniques après l’originale, preuve de son entrée progressive au répertoire de plusieurs maisons d’opéras. Pourtant l’ouvrage n’est pas simple d’accès ni simple à monter, ayant été composé pour de fortes personnalités et un orchestre très riche. Le livret de Martin Crimp n’aide pas forcément à rentrer dans une histoire très lointaine et qui pourrait laisser de marbre les contemporains. Mais il semble que l’ouvrage plaise et voici donc ce qui restera sûrement comme la création des années 2010 dans le domaine de l’opéra. Durand le Festival Présence consacré au compositeur George Benjamin, voici que nous était proposé pour la deuxième fois en quelques années cet opéra, mais cette fois dans une salle de concert et non plus dans une salle de théâtre comme cela avait été le cas en 2013 à l’Opéra-Comique. Continuer…

Mirella Freni : 1935 – 2020

Le 9 février 2020 s’est éteinte Mirella Freni à l’âge de 84 ans. Celle qui est présentée sous le nom de « Prudentissima », celle que tout le monde rapproche avant tout de Mimi dans La Bohème ainsi que de celui qui fut justement souvent son partenaire dans ce rôle : Luciano Pavarotti. Elle prenait congés des scènes en 2004 à la mort de Nicolai Ghiaurov… et quinze ans plus tard elle disparait. Mirella Freni, restera bien sûr dans les mémoires collectives… mais elle restera aussi pour moi la première. Car elle faisait partie de mon premier opéra acheté, car elle m’a fait découvrir un certain nombre d’ouvrages juste parce qu’elle le chantait. Le timbre, la musicalité, la délicatesse des portraits tout en donnant une force vitale immense au personnage… Voilà ce qui composait une chanteuse d’opéra immense par le talent, mais aussi d’une grande modestie et d’une grande sagesse. Toujours soucieuse de donner le meilleur d’elle-même, de ne jamais forcer sur son instrument pendant cinquante ans d’une carrière des plus riches, d’apporter sa touche personnelle aux personnages qu’ils soient parfaitement dans ses cordes vocales ou même qu’ils les dépassent un peu. Elle aura donné de magnifiques souvenirs à bien des spectateurs et auditeurs. Arrivé trop tardivement dans le monde passionnant de l’opéra, je n’ai jamais eu la chance de l’entendre en salle, mais rien que la croiser un jour au Théâtre du Châtelet restera un grand souvenir… Continuer…

Esclarmonde de Massenet… à quand une version moderne?

Si l‘on ne joue actuellement que quelques rares ouvrages de Jules Massenet sur les scènes d‘opéras, il ne faut pas oublier toutes les partitions magnifiques qui n‘attendent que le courage d‘un directeur pour revenir sur le devant de la scène… Actuellement, en dehors de Manon, Werther et éventuellement Thaïs, on n‘entend que trop rarement Le Cid, Cléopâtre, Le Roi de Lahore, Cendrillon ou encore Esclarmonde! Cette dernière partition a eu la chance de bénéficier du support de Richard Bonynge et Joan Sutherland dans les années soixante-dix, lui évitant ainsi de tomber dans le plus grand oubli comme peuvent l‘être Ariane ou encore Bacchus (qui devrait être donné en juillet à Montpellier!). Ainsi, nous avons eu droit à un enregistrement studio, un témoignage en direct aussi… et puis quelques autres enregistrements : des extraits de 1963 avec la troupe de l‘Opéra de Paris ainsi qu‘un enregistrement de 1992 du Festival Massenet de Saint-Étienne. On trouve aussi par des moyens détournés la prestation de la jeune Alexandrina Pendatchenska qui triompha à seulement 22 ans dans ce rôle à Turin. Mais officiellement, nous n‘avons donc que deux enregistrements aussi différents qu‘ils sont passionnants! Continuer…

Elsa Dreisig nous promène entre Duparc, Rachmaninov et Strauss

Même si les bonnes manières trouvent indélicat de donner l’âge des dames, il faut tout de même indiquer celui d’Elsa Dreisig pour mesurer toute l’étendue du talent de la jeune soprano franco-danoise. À tout juste 29 ans, voici qu’elle nous propose un deuxième disque chez Erato, mais aussi un voyage artistique mené de main de maître. Après avoir été Elvira dans Les Puritains cet automne à l’Opéra-Bastille, voici qu’elle entame une tournée autour de son nouveau récital « Morgen » où se côtoient des mélodies de Duparc, Rachmaninov et Strauss. Ces trois noms sont sans doute parmi les plus grands représentants des écoles respectivement française, russe et allemande de la mélodie. Malgré tout, le Théâtre des Champs-Élysées n’était pas plein, à tel point que ce dernier a offert des places à ses abonnés… triste monde où de tels programmes n’arrivent pas à remplir un théâtre, surtout qu’Elsa Dreisig est précédé d’une assez flatteuse réputation dans ce répertoire de la mélodie. Bien loin donc de la folie d’Elvira, voici qu’elle doit concentrer ses effets pour donner tout son sens à ce programme superbement construit. Continuer…

Cadeau de Cecilia Bartoli à la Philharmonie

Comme presque tous les ans, Cecilia Bartoli nous a fait un cadeau de Noël en avance avec un récital paru au mois de novembre. Replongeant sur les traces de son splendide Sacrificium de 2009, elle repart sur les traces des castrats, mais cette fois en se centrant sur la figure emblématique de ces illustres chanteurs : Farinelli ! Cela nous vaut une pochette comme toujours très étrange, mais qui accroche l’œil, et des airs superbes même si nous avons moins d’inédits que souvent étant donné combien le répertoire de ce castrat a été enregistré de nombreuses fois notamment par Ann Hallenberg. Cette dernière a d’abord effectué une tournée avec Christophe Rousset, puis a publié il y a peu un disque qui permet d’entendre les variations annotées par Farinelli lui-même sur les partitions qui existent encore ! Bien sûr, toute sortie de disque par Bartoli est suivie par une grande tournée lui permettant de se montrer sous son meilleur jour. Mais au lieu cette fois de reprendre les airs enregistrés au disque, elle va aller piocher dans d’autres disques, voir dans des rôles chantés il y a peu… et même nous offrir une mise en scène ! Comme toujours, Cecilia Bartoli est très généreuse avec son public ! Continuer…

André Messager enfin pris au sérieux pour un splendide Fortunio à l’Opéra-Comique

Pour la troisième année maintenant, Louis Langrée revient au mois de décembre pour une production française : après Le Comte Ory de Rossini en 2017 puis Hamlet de Thomas l’année dernière, il reprend la production de 2009 de Fortunio de Messager. La production avait été saluée lors de sa création il y a maintenant dix ans et son retour était de très bon augure, surtout avec la distribution qui voyait dans les deux rôles principaux des interprètes particulièrement à l’aise dans ce répertoire Anne-Catherine Gillet et Cyrille Dubois. Les ouvrages lyriques d’André Messager sont majoritairement légers et comiques avec beaucoup d’opérettes comme Les P’tites Michu remises sur scène par la Fondation Bru Zane il y a quelques temps. Mais Fortunio n’est pas de cette trempe car si le sujet reste léger, la partition est autrement ambitieuse et démontre que l’on peut faire souriant sans pour autant faire simple. Créée en 1907, la partition sera saluée par les plus grands compositeurs de l’époque. Avec les forces réunies par l’Opéra-Comique tant d’une point de vue musical que scénique, on ne pouvait que passer un bon moment, surtout dans ces temps un peu complexes à Paris… et nul doute vu l’ovation lors de saluts que l’ensemble de la salle a passé un excellent moment de musique et de théâtre ! Continuer…

Isis en concert par Christophe Rousset : confrontation avec un disque splendide!

Début novembre nous parvenait enfin le témoignage du concert donné à Beaune cet été par Les Talens Lyriques : Isis de Lully. Car si la représentation publique avait eu lieu le 12 juillet, les 11, 13 et 14 juillet c’était l’enregistrement studio qui se déroulait Salle Gaveau, donnant lieu à un disque venant compléter la déjà très grande collection lullyste de l’ensemble. Les derniers ouvrages enregistrés avaient montré combien Christophe Rousset savait donner vie à des partitions aussi variées qu’Armide ou Alceste qui sont aux deux extrêmes de la production du compositeur italien. Avec Isis, c’est un ouvrage à part qui est proposé car Lully semble avoir voulu ici faire taire les mauvaises langues qui critiquaient la rigueur de sa musique. Que de couleurs, d’inventivités et de beautés dans une partition qui sera imitée dans des ouvrages tels que Hippolyte et Aricie par exemple ! Ce concert se tient donc alors que le disque est disponible depuis un mois, alors que la précédente représentation date de presque 5 mois… Et peut-être à cause de cela, on n’en est que plus difficiles sur le rendu et l’on entend toujours mieux les petites imperfections d’un concert en direct alors que l’enregistrement était splendide ! Continuer…

Ercole Amante, quand l’Opéra-Comique sert brillamment Cavalli avec Pygmalion

Si l’Opéra-Comique se fait fort de défendre le répertoire français baroque ou romantique, il lui arrive aussi de remonter des ouvrages totalement en dehors de sa mission patrimoniale pour notre plus grand plaisir. Et au final, même si pour ce concert l’opéra était en italien, il a tout de même été composé pour Paris ! Cet Ercole Amante a été commandé par le cardinal de Mazarin pour fêter les noces du jeune Louis XIV avec Marie-Thérèse d’Autriche. Nous ne sommes donc pas si loin de sa mission première puisque que nous explorons ici encore une rareté qui a trait avec la source de l’opéra français tant Cavalli influencera le jeune Lully qui n’a pas encore posé les bases de sa tragédie en musique. Pour monter dans de bonnes conditions cet ouvrage gigantesque, l’Opéra-Comique s’est appuyé sur des valeurs sûres en choisissant Raphaël Pychon pour la partie musicale ainsi que le duo Valérie Lesort et Christian Hecq pour la mise en scène. Le premier s’est illustré dans un splendide Orfeo de Rossi il y a quelques années à Nancy et Versailles entre autre alors que le duo de metteurs en scène avait produit à l’Opéra-Comique un Domino Noir salué par presque l’intégralité de la critique pour son inventivité. Car si l’ouvrage est rare, il est aussi difficile à tenir de par sa durée mais aussi son format qui oscille entre l’opéra italien et le français, Cavalli trouvant des moyens qu’il a eu le plaisir d’utiliser et des contraintes qu’il ne pouvait ignorer. Continuer…

La Reine de Saba de Gounod, immense merci à Marseille et aux artistes!

Après le grand succès de Faust et les légèretés de La Colombe ou Philémon et Baucis, Charles Gounod allait tenter de trouver le succès sur la scène de l’Opéra de Paris. Il y a pourtant créé ses deux premiers ouvrages, mais si Sapho aura un succès d’estime, La Nonne Sanglante sera un grand échec. À l’origine, La Reine de Saba était prévu pour le Théâtre-Lyrique de Léon Carvalho. Mais deux éléments vont faire migrer le projet : tout d’abord le Théâtre-Lyrique allait être frappé d’expropriation début 1862 afin de percer la place de la République… mais cela s’ajoute l’ampleur de l’ouvrage qui rendait difficile les représentations dans un théâtre de dimension assez moyenne, tant en terme de moyens financiers que matériels. Aussi, Charles Gounod va se tourner vers la grande scène parisienne pour tenter d’y trouver enfin le succès. Malheureusement ce ne sera pas le cas… seulement quinze représentations avant que l’ouvrage ne soit supprimé de l’affiche. Il faudra donc attendre 1869 pour qu’enfin Gounod soit célébré sur la scène de la salle Le Pelletier… mais ce sera pour l’arrivée non pas d’un nouvel opéra mais de Faust. Depuis, quelques reprises disparates ont tenté de faire renaître La Reine de Saba : Michel Plasson le monte à Toulouse en 1969, le festival Martina Franca le donne en 2001 avec une reprise en 2003 à Saint-Étienne… et en 2018 à Boston par l’Odyssey Opera. Mais enfin une nouvelle version en France avec des artistes de premier plan ! Continuer…

Trio Ayonis, entre chansons et mélodies

Enguerrand de Hys fait partie des noms qui apparaissent régulièrement sur les programmes, souvent dans des petits rôles comme ce fut le cas dans La Nonne Sanglante, Fantasio ou Armide ces dernières années… Et le ténor se montre toujours aussi parfait vocalement, avec des personnages très bien calibrés pour sa voix. Mais récemment, c’est dans Tarare qu’il a marqué les esprits, chantant le rôle de Calpigi avec malice mais aussi cette dose de danger dans la voix lorsqu’il menace son maître. On sent que le chanteur a un grand potentiel pour donner vie à ces personnages même s’ils sont souvent très courts. Aussi, voyant qu’il allait donner un concert à Paris avec un programme original et intéressant… je me renseigne un peu et découvre ce Trio Ayonis formé avec Élodie Roudet et Paul Beynet. Les trois musiciens sont jeunes, particulièrement investis dans ces programmes qui mêlent mélodies, chansons et airs d’opéra. Aussi, après une rapide découverte sur Internet, voici que ce concert est obligatoire. Après le Gala Bru Zane, le format est bien sûr plus intime mais la curiosité est forte ! Continuer…