Le Requiem Ut Majeur de Gounod par le Chœur de chambre Les Temperamens Variations

Les concerts consacrés à Charles Gounod sont rares… encore plus rares quand cela concerne sa musique religieuse. Même si cette dernière est une part très importante de sa composition, elle n’est finalement qu’assez peu enregistrée en dehors de la fameuse Messe solennelle de sainte Cécile qui aura eu son heure de gloire et plusieurs enregistrements. Les autres messes, motets ou chœurs religieux sont quasi absents alors que ses mélodies commencent à être plus données, que tous ses opéras (en dehors de Maître-Pierre qui pose souci de part sa forme) sont bien documentés… et qu’on a même maintenant des disques consacrés à ses symphonies ou son œuvre pour piano!! Alors quand au détour d’un réseau social un ami pointe ce concert organisé par le Chœur de chambre Les Temperamens Variations au Temple des Batignolles, il n’était pas question de passer mon tour! Une marche pour orgue, deux chœurs avec orgue et le fameux Requiem en Ut Majeur ! On retrouve ici deux œuvres du milieu de vie de Charles Gounod (fin des années 1860, aux alentours de la composition de Roméo et Juliette) pour la Prière du Soir et le Stabat Mater, alors que la Marche et le Requiem sont parmi les dernières compositions du maître (le Requiem est d’ailleurs selon Henri Büsser la dernière partition d’envergure sur laquelle il a travaillé puisqu’il serait mort en jouant une réduction piano de la pièce). Continuer…

La Rédemption, premier grand oratorio de Gounod laissé dans l’oubli.

À l’automne 1868, alors qu’il n’avait que peu écrit depuis le succès de Roméo et Juliette, Gounod pense à composer un oratorio sur Sainte-Cécile. Il se rend alors à Rome pour essayer d’y trouver l’inspiration. Mais malgré sa visite à l’église Santa Cecilia, l’inspiration ne vient pas et à le début du mois de janvier 1869, il abandonne le projet alors qu’une tout autre jaillit dans son esprit : toujours un oratorio, mais oubliant la sainte patronne des musiciens, il imagine un projet autour de La Rédemption. On connaît la religiosité de Gounod et l’on ne s’étonne pas que ce sujet puisse lui faire venir de nombreuses idées tant musicales que sur le texte qu’il décide d’écrire lui-même. Il débute la composition le 9 janvier et le 13 voici qu’un grand morceau est déjà écrit sur un calepin. Le 6 février, tout le livret est écrit. Puis, le retour à Paris l’oblige à passer à d’autres sujets comme les répétitions de Faust pour son entrée à l’Opéra. Viennent ensuite d’autres projets d’opéra, l’exil en Angleterre… et il faudra attendre 1880 pour qu’il se remette à la tâche alors que Le Tribut de Zamora ne rencontre pas le succès qu’il espérait. La composition se fait rapidement, pouvant enfin écrire “une œuvre toute selon mon cœur” (lettre à sa femme du 19 janvier 1869). Au printemps 1881, l’ouvrage est achevé, relu et corrigé en septembre 1881. La Rédemption sera créée le 30 août 1882 à Birmingham dans une traduction anglaise avec 400 choristes et un orchestre de 140 musiciens. La création aura été un grand succès et l’œuvre sera d’ailleurs reprise régulièrement en Angleterre. Le 22 avril, Bruxelles peut l’entendre… et l’oratorio sera créé le 3 avril 1884 au Trocadéro alors que l’Opéra ainsi que l’Opéra-Comique réclamaient cette création. Continuer…

Le Tribut de Zamora, ultime opéra de Gounod.

Le dernier opéra de Charles Gounod est Le Tribut de Zamora. Alors que Polyeucte est en cours de répétition en cet été 1878, le directeur de l’Opéra de Paris de l’époque lui propose ce livret d’Adolphe d’Ennery écrit en collaboration avec Jules-Henri Brésil. Il semble qu’il avait déjà été proposé auparavant à Verdi qui l’avait refusé. Dès la première lecture, Gounod peut comprendre pourquoi et il s’en plaint d’ailleurs à ses anciens librettistes : la qualité des vers n’est pas forcément au rendez-vous et le compositeur devra retravailler le livret un certain temps avant de pouvoir commencer sa composition. L’opéra doit être joué en fin d’année 1879, mais Gounod demande finalement un nouveau délai et l’ouvrage sera finalement créé le 1er avril 1881 sur la scène du Palais Garnier. Si les premières représentations furent assez réussies, l’œuvre ne resta pas très longtemps à l’affiche avec seulement 47 représentations en 1881, puis trois autres en 1885 afin que la 50e soit atteinte et permette donc aux auteurs de toucher une prime. Aucune reprise par la suite et en dehors d’un air de Xaïma enregistré par Joan Sutherland dans son disque French Romantic Arias, difficile de se faire une idée de la partition. Et la lecture de retours était plutôt mauvaise. Mais en janvier 2018, le Palazzetto Bru Zane enregistre enfin cet ultime opéra de Gounod pour que chacun puisse se faire une idée. Continuer…

Roméo et Juliette à Bastille : Plaisir de yeux et joie des oreilles pour l’opéra de Gounod!

Est-ce une façon de combler un manque en 2018 où l’Opéra National de Paris n’avait pas été capable de programmer un opéra de Gounod? Ou alors une simple coïncidence? Toujours est-il qu’en ce 17 juin 2023, nous fêtions les 205 ans de Charles Gounod et cela tombait le jour de la première de la nouvelle production de Roméo et Juliette. Si l’ouvrage avait été donné à Paris notamment en 1994 avec Robeto Alagna et plus récemment en 2021 avec Pene Pati (les deux fois à l’Opéra-Comique), il fallait remonter à décembre 1985 pour retrouver l’ouvrage à l’affiche de la première scène d’opéra parisienne. Entre temps, quelques Faust, une épisodique Mireille… et des musiques de ballet de Faust. Il était temps que Gounod revienne, surtout après les réussites relatives des deux dernières productions de Faust! Et là, à en juger par l’accueil de la salle, la réussite est totale! Il faut dire que nous avions un couple assez parfait, une mise en scène magnifique et intelligente… et une partition enfin respectée! Quel bonheur de voir ce Roméo et Juliette ainsi servi, donné avec beaucoup de soins et de moyens! Continuer…

Polyeucte, l’opéra d’une vie pour Gounod mais malheureusement un échec public.

Voici donc le fameux Polyeucte dont nous avons déjà parlé dans l’article précédent consacré à Cinq-Mars. La composition ayant été antérieure mais la création postérieure, il y avait forcément à dire aussi sur cet opéra chrétien qui tenait tant à cœur à notre Charles Gounod. L’idée lui serait venue durant l’hiver 1868-1869 à Rome. Si son ami Charles Gay aurait vu Gounod en extase mystique dans une église se relevant soudain et criant “Ah! mon Dieu, oui, je sens que vous le voulez! J’obéirai. Votre nom sera glorifié sur la scène comme il doit l’être en tous lieux”, on peut imaginer qu’il a légèrement enjolivé la situation, le compositeur (toujours selon Charles Gay) en expliquant même qu’il a eu une vision de la partition. Si tel était le cas, cela voulait dire que tout était déjà fait et prêt dans son esprit. La suite de la composition montrera bien qu’il n’en était rien. Il ne faut pas oublier que Gay était un évêque français et a peut-être un petit peu trop brodé sur les paroles de son ami. La composition sera difficile, subissant de nombreux retards… et l’ouvrage sera finalement proposé au public en 1878 seulement, sur la scène du nouvel Opéra Garnier. Malheureusement pour le compositeur, le public ne sera pas réceptif à son ouvrage qui ne restera que 29 soirs à l’affiche. Continuer…

Cinq-Mars, un grand succès de Gounod malheureusement tombé dans l’oubli

Comme souvent après une grande période créative, Charles Gounod doit se reposer après la création de Roméo et Juliette en 1867. Pour se faire, il quitte Paris et part s’installer à Rome où sa ferveur religieuse le fait travailler sur un projet d’opéra chrétien : Polyeucte. Cette composition va l’occuper dans les années qui suivent mais en 1870 la guerre le fait quitter la France pour aller se réfugier en Angleterre où il terminera Polyeucte. Quatre ans après le début de son exil, il retourne en France. Certes il n’avait pas chômé entre temps avec de nombreuses compositions comme les musiques de scène pour Les Deux Reines de France de Legouvé, ou Jeanne d’Arc de Barbier. À son retour en 1874, des soucis d’ordre judiciaire l’empêchent sûrement de chercher une salle pour la création de Polyeucte (ou alors l’incendie de la Lepelletier en 1873 empêche la création à l’Opéra de Paris) et il ne compose pas de musique dramatique. En 1876, Léon Carvalho reprend la direction de l’Opéra-Comique et demande à Gounod un opéra pour sa première saison. Il n’y a donc que peu de temps pour travailler et étonnamment, il va composer son Cinq-Mars en cinquante-neuf jours seulement! Lui qui d’habitude prenait beaucoup de temps pour faire son métier de compositeur dramatique semble avoir été particulièrement inspiré ici car malgré le délai très court, la partition regorge de merveilles et d’inventivité. Même si l’ouvrage a été composé après Polyeucte, il sera créé le 5 avril 1877 alors que Polyeucte sera créé l’année suivante. Continuer…

Roméo et Juliette : Dernier grand succès de Charles Gounod à l’opéra

En avril 1865, Gounod commence la composition d’un nouvel opéra : Roméo et Juliette. Déjà en 1841 il avait composé un envoi obligatoire sur ce sujet depuis la Villa Médicis suite à son Prix de Rome. Presque vingt-cinq ans plus tard, voici que le rêve va devenir réalité. Rêve à plus d’un titre puisque non seulement il peut enfin se lancer dans ce projet, mais celui-ci sera couronné de succès. Ce sera d’ailleurs le dernier grand succès du compositeur, ses trois derniers opéras ne rencontrant au mieux qu’un succès d’estime et sombrant dans les oubliettes (même si on dispose d’enregistrements qui feront l’objet d’articles suivants!). Après Faust en 1859 et dans une moindre mesure Mireille en 1864, voici sans doute le troisième opéra de Charles Gounod qui lui survécu pendant de nombreuses années. Il faut dire que le sujet est assez vendeur… et le compositeur y a mis toute sa science pour nous offrir bien plus que quatre duos d’amours comme certains aiment à caricaturer cet opéra. Comme pour ses illustres devanciers, l’opéra a été remanié de nombreuses fois et il sera difficile de dire ce qui est de la coupure ou de l’emprunt à une édition particulière dans la suite de l’article. Mais en se référant à deux partitions et à deux enregistrements assez complets, on peut juger tout de même du travail éditorial réalisé lors des différents enregistrements studio. Continuer…

En 2022, Oya Kephale rend hommage à César Franck et Charles Gounod!

C’est en 2019 que pour la première fois j’allais écouter Oya Kephale dans un concert… Orchestre et chœur amateurs d’un très bon niveau, ils sont depuis devenus des rendez-vous presque obligés tant pour les concerts de décembre que pour ceux du printemps qui mettent en scène un ouvrage d’Offenbach. Au printemps 2022, c’était ainsi un superbe Barbe-Bleue alors qu’en ce mois de décembre, ce sera un double hommage à Gounod et Franck. César Franck bien sûr car on fête cette année le bicentenaire de sa naissance. Le Palazetto Bru Zane avait proposé entre autres Hulda, et Oya Kephale nous offre les Sept paroles du Christ en croix. En 2020, un programme Gounod devait être donné… mais il sera malheureusement annulé pour la cause que l’on connaît tous. L’année dernière était dévolue à Camille Saint-Saëns pour célébrer le centenaire de sa mort. Mais donc retour à Gounod en 2022 où la troupe nous offre un quasi inédit : la Messe des Anges Gardiens. À cela s’ajouteront des extraits de Faust. Malgré le froid qui a imprégné l’église Saint-Marcel, le public était au rendez-vous pour ce programme assez ardu et où seuls les certains extraits de Faust étaient connus de tous! Continuer…

Mireille de Gounod : Difficile carrière d’une provençale à Paris.

Après le relatif échec de La Reine de Saba en début d’année 1862, Gounod se tourne vers un sujet qui n’est pas du tout comparable, mais qui ne risque pas de s’attirer les bonnes grâces du public. Il découvre en effet durant l’hiver 1862-1863 le poème Mirèio de Frédéric Mistral et lui demande immédiatement s’ il peut en tirer un opéra. La réponse sera positive et Gounod ira s’installer à Saint-Rémy-de-Provence pour s’imprégner de la Provence et être juste à côté du père de Mireille avec qui il échange très régulièrement durant des longues promenades dans divers lieux. Si pour Sapho quelques petits moments musicaux pouvaient faire penser à la méditerranée, ici il va noter des mélodies entendues, des impressions sur les lieux… tout cela pour essayer de les transcrire dans sa musique, non pas seulement “faire” couleur local mais bien mettre des touches mélodiques et des rythmes qui nous plongent dans cette histoire tragique. On peut bien se douter que le parisien qui avait lu le poème et celui qui devait aller découvrir l’opéra de Gounod n’étaient pas les mêmes et surtout n’avaient pas les mêmes attentes. Alors que triomphait à Paris La Belle Hélène d’Offenbach, que Paris était le centre du monde… Proposer une intrigue si éloignée et de plus tragique n’était pas une garantie de succès. Et en effet, le succès ne fut pas au rendez-vous. Continuer…

Premier Grand-Opéra pour Gounod avec La Reine de Saba et échec cuisant.

Durant l’automne 1860, encore tout auréolé de ses récents succès, Charles Gounod se plonge dans une nouvelle composition : La Reine de Saba. Basé sur un extrait de la traduction par Gérard de Nerval des 1001 Nuits, le sujet semblait parfaitement calibré pour l’Opéra de Paris. Pourtant à l’origine il devait être créé au Théâtre Lyrique. Mais ce sera finalement à l’Opéra de Paris le 28 février 1862 que l’œuvre prit vie… malheureusement seulement pour quinze représentations. Depuis, cet opéra a vu quelques retours sur scènes (très rares) et surtout reste parmi les partitions du compositeur les moins appréciées dans la littérature qui lui est consacrée. La version de concert de Marseille en 2019 avait donné lieu à un article ici-même où un historique de la création avait été fait. Il ne sera donc pas nécessaire de refaire le même travail. Grâce à une analyse très fouillée de Gérard Condé dans son livre consacré à Charles Gounod, on mettra en avant les fameux motifs récurrents de la partition et surtout il faut reparler de la beauté de cette partition certes inégale mais foisonnante et fascinante. Et le but principal de cet article : un retour et une comparaison des trois versions officiellement disponibles de cet opéra. Continuer…