Georges Bizet est connu comme le compositeur d’un opéra : Carmen. Mais douze ans plus tôt, il proposait Les Pêcheurs de Perles qui n’eurent malheureusement pas le succès attendu suite à des critiques plutôt dures pour ce sublime opéra. De 1863 à 1886, il restera donc dans l’ombre… mais après le triomphe de la cigarière, le directeur de l’Opéra-Comique veut profiter du nom de Bizet et décide de remonter ces Pêcheurs. Malheureusement cette reprise en 1893 verra l’œuvre défigurée suite à la perte de la partition originale. Et c’est cette version défigurée qui sera popularisée et enregistrée jusque dans les années soixante-dix. De nos jours encore il est fréquent de n’entendre que cette version remaniée et appauvrie. Il est aussi récurent d’entendre l’ouvrage chanté dans un style tout sauf français. Il y a une grande tradition internationale pour cet ouvrage mais il était durant de nombreuses années au cÅ“ur du répertoire de l’Opéra de Paris. Aussi, la présence de trois chanteurs dont on ne peut remettre en cause l’engagement dans le répertoire français était une très belle promesse ! Continuer…
Author: Erik
Alcyone, entre tradition et nouveauté
Élève de Lully, Marin Marais a baigné depuis ses débuts en tant que musicien professionnel dans la tragédie lyrique telle que pensée par son maître. Il était donc logique qu’il se laisse tenter par une composition d’un opéra et Alcyone ouvrira sa prise de fonction en tant que batteur de mesure à l’Académie royale. Mis en lumière dans le film Tous les matins du monde, ce compositeur a le soutien de Jordi Savall qui voulait depuis de nombreuses années monter une production scénique de cette Å“uvre. Si l’on avait déjà un enregistrement réalisé en 1990 par Marc Minkowski ainsi que Sémélé dirigé par Hervé Niquet en 2006, la production lyrique de Marin Marais n’était que peu disponible malgré le succès qu’il a eu en son temps. En effet, créée en 1706, la partition sera reprise jusqu’en 1771 avec des adaptations et des révisions mais toujours avec le même succès. L’Opéra-Comique offrait enfin la possibilité au chef de réaliser l’un de ses plus grands souhaits, mais aussi au public de découvrir la puissance théâtrale de l’ouvrage qui revient sur la scène d’un théâtre 246 ans après sa dernière production scénique. Autre raison de se réjouir, la salle de l’Opéra-Comique est enfin ré-ouverte après vingt mois de travaux et comment rêver un meilleur écrin pour ce retour sur scène d’Alcyone qu’une salle merveilleusement restaurée avec un chef aussi passionné par Marin Marais ? Continuer…
Rimsky-Korsakov et sa Fille de Neige à Bastille
Enfin !! Après un Rimsky-Korsakov en version de concert à la Philharmonie la saison dernière, voici que le compositeur se voit offrir une nouvelle production sur la scène de l’Opéra de Paris. Avec Snegourotchka, nous n’avons peut-être pas la partition la plus personnelle et foisonnante du compositeur, mais enfin l’on peut vivre l’une de ses Å“uvres dans son intégralité. Il y a quelques saisons la rumeur parlait de Kitège et nous aurions alors eu l’un des chefs d’œuvres de Rimsky-Korsakov. Le choix de cet opéra semble assez étrange tant il est typiquement russe et marqué par la tradition là où d’autres de ses ouvrages sont plus épiques et dramatiques. Et à l’origine la distribution réunie semblait étrange avec la majorité des grands rôles tenus par des artistes non russophones. Mais deux annulations ont rendu cette troupe de chanteurs beaucoup plus homogènes même si l’on perdait un peu en éclat. De l’éclat justement on pouvait aussi en attendre du metteur en scène Dmitri Tcherniakov qui propose toujours un spectacle personnel et controversé.
Lucy Arbell, Voix d’ombres et de lumière
La période faste de Jules Massenet à l’opéra est surtout marquée par la période où sa muse était Sibyl Sanderson pour qui il composa par exemple Thaïs ou Esclarmonde et qui triompha dans le rôle de Manon. Mais la dernière grande muse du compositeur stéphanois est Lucy Arbell, chanteuse moins connue et pour qui il composa de superbes rôles mais malheureusement dans des opéras qui n’ont pas eu la triomphe d’autres partitions, ou alors qui ont sombré dans l’oubli. Si l’on ajoute à cela les déboires juridiques après la mort du compositeur et les rumeurs peu flatteuses qui lui prêtaient une liaison avec le compositeur alors au crépuscule de sa vie, ce portrait est alors peu flatteur. Lucy Arbell est donc un nom, dont on ne connait au final que peu la voix tant les compositions qui lui ont été offertes ont été enregistrées rarement alors que fort bizarrement nous n’avons conservé aucun enregistrement de cette chanteuse alors particulièrement connue ! Aussi, ce livre d’Hervé Oléon dévoile un personnage peu connu qui eut un rôle si important dans l’art et la vie de Jules Massenet. Continuer…
Macbeth et sa femme à Avignon
Parmi les ouvrages de la première moitié de sa carrière, Macbeth est une Å“uvre à part tant les couleurs et le style sont particuliers. Verdi y a mis toute son inventivité pour créer non seulement les passages des sorcières mais aussi le personnage central de Lady Macbeth. Car si le titre rend hommage au général d’armée, c’est plus sa femme qui retient l’attention dans l’ouvrage car elle possède un langage et un charisme rarement donné à un personnage. La production donnée à Avignon avait recueilli de belles critiques lors de sa création à Marseille, tout comme la présence du baryton espagnol Juan Jesus Rodriguez. Mais ce qui a attiré l’attention est la présence d’Alexandrina Pendatchenska, chanteuse ô combien charismatique pour un rôle si important. Aussi l’attente était forte… et le résultat saisissant et passionnant ! Alors que la précédente version de Macbeth vue était la production de Tcherniakov avec une distribution un peu bancale, quel plaisir d’entendre ces voix taillées à la dimension des rôles dans une belles mise en scène ! On en redemande… Continuer…
Cyril Auvity, divin Orfeo de Monteverdi
Depuis quelques années, Paul Agnew explore tous les livres de madrigaux de Claudio Monteverdi. Après avoir chanté et donc dirigé cette très large composition de celui qui est considéré comme l’inventeur de l’opéra, le haute-contre nous propose un Orfeo où il met non seulement en avant la beauté de la partition, mais aussi tout le talent des Arts Florissants en tant qu’ensemble instrumental comme vocal. Car au travers de cette production, c’est toute cette grande famille qui est mise en lumière. Le chef historique William Christie cède sa place à son protégé mais les participants sont les amis de toujours, les admirables musiciens qu’on retrouve dans de nombreuses productions de l’ensemble. Présentée comme uniquement mise en espace dans le programme de la Philharmonie de Paris, ce spectacle sera finalement total car c’est l’intégralité de la mise en scène créée à Caen qui est offerte au public pour une immersion dans un monde musical et mythologique sidérant de beauté. Continuer…
Jeanne d’Arc et Tchaikovsky : Succès parisien
La venue de la troupe du Bolchoï est déjà un immense événement, mais quand en plus il vient offrir au public parisien un ouvrage aussi rare que La Pucelle d’Orléans de Tchaïkovsky, comment résister ? Et il semble que le public est venu en masse pour voir cette partition passionnante du compositeur. Rarement donnée surtout en dehors de la Russie, elle est aussi rare au disque puisque l’on ne trouve que deux versions studio et une captation en direct… ainsi qu’un DVD. Pourtant basé sur une pièce de Schiller, cet opéra russe a tout pour passionner les occidentaux et encore plus la France avec l’un de ses personnages historiques. Mais en dehors de quelques rares représentations et de l’air de l’héroïne, l’opéra reste peu diffusé. Heureusement cette soirée aura fait découvrir la partition passionnante dans de formidables conditions. On ne peut que remercier Tugan Sokhiev et la Philharmonie de Paris pour nous avoir fait ce superbe cadeau ! Espérons que l’expérience soit renouvelée dans les saisons à venir ! Continuer…
Ludovic Tézier : Simon de concert
Ouvrage fascinant, Simon Boccanegra reste un des chef-d’œuvres trop peu montés de Verdi. Bien sûr, la partition est connue grâce entre autre à la mythique production dirigée par Abbado et mise en scène par Strehler qui alignait une distribution grandiose (Cappuccilli, Freni, Ghiaurov…). Mais face à des ouvrages tels que La Traviata ou Il Trovatore, la partition manque de notoriété et est principalement montée pour un grand baryton capable de tenir l’ouvrage. Car c’est peut-être l’un des plus beaux rôles de barytons qu’ait composé Verdi. La complexité psychologique et le charisme qu’il donné au Doge est assez unique dans son Å“uvre. Aussi, quand il a été annoncé que Ludovic Tézier devait chanter le rôle, et de plus accompagné par Sondra Radvanovsky… on espérait une immense soirée. Le résultat fut en effet très bon, mais toujours avec l’ombre de grands interprètes. Car deux prises de rôles en version de concert, cela n’aide pas à créer des personnages totalement convaincants. Continuer…
Orfeo de Rossi : Immense réussite
Lorsque l’on évoque le personnage d’Orphée à l’opéra, on pense bien sûr à l’œuvre de Monteverdi qui a été considéré à tord comme le premier opéra… ou encore les différentes partitions de Gluck… voir même l’Orphée aux Enfers d’Offenbach. Mais restent dans l’ombre des partitions fascinantes concernant cette légende. La Morte d’Orfeo de Landi par exemple qui raconte la fin de vie du poète et qui est justement la suite du spectacle qui nous occupe : l’Orfeo de Luigi Rossi. Composé l’époque où Monteverdi offrait son Incoronazione di Poppea, on y retrouve la même structure alternant passages comiques et grande tragédie, la même puissance du texte et du théâtre. Cette production avait fait un triomphe la saison précédente à Nancy et Versailles déjà et pour notre plus grand plaisir voici qu’elle était proposée à nouveau avec exactement la même distribution. On retrouve donc toute la richesse de la partition magnifiée par une réalisation en tous points splendide. Continuer…
Salieri, Europa Riconosciuta : Enfin!
Enfin ! Et c’est un enfin à plusieurs titres. Déjà on peut saluer le retour en grâce de Salieri, trop associé dans l’esprit de beaucoup à la mort de Mozart, surtout après le film Amadeus de MiloÅ¡ Forman qui le désignait comme empoisonneur. Car si le nom est connu et si quelques enregistrements existaient déjà , on peut voir un certain regain d’intérêt pour ce compositeur, montrant ainsi au plus nombreux qu’il n’était pas juste un jaloux, mais bien un très grand compositeur. Et il savait s’imposer dans plusieurs styles ! Le Palazetto Bru Zane a publié Les Danaïdes et vont suivre Les Horaces (et normalement Tarare dans l’avenir) pour les tragédies de style parisien, mais retrouver cet ouvrage Europa Riconosciuta publié est une bonne chose car il documente non seulement un autre style parfaitement maîtrisé par Salieri, mais aussi un ouvrage passionnant dans sa forme. L’autre « enfin » est motivé par l’attente de la publication de cette représentation. Elle avait été filmée et diffusée à la télévision mais cela faisait maintenant douze ans et on pouvait logiquement douter de sa publication officielle. Enfin nous voilà soulagés ! Continuer…