Polyeucte, l’opéra d’une vie pour Gounod mais malheureusement un échec public.

Voici donc le fameux Polyeucte dont nous avons déjà parlé dans l’article précédent consacré à Cinq-Mars. La composition ayant été antérieure mais la création postérieure, il y avait forcément à dire aussi sur cet opéra chrétien qui tenait tant à cœur à notre Charles Gounod. L’idée lui serait venue durant l’hiver 1868-1869 à Rome. Si son ami Charles Gay aurait vu Gounod en extase mystique dans une église se relevant soudain et criant “Ah! mon Dieu, oui, je sens que vous le voulez! J’obéirai. Votre nom sera glorifié sur la scène comme il doit l’être en tous lieux”, on peut imaginer qu’il a légèrement enjolivé la situation, le compositeur (toujours selon Charles Gay) en expliquant même qu’il a eu une vision de la partition. Si tel était le cas, cela voulait dire que tout était déjà fait et prêt dans son esprit. La suite de la composition montrera bien qu’il n’en était rien. Il ne faut pas oublier que Gay était un évêque français et a peut-être un petit peu trop brodé sur les paroles de son ami. La composition sera difficile, subissant de nombreux retards… et l’ouvrage sera finalement proposé au public en 1878 seulement, sur la scène du nouvel Opéra Garnier. Malheureusement pour le compositeur, le public ne sera pas réceptif à son ouvrage qui ne restera que 29 soirs à l’affiche. Continuer…

Cinq-Mars, un grand succès de Gounod malheureusement tombé dans l’oubli

Comme souvent après une grande période créative, Charles Gounod doit se reposer après la création de Roméo et Juliette en 1867. Pour se faire, il quitte Paris et part s’installer à Rome où sa ferveur religieuse le fait travailler sur un projet d’opéra chrétien : Polyeucte. Cette composition va l’occuper dans les années qui suivent mais en 1870 la guerre le fait quitter la France pour aller se réfugier en Angleterre où il terminera Polyeucte. Quatre ans après le début de son exil, il retourne en France. Certes il n’avait pas chômé entre temps avec de nombreuses compositions comme les musiques de scène pour Les Deux Reines de France de Legouvé, ou Jeanne d’Arc de Barbier. À son retour en 1874, des soucis d’ordre judiciaire l’empêchent sûrement de chercher une salle pour la création de Polyeucte (ou alors l’incendie de la Lepelletier en 1873 empêche la création à l’Opéra de Paris) et il ne compose pas de musique dramatique. En 1876, Léon Carvalho reprend la direction de l’Opéra-Comique et demande à Gounod un opéra pour sa première saison. Il n’y a donc que peu de temps pour travailler et étonnamment, il va composer son Cinq-Mars en cinquante-neuf jours seulement! Lui qui d’habitude prenait beaucoup de temps pour faire son métier de compositeur dramatique semble avoir été particulièrement inspiré ici car malgré le délai très court, la partition regorge de merveilles et d’inventivité. Même si l’ouvrage a été composé après Polyeucte, il sera créé le 5 avril 1877 alors que Polyeucte sera créé l’année suivante. Continuer…

Roméo et Juliette : Dernier grand succès de Charles Gounod à l’opéra

En avril 1865, Gounod commence la composition d’un nouvel opéra : Roméo et Juliette. Déjà en 1841 il avait composé un envoi obligatoire sur ce sujet depuis la Villa Médicis suite à son Prix de Rome. Presque vingt-cinq ans plus tard, voici que le rêve va devenir réalité. Rêve à plus d’un titre puisque non seulement il peut enfin se lancer dans ce projet, mais celui-ci sera couronné de succès. Ce sera d’ailleurs le dernier grand succès du compositeur, ses trois derniers opéras ne rencontrant au mieux qu’un succès d’estime et sombrant dans les oubliettes (même si on dispose d’enregistrements qui feront l’objet d’articles suivants!). Après Faust en 1859 et dans une moindre mesure Mireille en 1864, voici sans doute le troisième opéra de Charles Gounod qui lui survécu pendant de nombreuses années. Il faut dire que le sujet est assez vendeur… et le compositeur y a mis toute sa science pour nous offrir bien plus que quatre duos d’amours comme certains aiment à caricaturer cet opéra. Comme pour ses illustres devanciers, l’opéra a été remanié de nombreuses fois et il sera difficile de dire ce qui est de la coupure ou de l’emprunt à une édition particulière dans la suite de l’article. Mais en se référant à deux partitions et à deux enregistrements assez complets, on peut juger tout de même du travail éditorial réalisé lors des différents enregistrements studio. Continuer…

En 2022, Oya Kephale rend hommage à César Franck et Charles Gounod!

C’est en 2019 que pour la première fois j’allais écouter Oya Kephale dans un concert… Orchestre et chœur amateurs d’un très bon niveau, ils sont depuis devenus des rendez-vous presque obligés tant pour les concerts de décembre que pour ceux du printemps qui mettent en scène un ouvrage d’Offenbach. Au printemps 2022, c’était ainsi un superbe Barbe-Bleue alors qu’en ce mois de décembre, ce sera un double hommage à Gounod et Franck. César Franck bien sûr car on fête cette année le bicentenaire de sa naissance. Le Palazetto Bru Zane avait proposé entre autres Hulda, et Oya Kephale nous offre les Sept paroles du Christ en croix. En 2020, un programme Gounod devait être donné… mais il sera malheureusement annulé pour la cause que l’on connaît tous. L’année dernière était dévolue à Camille Saint-Saëns pour célébrer le centenaire de sa mort. Mais donc retour à Gounod en 2022 où la troupe nous offre un quasi inédit : la Messe des Anges Gardiens. À cela s’ajouteront des extraits de Faust. Malgré le froid qui a imprégné l’église Saint-Marcel, le public était au rendez-vous pour ce programme assez ardu et où seuls les certains extraits de Faust étaient connus de tous! Continuer…

Dans les Jardins de William Christie 2022

C’est lors de l’édition de 2015 que j’avais découvert ces magnifiques jardins de William Christie. C’était alors la quatrième édition de ce Festival dans les Jardins de William Christie qui redonne vie pendant quelques semaines au petit village de Thiré, perdu au fond de la Vendée. Au cours des années, on a pu voir quelques évolutions dans les lieux de représentations, dans la conception des programmes, dans la mise en avant de certains artistes… mais on a toujours le même magnifique cadre (qui même continue à s’agrandir et s’embellir), toujours la même qualité musicale… et toujours le grand plaisir de baigner dans la musique de 16h à 23h… C’est en général le programme du soir qui définit la journée de visite. Et cette année c’est le programme “Molière et ses musiques” qui aura été le plus intéressant sur le papier. Et la distribution (De Negri, Auvity, Mauillon,…) promettait des concerts de l’après-midi intéressants! Et ce fut le cas à plus d’un titre! Continuer…

Mireille de Gounod : Difficile carrière d’une provençale à Paris.

Après le relatif échec de La Reine de Saba en début d’année 1862, Gounod se tourne vers un sujet qui n’est pas du tout comparable, mais qui ne risque pas de s’attirer les bonnes grâces du public. Il découvre en effet durant l’hiver 1862-1863 le poème Mirèio de Frédéric Mistral et lui demande immédiatement s’ il peut en tirer un opéra. La réponse sera positive et Gounod ira s’installer à Saint-Rémy-de-Provence pour s’imprégner de la Provence et être juste à côté du père de Mireille avec qui il échange très régulièrement durant des longues promenades dans divers lieux. Si pour Sapho quelques petits moments musicaux pouvaient faire penser à la méditerranée, ici il va noter des mélodies entendues, des impressions sur les lieux… tout cela pour essayer de les transcrire dans sa musique, non pas seulement “faire” couleur local mais bien mettre des touches mélodiques et des rythmes qui nous plongent dans cette histoire tragique. On peut bien se douter que le parisien qui avait lu le poème et celui qui devait aller découvrir l’opéra de Gounod n’étaient pas les mêmes et surtout n’avaient pas les mêmes attentes. Alors que triomphait à Paris La Belle Hélène d’Offenbach, que Paris était le centre du monde… Proposer une intrigue si éloignée et de plus tragique n’était pas une garantie de succès. Et en effet, le succès ne fut pas au rendez-vous. Continuer…

Premier Grand-Opéra pour Gounod avec La Reine de Saba et échec cuisant.

Durant l’automne 1860, encore tout auréolé de ses récents succès, Charles Gounod se plonge dans une nouvelle composition : La Reine de Saba. Basé sur un extrait de la traduction par Gérard de Nerval des 1001 Nuits, le sujet semblait parfaitement calibré pour l’Opéra de Paris. Pourtant à l’origine il devait être créé au Théâtre Lyrique. Mais ce sera finalement à l’Opéra de Paris le 28 février 1862 que l’œuvre prit vie… malheureusement seulement pour quinze représentations. Depuis, cet opéra a vu quelques retours sur scènes (très rares) et surtout reste parmi les partitions du compositeur les moins appréciées dans la littérature qui lui est consacrée. La version de concert de Marseille en 2019 avait donné lieu à un article ici-même où un historique de la création avait été fait. Il ne sera donc pas nécessaire de refaire le même travail. Grâce à une analyse très fouillée de Gérard Condé dans son livre consacré à Charles Gounod, on mettra en avant les fameux motifs récurrents de la partition et surtout il faut reparler de la beauté de cette partition certes inégale mais foisonnante et fascinante. Et le but principal de cet article : un retour et une comparaison des trois versions officiellement disponibles de cet opéra. Continuer…

Onze ans après, retour des Huguenots sur la scène de la Monnaie de Bruxelles

Enfin une reprise de ce magnifique travail réalisé par La Monnaie. En 2011, cette production des Huguenots d’Olivier Py marquait les esprits de part sa réalisation scénique, mais aussi pour l’état de la partition où étaient rétablis de nombreux petits points musicaux, offrant tout de même des découvertes et une plus grande cohérence… et bien sûr la qualité musicale! Marc Minkowski dirigeait l’Orchestre Symphonique de la Monnaie avec la passion qu’on lui connaît pour cette musique et avait rassemblé non pas une mais deux grandes distributions qui alternaient et montraient des portraits vocaux différents pour les rôles principaux. En 2012, la production était reprise à Strasbourg avec une distribution presque entièrement renouvelée et Daniele Callegari à la baguette (malheureusement les deux dates à Mulhouse avaient été annulées au dernier moment). Il restait bien sûr les souvenirs des spectateurs mais aussi un enregistrement radio (la première diffusion avait coupé une partie du ballet du troisième acte avant qu’une seconde diffusion ne vienne rétablir la partition dans son intégralité!). Longtemps la Monnaie a prévu de reprendre ce spectacle, mais les travaux de la salle puis la pandémie ont sans doute retardé cette reprise. Mais onze ans après, la voici toujours aussi magnifique avec une distribution entièrement renouvelée pour l’occasion, un autre chef… mais toujours la partition fascinante de Giacomo Meyerbeer. Continuer…

Retour sur scène d’Oya Kephale avec un superbe Barbe-Bleue d’Offenbach bien sûr!

Pour tout amateur d’Offenbach qui se respecte, le nom de l’ensemble Oya Kephale n’est pas un mystère. Il est directement extrait de La Belle Hélène et du couplet d’Oreste. On comprend donc juste à la lecture du nom de l’association que l’on a affaire à des affamés d’Offenbach. Malheureusement, si en 2019 ils avaient pu donner une superbe Périchole, les deux années dernières les ont empêché de donner leur Offenbach annuel (La Vie Parisienne). Heureusement, ils avaient réussi en décembre 2019 à proposer leur concert de fin d’année et de même en 2021, entièrement consacré à Camille Saint-Saëns. Mais les voici de retour pour Offenbach, et ce n’est pas le plus connu de tous : Barbe-Bleue. Cet opéra bouffe est créé en février 1866, coincé entre La Belle Hélène (décembre 1864) et La Vie Parisienne (octobre 1866). Bien sûr il y a quelques autres pièces entre elles, mais on voit que l’on est dans une grande période créatrice d’Offenbach et Barbe-Bleue n’a pas eu la même carrière que ses voisins. Mais quel plaisir de retrouver tous ces talents toujours aussi motivés pour s’amuser et amuser le public! Continuer…

La Colombe, un petit Gounod à ré-évaluer!

Édouard Bénazet avait commandé pour la saison estivale de Baden-Baden un opéra à Charles Gounod. Ce devait être Philémon et Baucis mais comme indiqué dans l’article précédent, ce ne fut pas le cas pour plusieurs raisons. Mais l’année suivante, un autre opéra est commandé à Gounod et ce sera La Colombe, opéra adapté lui aussi d’un écrit de Jean de la Fontaine : le conte Le Faucon. Ainsi, La Colombe est créée avec grand succès lors des quatre représentations de août 1860 au Théâtre de la Conservation à Bade (ancien nom de Baden-Baden). Le livret est écrit par le duo habituel Barbier et Carré mais ce qui est plutôt inhabituel, c’est la rapidité de composition de Gounod. Il ne lui faudra que deux semaines pour arriver au bout de l’ouvrage. Et de ses dires, il composa entre deux portes, sur une table de chambre d’hôtel ou dans un train. On reste ici dans les opéras-comiques de petite dimension et la finesse d’écriture est assez surprenante pour de telles conditions! Bade lui fera un triomphe pour quatre représentations en 1860 alors que malgré un bon accueil Paris ne verra cette Colombe que pour une seule représentation en 1866. Continuer…