Parmi les ouvrages d’Hector Berlioz, Les Troyens est le grand opéra par excellence. Les autres ouvrages n’ont pas les mêmes dimensions. Ici, il est allé chercher non seulement dans le style d’ouvrages qui étaient à la mode à l’Opéra de Paris, mais aussi du côté des grandes tragédies lyriques de Gluck et même chez Rameau ou Lully. La partition est immense et a été maltraitée par l’histoire tant elle a été torturée et coupée au cours des années. Mais malgré tout, il est rare de trouver des opéras de ce style aussi enregistré : on trouve plusieurs versions en DVD, plusieurs studios ou captations en direct de haut niveau technique… là où l’on cherche parfois un seul enregistrement de bonne qualité pour d’autres titres autrement plus glorieux historiquement : La Juive d’Halévy en est l’exemple parfait. Mais Berlioz a cette aura que le pauvre Halévy n’a plus de nos jours. Il ne faut tout de même pas se plaindre d’avoir un nouvel enregistrement de ces Troyens, surtout quand il a été soigné comme ce disque voulu par John Nelson ! Le chef dirige en effet une distribution plus que brillante avec un état de la partition très soigné (même si on peu regretter quelques petits choix dans l’édition choisie). Continuer…
CD
Charles Gounod et le Prix de Rome
Après Camille Saint-Saëns l’année dernière, le Palazzetto Bru Zane met à l’honneur Charles Gounod en cette année 2018. Mais ce n’est pas totalement innocent car cette année marque en effet le bicentenaire de sa naissance. De nombreuses manifestations ou parutions sont prévues et cette année a commencé par ce livre-disque centré sur sa participation au Prix de Rome. Mais peut de temps après, c’est Le Tribut de Zamora qui revoit le jour, avant la sortie de disques de quatuor ou de cantates religieuses, la venue sur scène de La Nonne Sanglante à l’Opéra-Comique… et la recréation du Faust dans sa version première avec dialogues parlés. Il est par contre dommage que le centre de musique romantique de Venise n’ait pas parrainé aussi l’exhumation de Philémon et Baucis à l’Opéra de Tours qui est une entreprise très courageuse ! Cette année est une opportunité de juger avec honnêteté de la variété de la composition de celui qui est marqué par l’Ave Maria et l’air des Bijoux. Avec ces enregistrements d’ouvrages liés au Prix de Rome, nous pouvons déjà avoir un aperçu de ses partitions alors qu’il est au tournant des vingt ans. Hervé Niquet se fait le défenseur non seulement des trois cantates composées pour le concours entre 1837 et 1839, mais aussi de pièces religieuses créées durant son séjour à la Villa Médicis de Rome. Continuer…
Daucé et Charpentier : un Orphée magique
Contemporain de Lully, Marc-Antoine Charpentier est peut-être le musicien qui aura souffert le plus de l’interdit pour tout autre musicien de présenter des tragédies lyriques. En effet, le compositeur aura durant toute sa vie imaginé des ouvrages tragiques en marge de la grande forme mise en place par le favori de Louix XIV et il faudra attendre la mort de Lully pour qu’enfin Charpentier puisse présenter sa fameuse Médée, ouvrage qui n’aura pas le succès espéré lors de la création mais qui de nos jours est considéré comme l’un des plus passionnant exemple de ce grand genre tragique. Avant, nous avions eu des pastorales, des petits opéras courts… mais jamais ces grands sentiments sur cinq actes. Il avait aussi composé ses deux tragédies bibliques et plus particulièrement David et Jonathas qui (malgré le manque de la partie parlée de l’ouvrage telle qu’il a été imaginée) reste un sommet de l’opéra baroque de l’époque lui aussi. Cette Descente d’Orphée aux Enfers fait suite à Actéon (1684)et aux Arts Florissants (1685), tous composés pour Mademoiselle de Guise qui tenait une petite cour à laquelle était rattaché Charpentier. Continuer…
Diana Damrau : Meyerbeer à la folie!
Alors qu’elle n’était pas encore la star qu’elle est aujourd’hui, Diana Damrau chantait Salieri, Mozart… et Meyerbeer ! Elle a même avoué qu’elle souhaitait depuis longtemps enregistrer un disque consacré à ce compositeur, cherchant dans ses différents opéras qu’ils soient français, italiens ou allemands ! Et c’est donc ce récital qui est sorti il y a quelques semaines… et voici que la chanteuse vient sur la scène de la Philharmonie de Paris non pas pour juste nous offrir une interprétation en direct d’airs extraits de ce disque… non… comme elle l’avait fait à Rome il y a quelques années, elle confronte Meyerbeer à ses contemporains, pour en montrer la richesse et ce qu’ils lui doivent pour certains. Même des noms comme Verdi au final ont été influencés par les partitions de ce compositeur. En pleine forme, voir même trop, Diana Damrau est venu prendre la scène et offrir un grand spectacle au public. Continuer…
Itinéraire vers la Lucia de Joan Sutherland
Joan Sutherland fait partie de ces chanteuses qui fascinent souvent, mais laissent aussi parfois les auditeurs totalement sur le bord de la route. Pourtant, la soprano reste un nom important tant elle a remis au goût du jour toute une partie du répertoire opératique. Avec son mari Richard Bonynge, elle a chanté sur les plus grandes scènes les rôles du bel-canto romantique les plus tragiques et alors peu montés. Mais elle a aussi aidé à la renaissance d’une partie de l’opéra français. Car si le bel-canto avait déjà vu Maria Callas lui redonner grandeur et variété, c’est bien le couple Bonynge/Sutherland qui a réussi à imposer les enregistrements d’ouvrage rares comme Hamlet d’Ambroise Thomas, Les Huguenots de Giacomo Meyerbeer, ou encore Esclarmonde et Le Roi de Lahore de Jules Massenet ! Ainsi, malgré mes réticences à écouter cet enregistrement légendaire de Lucia di Lammermoor, j’ai voulu lui redonner sa chance. C’est donc une sorte de parcours de redécouverte qui sera ici chroniqué. Continuer…
Die Frau Ohne Schatten, Böhm 1955 : tout simplement légendaire!
Il est commun de parler pour certains enregistrements de disques légendaires ou mythiques… mais s’il en est bien un qui mérite ces qualificatifs, c’est l’enregistrement studio de Die Frau Ohne Schatten de 1955 pour DECCA dirigé par Karl Böhm. Non seulement il est d’une qualité admirable, mais les circonstances de son enregistrement, sa place dans la discographie de l’œuvre, sa rareté et son témoignage d’une époque ajoutent encore à l’aura qui le pare. Bien sûr, d’autres enregistrements de cet opéra magique de Richard Strauss sont reconnu et admirés, avec bien sûr d’autres captations dirigées par Böhm (en 1977 par exemple), Karajan ou Solti. Mais voilà … peuvent-elles rivaliser d’un point de vue historique ? Sans parler de la qualité qui est somme-toute souvent relatif en fonction des préférences de chacun… quelle autre enregistrement d’opéra a inspiré une mise en scène de ce même opéra par exemple ? Bien peu… Cette version est certes affligée de coupures, mais pour l’époque, la partition est plutôt bien conservée si l’on compare à certains enregistrements postérieurs ! Continuer…
Herculanum de Félicien David : Grandiose!!
Il y a quelques années encore, Félicien David était un nom parmi tant d’autres : un compositeur du XIXème siècle et l’inventeur de l’ode-symphonique (dont le fameux Désert). Mais difficile de se faire alors une idée de la qualité de sa composition tant les enregistrements étaient rares. Et voici qu’en moins de deux ans, quatre disques de styles variés nous sont proposés : des mélodies chantées par Tassis Christoyannis, Lalla Roukh (opéra-comique) dirigé par Ryan Brown, le Désert sous la direction de Laurence Equilbey… et enfin Herculanum. Et ce n’est pas fini puisque d’autres Å“uvres ont été enregistrées et devraient paraître dans la collection « Portraits » du Palazzetto Bru Zane avec entre autres une autre ode-symphonique Christophe Colomb. Il faut ici saluer bien sûr cette fondation pour tout le travail de réhabilitation et de découverte, mais saluons aussi le travail effectué avec moins de moyen mais de beaux résultats par Ryan Brown et son Opera Lafayette. Avec Herculanum, c’est tout le faste du Grand Opéra qui est présenté, et sans l’orientalisme souvent associé à la musique de Félicien David. Grand succès lors de sa création, l’œuvre restera de nombreuses années à l’affiche avant de sombrer dans l’oubli. Ce retour en grâce nous livre une partition passionnante et digne des plus grandes compositions lyrique de l’époque, dans des conditions d’écoutes grandioses. Continuer…
Fervaal mérite tellement mieux…
Vincent d’Indy fait partie de cette génération de compositeurs français marqués dans leur jeunesse par le Grand Opéra alors maître sur la scène de l’Opéra de Paris, avant d’être frappés par l’arrivée de Richard Wagner. Tout comme Paul Dukas ou Ernest Chausson, Vincent d’Indy composa finalement peu d’opéra (seulement cinq) mais beaucoup de musique symphonique. Parmi les opéras, ne sont disponibles à l’écoute que L’Étranger et Fervaal. Alors que le premier se distingue par un naturalisme teinté de fantastique dans la dernière scène, Fervaal est particulièrement marqué par les deux modèles qui s’entrechoquent dans l’esprit du compositeur. Plongeant dans une mythologie française teintée de religion celtique, cet opéra est souvent comparé à Parsifal par son thème et ses personnages. Mais par sa science symphonique, d’Indy se distingue du modèle germanique en trouvant des couleurs toutes françaises et lumineuses. Malibran nous propose ici la captation de 1962 réalisée pour la Radio Française. Malheureusement, les conditions d’écoutes sont loin de rendre justice à la partition : interprétation banale, énormes coupures, orchestre très sec et en retrait… Difficile dans ces conditions se faire une idée de l’œuvre, qui se révèle pourtant grandiose dans son entièreté. Continuer…
Magnifique Simon Boccanegra chez Delos
Créé en 1857, Simon Boccanegra sera loin d’être un succès à Venise. Alors que sa carrière se ralentit, Verdi veut lui donner une nouvelle chance et s’engage dans une révision de sa partition mais aussi du livret. Suite aux manÅ“uvres de l’éditeur Riccordi, c’est le jeune Arrigo Boïto qui va aider le compositeur dans la modification du texte, suggérant des changements de situations ou de lieux pour renforcer l’effet de l’Å“uvre. C’est donc la version de 1881 qui est ici présentée avec en tête d’affiche le baryton russe Dmitri Hvorostovsky. Son interprétation du rôle de Boccanegra a été rodée depuis bien des années sur différentes scènes et méritait bien qu’elle soit enregistrée de manière officielle. Bien sûr, la maison de disque et l’orchestre sont loin des prestigieux DECCA et Wiener Symphoniker dont bénéficia Thomas Hampson il y a quelques années… mais le résultat est impressionnant de qualité : la distribution réunie est un grand sans faute qui va chercher des interprètes parfaitement à l’aise dans les tessitures et les personnages, alors que Constantine Orbelian dirige les forces de l’opéra de Kaunas de bien belle manière ! Continuer…