Il faut bien l’avouer, c’est avant tout pour le Saint François d’Assise de Gounod qui motivait le déplacement pour ce concert… Ayant déjà entendu l’ouvrage en l’Église Saint-Eustache il y a quelques années, je me réjouissais de pouvoir retrouver cette pièce. Mais finalement, c’est presque tout le concert qui fut magnifique et une vraie bonne surprise ! Face à un public très attentif et calme, des partitions très rares ont été magnifiquement mises en avant par les musiciens comme par les chanteurs. Une grande journée de découverte qui sera normalement enregistrée pour une parution discographique dans les années qui viennent, sûrement à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Gounod…
On commence pour le triptyque Du berceau jusqu’à la tombe de Liszt. Trois mouvements superbement différenciés avec un premier où le doux balancement nous donne l’illusion du berceau justement, calme et varié… puis la grande bataille qui survient où l’orchestre se déchaîne pour nous emporter entre vie et mort. Et enfin le dernier mouvement qui renoue finalement sur le calme du début… Liszt est particulièrement inspiré pour cette pièce symphonique qui nous donne une musique plutôt sobre par rapport aux folies qu’on a plus l’habitude d’entendre sous la plume du compositeur virtuose. Quel recueillement dans le premier et dernier mouvement ! Magnifique pièce où chaque atmosphère est parfaitement rendue…
Vient ensuite la Légende de Sainte Cécile, cantate assez étrange de Liszt. Déjà on s’étonne d’entendre un texte en français même si Liszt a passé une partie de sa vie à Paris. Le texte en lui-même n’est pas forcément passionnant et reste très marqué par le XIXème bourgeois romantique… mais il y a dans cet ouvrage un début particulièrement saisissant avec un immense récitatif très sobre où la déclamation est primordiale. C’est l’histoire de la sainte sa route vers la mort… Par la suite, on assiste à une grande célébration de la patronne des musiciens et là on entre dans une partie beaucoup moins marquante de l’œuvre car on y entend une musique un peu pompeuse et cérémonielle qui manque de personnalité par rapport à la première partie ! Pour nous compter cette mort, Karine Deshayes se montre une diseuse assez soucieuse du texte dans la première partie, concentrant la voix pour faire ressortir le texte. Le point négatif qui se dégage du coup est le manque de puissance qui fait que dès que l’orchestre s’élève la voix semble noyée. Il faut dire aussi que le début est assez gave et que ce n’est pas la partie de la voix de Deshayes qui ressort le mieux. Dans la deuxième partie beaucoup plus lyrique, la voix se fond dans le chÅ“ur de belle manière par contre pour célébrer la sainte…
Arrive ensuite Gounod pour une petite pièce concertante pour violon : l’Hymne à Sainte Cécile. Avec un effectif très léger pour une bonne partie de la pièce, le violon est accompagné par des vents ou des instruments solistes… Deborah Nemtanu se montre superbe de finesse et d’émotion… le violon se déploie dans de superbes courbes mélodiques qu’on connait chez Gounod… mais rarement sont données ses pièces concertantes. Un petit bijou sucré de belle facture !
Enfin la pièce de résistance pour Saint François d’Assise. Ce diptyque de Gounod est marqué par le dernier style du compositeur avec cette sobriété qui caractérise ses pièces dans années 90. Le chant se limite souvent à des mélodies sobres et dépouillées alors que l’orchestre se montre plus moderne et évocateur. L’entrée de Saint-François permet à Stanislas de Barbeyrac de déployer un superbe lyrisme où la passion religieuse se déploie largement sur un timbre sobre et une belle diction… puis apparaît Florian Sempey. Plein de recueillement pour camper cette apparition de Jésus, le baryton semble vouloir éviter tout surplus de voix et d’émotions… sauf qu’à brider son instrument il en devient assez terne et transparent, manquant de charisme pour vraiment marquer sa courte apparition. Barbeyrac reprend ensuite l’attention de tous avant un superbe intermède qui sera d’ailleurs donné en bis à la fin du concert. Le deuxième tableau se déploie de manière plus intime malgré la présence des chÅ“urs. Saint-François se meurt et reste beaucoup plus sobre dans son expression alors que les chÅ“urs symbolisent les adeptes ou les anges.
Si Equilbey est assez unanimement reconnue pour ses talents de chef de chÅ“ur, elle se montre parfois un peu terne à la direction d’orchestre. Pourtant ce soir, elle donne de très belles choses pleines de nuances et de finesse pour les deux compositeurs, couvant les instrumentistes de belle manière sans pour autant trop assagir les pièces. Le chÅ“ur est lui aussi parfait bien sûr, particulièrement marquant pour les hommes quand dans le Gounod les voix se séparent et nous donnent à entendre mélangés mais pourtant bien distinctes les voix de ténors et de basses.
Le concert a été ovationné bien sûr par une salle pleine et enthousiaste qui découvrait presque tout le programme. Vivement la parution du disque…
- Paris
- Salle des Concerts, Philharmonie de Paris
- 22 juin 2016
- Franz Liszt (1811-1886) : Du berceau jusqu’à la tombe, Légende de Sainte Cécile *
- Charles Gounod (1818-1893) : Hymne à Sainte Cécile°, Saint François d’Assise²
- Karine Deshayes, mezzo-soprano *
- Deborah Nemtanu, violon °
- Stanislas de Barbeyrac, ténor ²
- Florian Sempey, baryton ²
- Accentus
- Orchestre de Chambre de Paris
- Direction : Laurence Equilbey