Cadeau de Cecilia Bartoli à la Philharmonie

Comme presque tous les ans, Cecilia Bartoli nous a fait un cadeau de Noël en avance avec un récital paru au mois de novembre. Replongeant sur les traces de son splendide Sacrificium de 2009, elle repart sur les traces des castrats, mais cette fois en se centrant sur la figure emblématique de ces illustres chanteurs : Farinelli ! Cela nous vaut une pochette comme toujours très étrange, mais qui accroche l’œil, et des airs superbes même si nous avons moins d’inédits que souvent étant donné combien le répertoire de ce castrat a été enregistré de nombreuses fois notamment par Ann Hallenberg. Cette dernière a d’abord effectué une tournée avec Christophe Rousset, puis a publié il y a peu un disque qui permet d’entendre les variations annotées par Farinelli lui-même sur les partitions qui existent encore ! Bien sûr, toute sortie de disque par Bartoli est suivie par une grande tournée lui permettant de se montrer sous son meilleur jour. Mais au lieu cette fois de reprendre les airs enregistrés au disque, elle va aller piocher dans d’autres disques, voir dans des rôles chantés il y a peu… et même nous offrir une mise en scène ! Comme toujours, Cecilia Bartoli est très généreuse avec son public ! Continuer…

André Messager enfin pris au sérieux pour un splendide Fortunio à l’Opéra-Comique

Pour la troisième année maintenant, Louis Langrée revient au mois de décembre pour une production française : après Le Comte Ory de Rossini en 2017 puis Hamlet de Thomas l’année dernière, il reprend la production de 2009 de Fortunio de Messager. La production avait été saluée lors de sa création il y a maintenant dix ans et son retour était de très bon augure, surtout avec la distribution qui voyait dans les deux rôles principaux des interprètes particulièrement à l’aise dans ce répertoire Anne-Catherine Gillet et Cyrille Dubois. Les ouvrages lyriques d’André Messager sont majoritairement légers et comiques avec beaucoup d’opérettes comme Les P’tites Michu remises sur scène par la Fondation Bru Zane il y a quelques temps. Mais Fortunio n’est pas de cette trempe car si le sujet reste léger, la partition est autrement ambitieuse et démontre que l’on peut faire souriant sans pour autant faire simple. Créée en 1907, la partition sera saluée par les plus grands compositeurs de l’époque. Avec les forces réunies par l’Opéra-Comique tant d’une point de vue musical que scénique, on ne pouvait que passer un bon moment, surtout dans ces temps un peu complexes à Paris… et nul doute vu l’ovation lors de saluts que l’ensemble de la salle a passé un excellent moment de musique et de théâtre ! Continuer…

Isis en concert par Christophe Rousset : confrontation avec un disque splendide!

Début novembre nous parvenait enfin le témoignage du concert donné à Beaune cet été par Les Talens Lyriques : Isis de Lully. Car si la représentation publique avait eu lieu le 12 juillet, les 11, 13 et 14 juillet c’était l’enregistrement studio qui se déroulait Salle Gaveau, donnant lieu à un disque venant compléter la déjà très grande collection lullyste de l’ensemble. Les derniers ouvrages enregistrés avaient montré combien Christophe Rousset savait donner vie à des partitions aussi variées qu’Armide ou Alceste qui sont aux deux extrêmes de la production du compositeur italien. Avec Isis, c’est un ouvrage à part qui est proposé car Lully semble avoir voulu ici faire taire les mauvaises langues qui critiquaient la rigueur de sa musique. Que de couleurs, d’inventivités et de beautés dans une partition qui sera imitée dans des ouvrages tels que Hippolyte et Aricie par exemple ! Ce concert se tient donc alors que le disque est disponible depuis un mois, alors que la précédente représentation date de presque 5 mois… Et peut-être à cause de cela, on n’en est que plus difficiles sur le rendu et l’on entend toujours mieux les petites imperfections d’un concert en direct alors que l’enregistrement était splendide ! Continuer…

Ercole Amante, quand l’Opéra-Comique sert brillamment Cavalli avec Pygmalion

Si l’Opéra-Comique se fait fort de défendre le répertoire français baroque ou romantique, il lui arrive aussi de remonter des ouvrages totalement en dehors de sa mission patrimoniale pour notre plus grand plaisir. Et au final, même si pour ce concert l’opéra était en italien, il a tout de même été composé pour Paris ! Cet Ercole Amante a été commandé par le cardinal de Mazarin pour fêter les noces du jeune Louis XIV avec Marie-Thérèse d’Autriche. Nous ne sommes donc pas si loin de sa mission première puisque que nous explorons ici encore une rareté qui a trait avec la source de l’opéra français tant Cavalli influencera le jeune Lully qui n’a pas encore posé les bases de sa tragédie en musique. Pour monter dans de bonnes conditions cet ouvrage gigantesque, l’Opéra-Comique s’est appuyé sur des valeurs sûres en choisissant Raphaël Pychon pour la partie musicale ainsi que le duo Valérie Lesort et Christian Hecq pour la mise en scène. Le premier s’est illustré dans un splendide Orfeo de Rossi il y a quelques années à Nancy et Versailles entre autre alors que le duo de metteurs en scène avait produit à l’Opéra-Comique un Domino Noir salué par presque l’intégralité de la critique pour son inventivité. Car si l’ouvrage est rare, il est aussi difficile à tenir de par sa durée mais aussi son format qui oscille entre l’opéra italien et le français, Cavalli trouvant des moyens qu’il a eu le plaisir d’utiliser et des contraintes qu’il ne pouvait ignorer. Continuer…

La Reine de Saba de Gounod, immense merci à Marseille et aux artistes!

Après le grand succès de Faust et les légèretés de La Colombe ou Philémon et Baucis, Charles Gounod allait tenter de trouver le succès sur la scène de l’Opéra de Paris. Il y a pourtant créé ses deux premiers ouvrages, mais si Sapho aura un succès d’estime, La Nonne Sanglante sera un grand échec. À l’origine, La Reine de Saba était prévu pour le Théâtre-Lyrique de Léon Carvalho. Mais deux éléments vont faire migrer le projet : tout d’abord le Théâtre-Lyrique allait être frappé d’expropriation début 1862 afin de percer la place de la République… mais cela s’ajoute l’ampleur de l’ouvrage qui rendait difficile les représentations dans un théâtre de dimension assez moyenne, tant en terme de moyens financiers que matériels. Aussi, Charles Gounod va se tourner vers la grande scène parisienne pour tenter d’y trouver enfin le succès. Malheureusement ce ne sera pas le cas… seulement quinze représentations avant que l’ouvrage ne soit supprimé de l’affiche. Il faudra donc attendre 1869 pour qu’enfin Gounod soit célébré sur la scène de la salle Le Pelletier… mais ce sera pour l’arrivée non pas d’un nouvel opéra mais de Faust. Depuis, quelques reprises disparates ont tenté de faire renaître La Reine de Saba : Michel Plasson le monte à Toulouse en 1969, le festival Martina Franca le donne en 2001 avec une reprise en 2003 à Saint-Étienne… et en 2018 à Boston par l’Odyssey Opera. Mais enfin une nouvelle version en France avec des artistes de premier plan ! Continuer…

Trio Ayonis, entre chansons et mélodies

Enguerrand de Hys fait partie des noms qui apparaissent régulièrement sur les programmes, souvent dans des petits rôles comme ce fut le cas dans La Nonne Sanglante, Fantasio ou Armide ces dernières années… Et le ténor se montre toujours aussi parfait vocalement, avec des personnages très bien calibrés pour sa voix. Mais récemment, c’est dans Tarare qu’il a marqué les esprits, chantant le rôle de Calpigi avec malice mais aussi cette dose de danger dans la voix lorsqu’il menace son maître. On sent que le chanteur a un grand potentiel pour donner vie à ces personnages même s’ils sont souvent très courts. Aussi, voyant qu’il allait donner un concert à Paris avec un programme original et intéressant… je me renseigne un peu et découvre ce Trio Ayonis formé avec Élodie Roudet et Paul Beynet. Les trois musiciens sont jeunes, particulièrement investis dans ces programmes qui mêlent mélodies, chansons et airs d’opéra. Aussi, après une rapide découverte sur Internet, voici que ce concert est obligatoire. Après le Gala Bru Zane, le format est bien sûr plus intime mais la curiosité est forte ! Continuer…

Palazzetto Bru Zane, dix ans de bonheur!

En 2008 est fondée la Fondation Palazzetto Bru Zane, mais elle est vraiment en ordre de marche en 2009, alors que le palazzetto vénitien qui l’abrite est justement inauguré. Le but de cette fondation est de travailler à la mise en valeur de tout un patrimoine de la musique française : ce romantisme peu connu qui fit pourtant courir toute l’Europe à Paris au XIXème siècle. Si l’époque baroque a le Centre Musical Baroque de Versailles pour effectuer un travail sur les sources et les partitions, permettant de remonter de nombreux ouvrages rares ou de redonner vie à des ouvrages trop souvent entendus déformés leur visage d’origine, il restait un grand vide pour toute la musique qui suivait. Alors que nous avions des éditions critiques pour des opéras de Rossini par exemple, rien de comparable en France en dehors de quelques recherches sur des titres comme Les Contes d’Hoffmann ou Les Pêcheurs de Perles et plus récemment les opéras de Meyerbeer. Le travail est donc énorme ! Car à côté de ces compositeurs connus qu’il faut réussir à remettre à leur juste place après des décennies de dénigrement, il y avait aussi la mise en lumière de grandes raretés du romantisme… et le chaînon manquant entre le baroque et Berlioz, tous ces compositeurs qui depuis Gluck n’étaient que de vagues noms comme si on était passé de la musique de Louis XVI au début du romantisme. Alors bien sûr, il n’y a pas que l’opéra dans cette mission et nous aurons aussi un splendide travail sur les mélodies, sur les pièces orchestrales, sur les cantates du Prix de Rome… mais ce qui nous intéresse ce soir, c’est avant tout l’opéra car c’est lui qui est célébré sous toutes ses formes pour ce Gala qui fête les dix ans de la fondation. Dix ans de magnifiques découvertes et de mise à disposition de documents de référence, qu’ils soient discographiques ou écrits… aidant même à la production de spectacles scéniques. Continuer…

Les Indes Galantes à l’Opéra Bastille, où le triomphe de la jeunesse

Même si de nos jours, la partition des Indes Galantes de Rameau est considérée comme un chef d’œuvre, elle n’a pas été toujours regardée avec autant de respect… et n’a pas été si jouée que ça à l’Opéra de Paris. En ce jour du 28 septembre, ce n’est en fait que la 507ème représentation… Longtemps oubliée, la partition refait surface en 1925 où l’Opéra-Comique donne uniquement l’entrée des Fleurs dans une version remaniée par Paul Dukas ! Jouer de la musique baroque sans « améliorations » n’était pas envisageable à l’époque. Viendra ensuite la fameuse production de Maurice Lehmann où non seulement on offre au spectateur des décors et des costumes grandioses, mais on ira même jusqu’à diffuser des parfums lors des Fleurs. La partition reste défigurée mais la production connaîtra un grand succès de 1952 à 1965, tous les grands noms de la troupe de l’Opéra de Paris d’alors y tiendront un rôle à un moment ou à un autre (un enregistrement existe avec entre autre autre Rita Gorr, Suzanne Sarroca, Janine Micheau, Geori Boué, Henry Legay, René Bianco…) ! En 1983, c’est une production italienne qui nous arrive avec à sa tête Philippe Herreweghe. Nous avons enfin la partition de Rameau. Puis ce sera la production d’Andrei Serban à l’Opéra Garnier dirigée par William Christie en 1999 qui sera reprise deux fois pas la suite… et depuis 2003 plus rien. Mais il y a quelques mois, enfin une annonce de cette nouvelle production qui se promettait d’être très moderne, avec la fine fleur du chant francophone… et à Bastille ! Voilà qui donnait certes envie… mais aussi qui pouvait faire craindre beaucoup pour l’aspect visuel et dans l’acoustique de la salle. Continuer…

Parsifal, une équipe russe à la Philharmonie de Paris pour un Wagner splendide!

En 2018, Valery Gergiev et sa troupe étaient venus pour nous proposer un Ring sur deux weekend. Les quatre concerts étaient impressionnant de qualité avec des chanteurs inconnus pour la plupart mais qui avaient donné des prestations mémorables. Après une grandiose Iolanta la veille, voici donc Parsifal pour terminer ce week-end. Après le russe, nous revenons à Wagner. Gergiev connaît bien cet ouvrage pour l’avoir dirigé de nombreuses fois et même pour l’avoir enregistré avec son orchestre du Mariinsky en 2009. Même après avoir fait ses débuts au Festival de Bayreuth cette année, il reste un chef wagnérien regardé avec méfiance par les puristes pour des lectures parfois manquant de tenue ou d’énergie. Mais on sait que le chef est capable du meilleur lorsqu’il est inspiré, surtout avec un orchestre qu’il a façonné et qui lui répond au doigt et à l’œil. Dans la distribution nous retrouvions Mikhail Vekua qui avait été Logue, Siegmund et les deux Siegfried… mais aussi Yuri Vorobiev qui avait donné vie au Wotan de L’Or du Rhin… et bien sûr Evgeny Nikitin ! Parmi les petits rôles, on notera la présence d’Yekaterina Sergeyeva qui avait eu de nombreux rôles lors du Ring (Flosshilde, Fricka et la Première Norne). La grande question portait donc principalement sur la Kundry de Yulia Matochkina totalement inconnue malgré des retours très favorables de sa récente participation à un Roméo et Juliette de Berlioz… Continuer…

Étincelante Iolanta par le Mariinsky

En 1892, Piotr Ilitch Tchaïkovsky proposait son dernier opéra couplé avec son dernier ballet : Iolanta et Casse-Noisette. Bien que les deux ouvrages aient été de nouveaux réunis il y a quelques années à l’Opéra National de Paris dans une production signée Dmitri Tcherniakov, il est tout de même rare de les retrouver ensemble. Avec son heure et demi, Iolanta pose un souci aux programmateurs : trop court pour être seul dans une soirée, il demande de trouver un autre opéra court qui pourrait compléter le spectacle. En juin 2018, l’Opéra de Tours avait osé lui adjoindre Mozart et Salieri de Rimsky-Korsakov, opéra encore plus rare sur nos terres occidentales. Mais tout de même, au moins au concert, cet ouvrage de Tchaïkovsky semble revenir dans les salles et montrer que Tchaïkovsky n’est pas le compositeur de deux opéras. Peut-être la tournée d’Anna Netrebko en 2012 a permis de faire connaître cette partition magnifique car il semble être repris plus souvent depuis quelques années et c’est un vrai plaisir tant la musique y est sublime. Et cela nous change des éternels Eugen Onegin et La Dame de Pique (même si ces deux ouvrages sont passionnants aussi!). Pour sa venue maintenant annuelle avec sa troupe du Mariinsky, Valery Gergiev nous offre la possibilité de ré-entendre dans de superbes conditions ce Iolanta. Continuer…